Vu de France, on pourrait croire que l'alourdissement des dettes publiques est une conséquence générale de la crise de la Covid-19. Or, le graphique que nous commentons ici montre qu'il n'en est rien. Il rappelle déjà que les ratios d'endettement public, mesurés sur l'échelle de droite et figurés par des petits carrés noirs, sont très différents d'un pays à l'autre, y compris au sein d'une union européenne où chaque état membre est supposé converger vers la norme unique des 60% du PIB.
Ici, nous choisissons plutôt de couper l'axe à 90% du PIB qui est le niveau au-delà duquel, dans le nouveau pacte de stabilité européen, les gouvernements doivent obtenir, ou du moins ambitionner, une baisse plus rapide de leur ratio d'endettement. Les pays concernés qui s'inscrivent donc au-dessus de cette ligne sont ceux d'Europe du Sud, Italie, Grèce, Espagne, Portugal, ainsi que la Belgique et la France.
A noter que le Royaume-Uni et les Etats-Unis affichent eux aussi des dettes importantes, largement supérieures à 100% du PIB, mais qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes règles. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils sont libres de toutes contraintes, mais nous y reviendrons.
Intéressons-nous avant cela non plus au niveau mais à la dynamique des dettes dont la progression est mesurée en points de PIB sur l'échelle de gauche de notre graphique. Ce qui frappe d'emblée, c'est à quel point les trajectoires divergent. Quatre ans après le choc de la Covid, certains pays ont pu réduire leur ratio d'endettement ou l'ont très peu augmenté, tandis que d'autres se retrouvent avec des passifs financiers substantiellement alourdis.
Les Etats du sud de l'Europe se distinguent à nouveau, de manière positive cette fois-ci, par le fait que leurs finances publiques ont plutôt bien résisté face aux chocs successifs Covid et guerre en Ukraine. On peut bien sûr mettre en avant le fait que les quelques 800 milliards d'euros du plan de relance Next Generation EU leur ont largement bénéficié.
Mais cela n'explique pas tout. Ces pays récoltent aussi le fruit d'années d'efforts consacrés à rééquilibrer leurs comptes. En 2024, l'Italie, la Grèce, le Portugal sont parmi les rares en Europe à afficher des excédents budgétaires primaires, c'est-à-dire avant paiement d'intérêts.
L'Espagne, pour sa part, est tout proche de l'équilibre. Symétriquement et sans réelle surprise, les pays dont les dettes ont le plus augmenté sont aussi ceux dont les déséquilibres budgétaires ont perduré bien au-delà de la crise sanitaire. Le cas le plus emblématique est celui des Etats-Unis.
Leur croissance économique, proche de 2,5% par an en moyenne depuis cinq ans, a été deux fois plus rapide que celle de l'Union Européenne. Mais elle s'est aussi nourrie d'importants déficits. Le résultat est une dette qui s'est considérablement alourdie, de 17 points de PIB par rapport à son niveau pré-pandémique.
Les Etats-Unis ont toutefois ce privilège de pouvoir émettre dans la principale monnaie de réserve internationale qu'est le dollar, ce qui leur confère plus de latitude que d'autres en matière d'endettement. L'exercice n'est toutefois pas sans limite, comme l'illustre l'épisode récent de remontée des taux d'intérêt ou encore, depuis quelques années, les tensions grandissantes entourant le relèvement du plafond de la dette au Congrès américain.
Regardons pour terminer où se situe la France. A 113% du PIB, sa dette génère une charge d'intérêt qui reste dans la moyenne européenne, 4,2% du total des recettes, et pèse notamment moins qu'en Italie, en Espagne ou au Portugal. Il n'y a donc pas de problème de soutenabilité et la signature française reste de bonne qualité.
Le souci se situe plutôt du côté de la trajectoire haussière liée à d'importants déficits ayant perduré jusqu'en 2024. La loi de finances pour 2025 aura pour mission d'amorcer une correction. Sa version finale reste à connaître cependant. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que la maîtrise de l'endettement public qui s'impose à elle ne se desserrera pas.