Edito

Transition énergétique européenne : encordement nécessaire pour Everest à gravir

23/09/2024
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Pour atteindre ses objectifs climatiques, l’Union européenne devra non seulement verdir, mais aussi considérablement augmenter sa production d’électricité. Un défi industriel et financier de taille, auquel font écho le rapport « Draghi » sur la compétitivité et l’avenir de l’Europe, ainsi que le nouveau Pacte vert proposé par la présidente réélue de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen.

C’est, dit-on, le plus souvent au pied du mur que l’Union européenne (UE) progresse. Crise financière, crise des dettes souveraines, Brexit, pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, tout ce qui aurait pu maintes fois la fracturer l’a, au contraire, renforcée. Des mécanismes de stabilité et de résolution ont été créés, tandis que le principe, jadis exclu, du partage des risques, s’imposait dans les esprits comme dans les actes. Le lancement en décembre 2020 du plan Next Generation EU marquera à cet égard un tournant, les Vingt-Sept préférant pour la première fois lier leur destin à un emprunt commun, plutôt qu’affronter seuls l’une des pires catastrophes sanitaires de l’histoire.

D’emprunt commun, il est à nouveau question dans le rapport « Draghi »[1] sur la compétitivité et l’avenir de l’Europe, mais à une tout autre échelle. Pour contrebalancer les effets de son vieillissement et doper sa productivité, l’UE devrait, selon la Commission, investir entre 750 et 800 milliards d’euros supplémentaires chaque année, l’équivalent de cinq points de PIB et d’au moins deux plans Marshall. S’il n’est fort heureusement plus question de rebâtir un continent, le chantier à venir n’en est pas moins hors norme, ne serait-ce qu’en raison du défi climatique auquel il doit répondre.

Aux termes d’un « Pacte vert » ambitieux (et qui évolue par ailleurs, cf. encadré) les Vingt-Sept se sont fixé comme objectif d’atteindre la neutralité carbone (zéro émissions nettes) dès 2050, pour l’essentiel grâce au déploiement des énergies renouvelables. Cela exige, non seulement de verdir, mais aussi d’augmenter beaucoup et dans un laps de temps très court la production d’électricité, afin d’accompagner la transformation des usages (abandon des véhicules thermiques, remplacement des chaudières à fuel ou à gaz par des pompes à chaleur, conversion des sites industriels, etc.). En s’appuyant sur les évaluations de l’institut de recherche EMBER[2], le respect des engagements climatiques de l’UE passerait par une augmentation d’au moins 50% de la production d’électricité d’ici à 2030, après des années de stagnation. Dans le même temps, la nature même de cette production devrait changer, pour reposer majoritairement (à 55% contre 27% aujourd’hui) sur deux principales sources que sont le solaire et l’éolien (graphique).

PROJECTION DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ DANS L’UE (TWH)

Selon les scénarios de croissance retenus, la capacité des parcs éolien et photovoltaïque devrait être multipliée par un facteur de 2,5 à 3 d’ici à 2030, ce qui sous-tend de facto des investissements considérables. Cela n’est donc pas un hasard si l’appel à la mobilisation générale du rapport « Draghi » cible la transition énergétique qui, au-delà d’être un enjeu existentiel, est devenue un terrain de compétition entre grande puissances, Chine et États-Unis en tête. Pour que « verdissement » ne rime pas avec « déclassement », l’UE devra dégager des ressources que les États seuls ne pourront pas fournir, contrainte budgétaire oblige. La mobilisation de l’épargne privée, abondante mais encore trop cloisonnée faute d’union des marchés de capitaux, fait partie des solutions. La relance d’un emprunt commun à très grande échelle, également.


[1] Draghi, M. (2024), Rapport sur la compétitivité et l’avenir de l’Europe, Septembre, 9.

[2] EMBER (2024), Europe’s electricity transition takes crucial strides forward, European Electricity Review 2024, January. L’institut indique que la hausse de la consommation d’électricité compatible avec les objectifs de décarbonation de l’UE serait de 60% à horizon 2030 ; en faisant une hypothèse sur la poursuite des gains d’efficacité liés à l’amélioration des réseaux, cela induirait une hausse de la production de l’ordre de 50%.

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