- Une légère remontée de l’inflation est observée cet automne des deux côtés de l’Atlantique. La viscosité des prix dans les services et les risques géopolitiques envisagés pour 2025 ne remettent cependant pas en cause, à ce stade, un scénario d’atterrissage de l’inflation. Celui-ci serait plus rapidement atteint, selon nous, en zone euro qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les indicateurs de pressions sur les prix (côté offre) sont, quant à eux, en très léger repli (page 19 du pdf).
- Au Japon, à l’inverse, l’inflation a reculé à la suite de l’instauration en septembre dernier de nouvelles subventions publiques sur l’énergie. Elles ont conduit à un recul en glissement annuel de l’IPC énergie de 5,9% en septembre à 2,3% en octobre. En revanche, l’inflation sous-jacente est repassée au-dessus des 2% (2,1% précisément) et la progression des salaires de base, bien qu’inférieure aux rythmes observés en Europe et aux États-Unis, était la plus élevée depuis 1993. Un nombre important de composantes de l’IPC enregistrent encore une progression supérieure ou égale à 2% (page 15 du pdf), illustrant la persistance et l’étendue des pressions inflationnistes actuelles. Les anticipations d’inflation sont stables (page 24 du pdf).
- En zone euro, le rebond de l’inflation est plus ou moins marqué selon les pays : il est important en Croatie, Estonie et Belgique et très limité, voire négatif, en Slovénie, Irlande, Lituanie et Italie où l’inflation reste inférieure à 1% en g.a. (page 10 du pdf). L’inflation harmonisée en zone euro est passée de 1,7% en septembre à 2,0% en octobre, alimentée par une hausse dans l’alimentation et une déflation moins importante des prix des carburants. Les anticipations d’inflation des ménages à un an et trois ans ont convergé mais restent sensiblement supérieures au niveau d’avant-crise énergétique (page 22 du pdf).
- Aux États-Unis, le déflateur de la consommation progresse moins rapidement que l’IPC, même si ces deux indicateurs ont accéléré en octobre, respectivement de 2,1% à 2,3% et de 2,4% à 2,6% (page 7). Le core déflateur passe de 2,7% en g.a. à 2,8% tandis que le core CPI est stable à 3,3%. Certaines poches de forte inflation dans les services persistent : les frais d’assurance automobile (+14,0% a/a) et de maladie (+6,8%), la réparation automobile (+5,8%) ou encore le logement (+4,9%). La déflation sur les véhicules automobiles d’occasion continue de se dissiper (-5,1% à -3,4%). Les anticipations d’inflation des ménages ont rebondi en novembre, de 3,0% à 3,2%, selon l’enquête de l’Université du Michigan (page 21 du pdf).
- Au Royaume-Uni, l’inflation dans les services reste plus élevée qu’en zone euro et aux États-Unis, à 5,0% en g.a. en octobre. La part encore importante des composantes des prix à la consommation, dont la progression dépasse les 6% soit près d’un tiers du total (page 15 du pdf), illustre la lenteur de cette désinflation. Celle-ci reste particulièrement limitée dans la santé (les frais hospitaliers augmentent de 9,4% a/a tandis que les frais des mutuelles de santé progressent de 11,6%).
Graphique du mois :
Les évolutions récentes de l’inflation dans la zone euro (mesurées par l’indice des prix à la consommation harmonisé publié par Eurostat) et des soldes d’opinion des consommateurs européens sur les tendances passées et futures des prix ne sont pas aussi proches que par le passé. Ce décalage peut expliquer l’absence, à ce stade, d’un effet plus net de la baisse de l’inflation sur la consommation des ménages. Si le taux de croissance des prix a fortement reflué depuis son pic d’octobre 2022, et atteint un rythme ni trop bas ni trop élevé de 2% soit la cible d’inflation des banques centrales, le choc sur le niveau des prix, quant à lui, persiste et pèse probablement sur la perception qu’ont les ménages de la réalité de la baisse de l’inflation.
Entre 2021 et 2022, alors que l’inflation s’envolait, il est intéressant de constater que la perception des ménages n’a pas été aussi élevée, ce qui est une bonne nouvelle a posteriori. En revanche, sur la période récente, le reflux modéré du solde d’opinion sur l’évolution passée des prix, qui demeure assez nettement au-dessus de son niveau d’avant-Covid et du choc inflationniste, est préoccupant. De plus, si le solde d’opinion sur l’évolution future des prix a nettement diminué et atteint à un étiage plutôt bas, il est stable depuis la fin 2023 : cette absence d’anticipation par les consommateurs d’une poursuite de la désinflation, alors qu’elle est visible dans les chiffres globaux, pose également question. Il faut probablement mettre ce décalage sur le compte de la mémoire du choc inflationniste et du niveau sensiblement plus élevé des prix qui s’en est suivi, notamment sur les produits alimentaires et certains services comme l’hôtellerie-restauration.
À l’horizon des prochains mois et trimestres, il sera intéressant et important de voir si, et avec quelle ampleur, la perception des consommateurs vis-à-vis de l’inflation va s’améliorer, dans le sillage de la poursuite attendue d’une désinflation modérée. Ce qui comptera probablement, pour que l’amélioration soit perceptible et contribue à débloquer les comportements de consommation, c’est la disparition de la dernière poche d’inflation qui touche les prix des services. Or, celle-ci devrait prendre encore un peu de temps[1], ce qui repoussera ou atténuera le rebond espéré de la consommation des ménages.