Eco Charts

Baromètre de l'inflation - septembre 2024 | Poursuite de la désinflation

20/09/2024
PDF

La semaine écoulée (16-22 septembre) a été dense en réunions monétaires et en rapports d’inflation. Si la première baisse des taux directeurs de 50 points de base par la Réserve Fédérale américaine a été plus franche que ce que nous anticipions, le statu quo du côté de la BoE et de la BoJ est en ligne avec nos attentes. Avec une inflation ancrée sous les 3%, les taux d’intérêt réels des deux côtés de l’Atlantique demeurent largement en territoire restrictif. La modération attendue de l’inflation dans les services devrait inciter les banquiers centraux en Europe et aux États-Unis à poursuivre le desserrement monétaire au cours des prochains trimestres. La progression des salaires dans le secteur privé s’est légèrement accentuée aux États-Unis, tandis qu’elle a ralenti en Europe.

La tendance à la baisse devrait se confirmer, avec un marché de l’emploi moins dynamique. Au Japon, l’inflation domestique réagit peu, à ce stade, aux hausses de salaires, offrant ainsi du temps à la BoJ pour calibrer ses futures hausses de taux. Les pressions sur l’offre (prix des intrants, délais de livraison) restent limitées dans l’ensemble des régions.

. Aux États-Unis, l’inflation CPI headline a reculé de 2,9% a/a en juillet à 2,5% en août, en raison notamment d’effets de base négatifs sur les biens énergétiques : en glissement annuel, la baisse s’est amplifiée de -2,0% à -10,1%. L’inflation sous-jacente affiche pour sa part une stabilisation à 3,2% a/a. La hausse de la composante logement s’est légèrement accentuée (+0,2 point de pourcentage à 5,2%), tandis qu’elle a ralenti dans le reste des services (-0,3 p.p. à 4,3%). Les frais d’assurances automobiles progressent encore fortement, de manière toutefois moins importante qu’en juillet (-2 p.p. à 16,5%). La désinflation sur les véhicules automobiles d’occasion n’a pas évolué d’un mois sur l’autre et reste supérieure à 10%.

. En zone euro, l’inflation a aussi nettement reflué en août, de -0,4 p.p. à 2,2% a/a, avec un repli important en Allemagne (-0,6 p.p. à 2,0%), en France (-0,5 p.p. à 2,2%) et en Espagne (-0,5 p.p. à 2,4%). La mesure sous-jacente ne recule cependant que de 2,9% à 2,8% (arrondi à la baisse). La décélération des prix à l’échelle de la zone euro se prolongerait en septembre et en octobre. La Belgique reste de loin le pays de la zone euro avec l’inflation la plus élevée, à 4,4% en août, tandis que la hausse des prix est inférieure à 1% en Lituanie et en Lettonie. Les mesures alternatives suivies par la BCE convergent vers les 2%.

. Au Royaume-Uni, la modération de l’inflation s’explique davantage par l’énergie, encore largement en déflation (en raison des mesures de plafonnement instaurées par les autorités), et dont la baisse s’est d’ailleurs accentuée à -13,2% a/a en août. L’inflation headline s’est stabilisée à 2,2% en août, tandis que le sous-jacent est reparti à la hausse, passant de 3,3% à 3,6%. Les services affichent en effet une hausse plus marquée (+0,4 p.p. à 5,6%) essentiellement due aux évolutions des prix dans le transport aérien, qui sont intrinsèquement volatiles. À 7,2% en glissement annuel, la progression des loyers est stable et la plus élevée en 30 ans.

. Au Japon, l’IPC national a de nouveau franchi la barre des 3% a/a en août. Deux facteurs expliquent ce rebond : la hausse significative des prix de l’énergie (+12,1% a/a), lié à l’arrêt temporaire des subventions gouvernementales en mai, et l’évolution des prix des biens et équipements ménagers (+1,6 p.p. à 5,2% a/a). La mesure suivie par la Banque du Japon (IPC hors produits périssables), qui intègre l’évolution de l’énergie, remonte de 2,7% à 2,8%. Néanmoins, le gouvernement a remis en place de nouvelles aides à l’énergie, effectives entre août et octobre, ce qui limitera l’inflation d’ici à la fin de l’année.

Graphique du mois - BCE : une illustration du ré-ancrage des anticipations d’inflation

Enquête de la BCE auprès des prévisionnistes professionnels :
distribution des anticipations d'inflation à long terme

Après le débat sur les raisons de la flambée de l’inflation et l’ampleur respective des facteurs d’offre et de demande[1], et celui, associé, sur la réponse monétaire appropriée (faut-il augmenter les taux face à une inflation essentiellement tirée par l’offre ?), la discussion se poursuit aujourd’hui sur les causes du reflux de l’inflation et le rôle du resserrement monétaire dans ce phénomène. Pour Jerome Powell, tel que présenté dans son discours d’ouverture à Jackson Hole le 23 août, le resserrement monétaire entrepris par la Fed a joué un rôle important. Du côté de la BCE, le message de Philip Lane, lors du même évènement, semble plus mesuré : le resserrement monétaire a joué un rôle certain mais pas plus important que d’autres facteurs[2]. Il souligne toutefois, à raison, le rôle notable de la hausse des taux d’intérêt dans l’ancrage des anticipations d’inflation. Et il fait à ce sujet un développement intéressant, illustré par le graphique ci-contre.

Sur ce graphique, on observe que, dans les années ayant précédé la pandémie de Covid-19, les anticipations d’inflation à 5 ans (telles que mesurées par l’enquête de la BCE auprès des prévisionnistes professionnels : le SPF) s’étaient désancrées à la baisse, avec un pourcentage relativement élevé d’experts anticipant des rythmes d’inflation en dessous de la cible de 2% : la distribution était déformée vers la gauche.

Le choc inflationniste des dernières années a en quelque sorte opportunément remis les choses à leur place et les compteurs à 2% : la distribution s’est recentrée autour de la cible et les anticipations d’une inflation durablement plus basse ou durablement plus haute sont mieux équilibrées de part et d’autre. Philip Lane en conclut que ce ré-ancrage des anticipations d’inflation à long-terme « a supprimé la nécessité d’une orientation monétaire sous-jacente accommodante à durée indéterminée ».

On ne peut toutefois manquer de remarquer le relèvement de la courbe tout à droite. Dans le SPF du T4 2022, la proportion d’experts anticipant une inflation à 5 ans supérieure ou égale à 2,5% s’élevait à près de 20%, ce qui est significatif. La bonne nouvelle est que cette proportion a reflué à un peu moins de 10% dans la dernière enquête disponible du T3 2024. Il faudra rester attentif à ce que cette proportion continue de diminuer.


[1] Débat toujours en cours avec, par exemple, une analyse récente publiée par le CEPR qui bat en brèche le consensus ambiant sur le rôle plus important de la demande dans l’inflation américaine que dans celle de la zone euro (DP19377 The drivers of post-pandemic inflation | CEPR, 19 août 2024).

[2] The effectiveness and transmission of monetary policy in the euro area (europa.eu), 24 août 2024

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE