ÉTATS-UNIS
L’éventualité d’une récession américaine consécutive au resserrement monétaire semble désormais écartée face à la résilience d’une économie qui a encore progressé de 0,8% t/t au T4 2023 et 2,5% en moyenne sur l’ensemble de l’année, portée par la résistance de la consommation des ménages et les bons chiffres de l’investissement productif. Notre scénario central est désormais celui d’un ralentissement de l’avancée trimestrielle sans trimestre de contraction au S1 2024. Le pic de l’inflation a été atteint mi-2022, la décrue de l’inflation sous-jacente se poursuit et s’accentue. L’inflation devrait se rapprocher de la cible de 2% en 2024. Les progrès seraient jugés suffisants par la Fed, qui peut entrevoir un atterrissage en douceur et amorcer la détente progressive de ses taux directeurs à partir du mois de juin.
CHINE
Le rebond post-Covid de l’activité économique s’est essoufflé rapidement en 2023 et s’est révélé moins robuste qu’initialement espéré. La demande intérieure est restée freinée par l’importante dégradation de la confiance des investisseurs et des ménages. La crise du secteur immobilier s’est poursuivie, avec le recul continu des ventes, des défauts de paiement des promoteurs et des difficultés croissantes de certaines institutions financières. Le moteur exportateur s’est enrayé l’an dernier en raison de l’affaiblissement de la demande mondiale et des tensions avec les États-Unis. Toutefois, les exportations chinoises ont récemment repris de la vigueur et cette dynamique devrait se poursuivre à court terme. Par ailleurs, le gouvernement et la banque centrale ont multiplié les mesures de relance depuis l’été. L’activité s’est renforcée légèrement et l’inflation est restée très faible. Les autorités devraient maintenir une politique accommodante à court terme, toujours contraintes par l’excès de dette de l’économie et la fragilité des finances des collectivités locales.
ZONE EURO
La zone euro a échappé de justesse à la contraction économique au dernier trimestre 2023. Le PIB réel est resté stable au T4, et la croissance annuelle s’est établie à 0,5% en 2023. Les effets négatifs du resserrement monétaire devraient encore peser sur l’activité économique cet hiver. L’activité devrait légèrement progresser au premier trimestre 2024, avant une reprise plus franche à partir du printemps. Celle-ci serait soutenue par une première baisse des taux directeurs par la BCE, que nous attendons pour juin. Cette détente monétaire accompagnerait le reflux de l’inflation qui devrait être proche de la cible de 2% dans le courant du deuxième trimestre. Ce reflux de l’inflation, combiné avec le dynamisme des salaires, viendrait soutenir le pouvoir d’achat et la consommation des ménages. La croissance devrait aussi être soutenue par le déboursement des fonds NGEU et ses déploiements sur le terrain.
FRANCE
La croissance a été nulle au 3e trimestre (0% t/t) et très faible au 4e trimestre 2023 (0,1% t/t), après un T2 (+0,6% t/t) marqué par des effets exceptionnels (aéronautique notamment). Au T4, l’investissement des entreprises a subi une contraction (après plusieurs trimestres de hausse), tout comme l’investissement des ménages, tandis que leur consommation a stagné. Si l’inflation a diminué (3,1% a/a en février 2024 contre 5,7% a/a en septembre 2023 selon l’indice harmonisé), l’impact de la remontée des taux d’intérêt devrait continuer de se faire sentir. Au T1, nous tablons donc sur une croissance de 0,1% t/t. Au global, la croissance est attendue à 0,7% en 2024 (après 0,9% en 2023).
TAUX & CHANGE
Les dernières réunions de 2023 de la Réserve fédérale et de la BCE ont confirmé que la hausse de 25 pb des Fed funds en juillet et des taux directeurs de la BCE en septembre (taux de dépôt à 4,00%, taux de refinancement à 4,50%) était très probablement la dernière de ce cycle exceptionnel de resserrement monétaire. La possibilité d’un nouveau tour de vis monétaire n’est toujours pas totalement et formellement exclue mais elle a fortement diminué à la faveur de la baisse de l’inflation. Les développements positifs sur le front de l’inflation, qui se rapproche un peu plus nettement de la cible de 2%, conjointement à l’affaiblissement attendu de la croissance ouvrent la voie à l’amorce des baisses de taux à partir de juin pour la BCE. Du côté de la Fed, la résistance de la croissance et de l’inflation décale cette première baisse à juin. Des deux côtés de l’Atlantique, les taux directeurs en termes réels, et donc le degré de restriction monétaire, resteraient toutefois à peu près inchangés. La baisse induite des taux longs devrait être limitée par l’importance des émissions obligataires sur fond de quantitative tightening.
La Banque du Japon (BoJ) a ajusté, le 31 octobre dernier, sa politique de contrôle des taux d’intérêt en autorisant une plus grande fluctuation des taux d’intérêt souverains à dix ans autour de la cible de 1%. De nouveaux ajustements, plus significatifs, de sa politique monétaire sont probables, le pays faisant face à une poussée inflationniste sans précédent depuis le début des années 1990. Nous prévoyons que la BoJ mettra fin à sa politique de taux d’intérêt négatifs lors de la réunion de politique monétaire de mars ou avril, tout en assouplissant de manière importante sa politique de contrôle de la courbe des taux obligataires.
Nous restons baissiers sur le dollar, plus nettement à partir du T2 2024 et plus particulièrement vis-à-vis de l’euro, du fait notamment d’un nombre de baisses de taux moindre du côté de la BCE que de la Fed. Le yen devrait également se renforcer vis-à-vis du dollar US, sous l’effet combiné du début de resserrement monétaire de la BoJ, du rapatriement des capitaux japonais détenus à l’étranger et de la baisse des taux longs américains.