L’inflation headline est restée stable ces derniers mois aux États-Unis, dans la zone euro et au Royaume-Uni tandis qu’elle a baissé au Japon. Le recul de l’inflation sous-jacente est, quant à lui, généralisé et il se poursuit. Les indicateurs agrégés de pressions sur les prix, calculés à l’aide des enquêtes PMI, continuent de se détériorer, sur fond d’allongement des délais de livraison lié aux perturbations actuelles sur le commerce maritime mondial. Les indicateurs PMI relatifs aux prix des intrants sont également en hausse aux États-Unis et au Royaume-Uni (page 18).
En zone euro, l’IPCH pour les services est repassé tout juste sous les 4% en glissement annuel (g.a.) en janvier, mais la nouvelle baisse du 3m/3m annualisé, à 1,2%, pointe vers une désinflation à venir plus importante, en ligne avec notre scénario actuel. Le reflux est désormais bien engagé dans toutes les économies de l’Union monétaire. Avec un taux d’inflation respectivement à 5% et 4,8% en janvier, l’Estonie et la Croatie sont les pays de la zone euro où la hausse des prix restait la plus marquée, tandis que quatre pays enregistraient un taux inférieur à 1% (Finlande, Italie, Lituanie, Lettonie). Les indices alternatifs de la BCE, et notamment l’indicateur PCCI, reculent, confirmant le ralentissement important de la hausse des prix, comme le montre également le graphique de généralisation de l’inflation (page 9).
Aux États-Unis, l’inflation continue de refluer dans la plupart des postes de l’IPC en décembre. Un tiers (4 sur 12) des postes répertoriés affichent un niveau d’inflation inférieur à sa moyenne de long terme (carte thermique en page 8). Les mesures sous-jacentes de l’IPC et du déflateur de la consommation refluent, de manière néanmoins moins marquée chez le premier (3,9%) que le second (2,9%). Selon l’enquête de l’Université du Michigan, les anticipations d’inflation des ménages à horizon d’un an ont rejoint le niveau de l’inflation de long-terme (horizon à 5 ans), qui est, pour sa part, restée stable autour de 3%.
La phase de désinflation est toujours moins franche au Royaume-Uni, où près de la moitié des composantes de l’IPC affiche encore un glissement annuel supérieur à 6%. Cette part s’est stabilisée en 2023, contrairement à la zone euro et aux États-Unis, où elle a fortement chuté. L’inflation headline est tout juste repassée sous les 4% en décembre mais l’indice des prix de détail (RPI) affiche encore une progression soutenue, à 5,2%, tirée par la hausse des charges d’intérêts hypothécaires (+44,1% en g.a. en décembre).
Au Japon, l’inflation headline a reculé à 2,6% en décembre, tirée vers le bas par une déflation plus importante sur l‘énergie. La hausse des prix sur les produits alimentaires et les biens ménagers reste toutefois importante (respectivement 6,7% et 6,5%), tandis que celle sur le poste « loisirs et culture » s’amplifie (7,8%). Les prix à la production, dont la progression en g.a. avait atteint plus de 10% en décembre 2022, affichent désormais une inflation nulle. Les anticipations d’inflation des ménages restent très corrélées à l’IPC et ont logiquement baissé dans le sillage de ce dernier.
Graphique du mois : le choc inflationniste a entraîné de larges erreurs de prévisions
L’envolée de l’inflation en 2021 et 2022 a surpris tout le monde, entraînant de larges erreurs de prévisions. Nous reproduisons ici un graphique d’une présentation de Philip Lane sur les erreurs de prévision de la BCE pour la zone euro[1]. L’erreur maximale, de 2,4 points, a été faite au T2 2022 : elle correspond à l’écart entre l’inflation totale observée ce trimestre-là (8% en glissement annuel) et la prévision de la BCE de mars 2022 pour le T2 2022 (5,6% a/a). La BCE a continué, ensuite, de sous-estimer l’inflation – de moins en moins toutefois – jusqu’à la surestimer au T1 et au T4 2023 pour la mesure headline (à hauteur de -1,1 et -0,6 point respectivement) et au T3 et au T4 2023 pour la mesure sous-jacente (-0,1 et -0,4 point respectivement).
On observera également que l’erreur de prévision est bien plus importante sur la mesure headline que sur l’inflation sous-jacente. Cela illustre le rôle joué par les prix de l’énergie et des matières premières dans la phase ascendante et descendante de l’inflation, comme le rappelle le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, dans son billet de blog accompagnant le dernier World Economic Outlook (janvier 2024)[2]. L’analyse du FMI montre aussi le rôle et l’efficacité du resserrement monétaire, via l’ancrage des anticipations d’inflation, pour contenir la montée des prix.
Pour les prochains trimestres, la question est de savoir à quelle vitesse l’inflation va revenir à la cible de 2%. Nos prévisions se distinguent de celles de la BCE : nous anticipons un retour à l’objectif plus rapide, dès le T2 de cette année, quand la BCE le prévoit pour 2025. Verdict dans quelques mois pour savoir quelle prévision aura surestimé ou sous-estimé la trajectoire de l’inflation.