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Podcast | COP29 - Au delà des critiques, quelques avancées...

17/12/2024

Dans ce nouveau podcast, Jean-Luc Proutat analyse les points essentiels à retenir de la COP29 qui vient de se terminer à Bakou.

Si celle-ci n’a pas répondu à toutes les attentes, elle a pourtant atteint l’un de ses principaux objectifs, qui était de redéfinir les règles régissant le marché d’échanges de crédits-carbone.

Transcription

Bonjour et bienvenue, vous écoutez en Eco Dans Le Texte, le podcast des Études Économiques du groupe BNP Paribas. Je suis Claire d’Izarny de l’équipe Communication & Publications des Études Économiques et je reçois aujourd’hui Jean-Luc Proutat, responsable des projections économiques de BNP Paribas.

Bonjour Jean-Luc,

Jean-Luc Proutat : Bonjour Claire, bonjour à tous

Après la série de podcast sur la transition énergétique que vous avez réalisée en 2023 où vous êtes revenu sur le pacte vert et le chemin parcouru par l’Union européenne en matière de décarbonation, puis sur le développement des technologies vertes et enfin sur le financement de la transition verte, vous voici de retour pour nous parler de l’essentiel à retenir sur la 29ème Conférence des Parties sur le climat (Communément appelé COP) qui vient de se terminer à Bakou, en Azerbaïdjan.

Beaucoup de commentateurs ont déploré le peu d’avancées obtenues. Pourtant, cette COP a atteint l’un de ses principaux objectifs, qui était de redéfinir les règles régissant le marché d’échanges de crédits-carbone.

Alors Jean-Luc, avant de nous donner votre appréciation, pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste ce marché ?

Jean-Luc Proutat : C’est un marché qui repose sur le principe somme toute assez simple du « pollueur payeur ». En gros, une entreprise qui émet du CO2 peut vouloir neutraliser l’impact climatique de ses activités en achetant des crédits-carbone à une autre entreprise - ou bien encore à une ONG - qui, à l’inverse, s’engage à économiser du CO2.

- C’est ainsi qu’une compagnie aérienne européenne peut se retrouver à financer un programme de reforestation en Amazonie, ou qu’une chaine de restauration rapide américaine, peut contribuer à restaurer des zones humides en Indonésie ou à améliorer des pratiques agricoles en Afrique…

- Sur le papier, l’idée a du sens, puisqu’elle doit permettre de faciliter les transferts des pays riches vers les pays pauvres, qui n’ont autrement pas les moyens de faire face aux conséquences du changement climatique.

- Dans la réalité, toutefois, le marché de la compensation carbone pâtit de nombreuses insuffisances et critiques - touchant notamment à son opacité - qui l’empêchent de prendre son véritable essor. C’est précisément ce à quoi la COP 29 de Bakou a voulu s’attaquer, en en renforçant les règles…

Claire d'Izarny-Gargas : De quelles règles parle-t-on, pourriez-vous nous les résumer ?

Jean-Luc Proutat : Commençons par dire que la fixation d’un cadre formel pour les échanges internationaux de crédits carbone est un long serpent de mer. Ce qui s’est décidé à Bakou marque, en réalité, la concrétisation d’un processus de négociation qui a duré neuf ans et dont le point de départ a été la Conférence de Paris en 2015.

- Les principales avancées, qui devraient permettre un décollage du marché, peuvent se résumer en deux points, qui correspondent aussi à deux sections de l’article 6 de l’Accord de Paris sur le marché du carbone.

- Premier point, les Etats, et plus seulement les entreprises ou les ONG, vont entrer dans le jeu. Cela signifie que des échanges de crédit carbone vont désormais pourvoir s’opérer directement entre pays, et participer à la réalisation des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

- Concrètement, un pays riche qui achète des crédits-carbone à un pays en développement pourra déduire ces derniers de ses propres émissions de gaz à effet de serre ; afin d’éviter un double comptage, le pays receveur ne pourra pas en faire autant, mais au moins bénéficiera-t-il de ressources supplémentaires pour ses projets de décarbonation.

Claire d'Izarny-Gargas : Encore faut-il que l’utilité, voire la réalité, de ces projets soient établies, ce qui n’a pas toujours été le cas jusqu’ici…

Jean-Luc Proutat : Oui, l’une des principales critiques adressées aux dispositifs de compensation carbone existants est qu’ils se résument parfois à de simples outils de communication - c’est ce que l’on appelle le greenwashing - et qu’ils peuvent témoigner d’effets d’aubaine, … soit de réalisations dont ils ne sont, en réalité, pas à l’origine.

- Aussi - et c’est le deuxième point - les échanges de crédits-carbone vont-ils désormais s’insérer dans un cadre international régulé par les Nations Unies. C’est l’avènement de quelque-chose dont on parle depuis longtemps - un mécanisme de compensation global et organisé des émissions de CO2 - mais qui peinait à voir le jour jusqu’ici.

- Dans le marché qui se met en place, les échanges de crédits-carbone n’auront lieu qu’une fois les projets acceptés par les Etats concernés et validés par l’ONU ; les quotas d’émission feront, en outre l’objet d’une comptabilité formelle et d’une supervision internationale.

- Cela signifie en particulier que, de manière à encourager une réduction nette des émissions de CO2 et non pas un simple transfert d’un côté vers l’autre de la planète, tous les droits ouverts à polluer ne seront pas systématiquement mis en vente sur le marché ; une partie d’entre eux (5%) ira par exemple à un fonds d’adaptation au changement climatique régi par l’ONU ;

Claire d'Izarny-Gargas : Il y a donc des évolutions importantes à venir sur ce marché, comment ont-elles été accueillies ?

Jean-Luc Proutat : Diversement. Les instance officielles, gouvernements ou Agence internationale de l’énergie par exemple, saluent en général les avancées obtenues, les qualifiant parfois d’historiques.

- Les organisations non gouvernementales sont, quant à elles, plus circonspectes. Elles soulignent que, si les projets qui sous-tendent les échanges de carbone sont désormais mieux définis, les outils de suivi et contrôle dans la durée restent insuffisants.

- Elles rappellent aussi que le marché global d’échanges de crédits-carbone qui est en train de voir le jour ne se substitue pas aux dispositifs de gré à gré existants, mais s’y ajoute. On ne sait donc pas trop dans quelle mesure ni à quelles conditions des transferts de crédits pourront s’opérer entre les différents systèmes qui, au lieu de se développer en parallèle, pourraient se faire concurrence.

- Bref, si le marché de la compensation carbone se trouve relancé après Bakou, la manière dont il va évoluer, les acteurs qui vont s’en emparer, et finalement les bénéfices climatiques à en attendre, restent à connaitre.

Claire d'Izarny-Gargas : Jean-Luc, outre la relance de la compensation carbone, la COP 29 visait à augmenter l’aide aux pays en développement, particulièrement vulnérables face au changement climatique.

Les transferts visés atteignent 300 milliards de dollars, une somme jugée insuffisantes par certains. Que pouvez-vous nous en dire ?

Jean-Luc Proutat : Si les pays émergents ont historiquement peu contribué au réchauffement climatique, on sait que la hausse additionnelle des températures que l’on peut envisager à partir de maintenant va beaucoup dépendre de leur capacité à concilier croissance et décarbonation.

- Or, si l’on exclut la Chine, leurs investissements dans la transition énergétique sont aujourd’hui très limités, faute de moyens. D’où l’idée, née en 2009 à la COP de Copenhague, d’organiser des transferts officiels Nord-Sud, initialement à hauteur de 100 milliards de dollars par an. Comme vous l’avez rappelé, la COP 29 vient de porter cet objectif à 300 milliards de dollars par an.

- Quant à savoir si cela est suffisant ou pas, il faut remettre un peu de contexte, en commençant par se placer du côté des pays donateurs.

- En pleine période d’économies budgétaires et alors que les Etats-Unis s’apprêtent à quitter une nouvelle fois l’accord de Paris, la décision n’est pas aussi anecdotique que cela. Elle est, en outre, prise sans contrepartie formelle de sortie programmée des énergies fossiles (qui était une revendication de l’Union européenne) et sans la participation de la Chine, dont les financements climatiques continueront de s’opérer sur la base du volontariat.

-En se plaçant du côté des pays receveurs, les transferts officiels, fussent-ils triplés sur le papier, sont effectivement loin de couvrir les investissements nécessaires à la décarbonation et à l’adaptation au changement climatique. D’après les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, il faudrait plutôt viser les 2.000 milliards de dollars par an dans les pays émergents (hors Chine) pour rester dans le cadre de l’Accord de Paris…

- Finalement, la relance du marché de la compensation carbone, ou encore le débat sur le bon calibrage des transferts officiels renvoie à une réalité qui est que les finances publiques des pays avancés ne pourront pas couvrir, à elles seules, l’intégralité des besoins et que l’épargne privée devra soutenir l’effort.

Claire d'Izarny-Gargas : Jean-Luc, en conclusion, quels enseignements tirez-vous de cette 29ème COP ? Échec ou succès ?

Que le financement climat des pays émergents est un chantier hors norme et complexe. Malgré leurs imperfections, les COP sont les seules à offrir le cadre multilatéral nécessaire à son avancement. Même modestes comme à Bakou, les progrès qu’elles obtiennent seront toujours préférables à l’alternative du chacun pour soi.

Claire d'Izarny-Gargas : Merci Jean-Luc pour votre analyse de ce qu’il faut retenir des conclusions de la COP 29.

J’invite nos auditeurs à la lecture du votre graphique du mois de novembre : A Bakou, une COP qui ne change pas la donne, mais qui ne compte pas pour rien, dont le lien est en description.

Merci à nos auditeurs, rendez-vous sur notre site internet, vous y retrouverez tout au long de l’année les analyses de notre équipe de recherche économique.

À très bientôt.

Conseil de lecture :

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE