Paris, Gare de Lyon, avril 2024. Dans l’attente de son TGV pour Marseille, un voyageur arpente les magasins. Comme il dispose d’un peu de temps, il s’attarde dans l’un d’eux, qui propose de la téléphonie mobile. L’occasion de changer de smartphone ? Après tout, le sien a déjà quatre ans, l’âge moyen auquel les appareils se renouvellent en France ; la dernière version, qu’il a sous les yeux, intègre plus de fonctionnalités ; enfin, c’est son anniversaire ! Il s’offre son cadeau… et multiplie ce faisant par vingt-cinq le bilan carbone de son trajet[1].
Pour banale qu’elle soit, cette courte histoire illustre toute la difficulté de parvenir à la neutralité climatique dans une économie ouverte aux échanges. Car l’empreinte carbone d’un pays ne se mesure pas seulement à l’aune de ce qu’il produit (comme les voyages en TGV) mais aussi de ce qu’il importe (comme les smartphones). Sur les 9,2 tonnes de gaz à effet de serre (GES) émises annuellement par chaque Français, plus de la moitié (5,1 tonnes) sont attribuables à des biens et services achetés à l’étranger. La production intérieure compte pour beaucoup moins (2,5 tonnes par an et par habitant pour sa part non exportée) tandis que les émissions directes (1,6 tonne par an et par habitant au titre de la consommation de carburants) complètent l’ensemble[2].
9,2 tonnes, c’est encore beaucoup par rapport aux 2 tonnes qu’il faudrait viser à horizon 2050 pour rester dans le cadre des accords de Paris sur le climat. La France n’est toutefois pas le pays qui a le plus de chemin à parcourir. Parce qu’elle est tournée vers les services et qu’elle a recours au nucléaire (un tiers du mix énergétique, un record dans le monde) sa production est relativement peu intensive en carbone[3]. La prise en compte des émissions de CO2 importées alourdit bien entendu le bilan, sans pour autant reléguer l’Hexagone au fond de la classe. D’après les estimations d’Eurostat, l’empreinte carbone individuelle des Français reste l’une des plus faibles en Europe (pour ce qui concerne le seul CO2) ; elle s’avère aussi très éloignée des standards américains (cf. graphique).