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BAROMÈTRE DE L’INFLATION - AVRIL 2024 | L’inflation reste orientée à la baisse, à l’exception des États-Unis

12/04/2024
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Malgré le rebond aux États-Unis, l’inflation continue globalement de marquer le pas dans les pays du G7 et dans l’ensemble de la zone euro. Au Japon, le maintien des prix à la consommation au-dessus des 2% restera compliqué à court terme, du fait de l’essoufflement des dynamiques de hausse observées cet hiver : l‘inflation a bien rebondi en février du fait d’effets de base, mais le 3m/3m annualisé est retombé à 1,3%. Côté services, la baisse de cette mesure de momentum est plus nette, à 0,4% seulement. L'augmentation historique des salaires accordée à l’issue du Shunto (5,3% au total, dont 3,7% en salaire de base) confortera néanmoins la BoJ dans sa démarche de normalisation (très progressive) de la politique monétaire. Les données sur le front des rémunérations (page 27) indiquent une accélération depuis le début de l’année qui traduit très certainement l’aboutissement des premières négociations salariales.

Aux États-Unis, la hausse en rythme mensuel désaisonnalisé des prix dans les services s’est amplifiée au cours des derniers mois et a hissé le taux 3m/3m annualisé au niveau le plus élevé depuis novembre 2022, à 6,5%. Hors composante logement, l’inflation dans les services a bondi de 0,8 point en mars, pour atteindre 4,8% a/a. La hausse spectaculaire du montant des assurances dans le secteur automobile, inédite depuis plus de 45 ans, contribue à elle seule à 0,6 point d’inflation. Le logement reste toutefois le principal moteur de l’inflation dans le pays, contribuant pour plus de la moitié (2,1 pp) à celle-ci. La déflation sur les véhicules neufs et d’occasion permet de limiter la hausse de l’inflation totale, dans une moindre mesure toutefois pour les véhicules d’occasion par rapport aux mois précédents.

En revanche, le recul de l’inflation se poursuit en zone euro : elle devrait passer temporairement sous la barre des 2 % au cours du deuxième trimestre conformément à notre prévision. La BCE prendra bonne note également du repli généralisé des mesures alternatives de l’inflation (page 9), désormais proches ou en dessous de 3%. En glissement annuel, l’indice des prix harmonisés en zone euro a baissé de 0,2 point à 2,4% en mars, selon l’estimation préliminaire d’Eurostat. Un tiers des pays membres enregistrait une inflation sous les 2% le mois dernier. La déflation persistante des prix à la production, et notamment de l’indice hors construction et énergie, est un signe supplémentaire de la baisse des tensions sur les prix. Des évolutions défavorables sont toutefois à signaler : l’inflation dans les services ne reflue plus depuis cinq mois.

Au Royaume-Uni, l’IPC est repassé sous les 4% en glissement annuel en mars, pour la première fois depuis deux ans et demi, tandis que l’indice sous-jacent a baissé de 0,5 point à 4,5%. D’importantes divergences persistent toutefois entre les postes de l’indice des prix à la consommation, ce qui explique l’amélioration très limitée de notre graphique de généralisation de l’inflation (page 13). La déflation sur les biens durables s’intensifie (-1,7%), celle sur l’énergie reflue légèrement mais reste élevée (-13,8%), tandis que l’inflation dans les services tarde toujours à baisser plus significativement (+6,1%). La baisse de cette dernière reste limitée en raison du dynamisme des salaires.

Graphique du mois : un point ne fait pas une tendance, qu’en est-il de trois ?

En mars 2024, l’inflation américaine a, pour le troisième mois d’affilée, surpris défavorablement, avec un chiffre plus élevé qu’attendu tant sur la mesure d’ensemble (headline) que sur la mesure sous-jacente. La hausse de l’inflation headline (en glissement annuel) a été un peu plus importante qu’anticipé (+0,3 point de pourcentage, à 3,5%, remontant ainsi à son plus haut niveau depuis septembre dernier) et l’inflation sous-jacente est restée stable (à 3,8%) quand une légère baisse était attendue.

Jerome Powell a eu beau relativiser la mauvaise surprise des chiffres de janvier et février en invitant à prendre du recul et à considérer la tendance, les données de mars compliquent la donne. En effet, le freinage, voire l’inversion, du processus de désinflation est assez net. Si l’on prend juin 2023 comme point de référence – l’inflation totale étant alors, à 3% a/a, à son plus bas depuis près de 2 ans et demi (mars 2021) – l’inflation sous-jacente a perdu seulement 1 point de pourcentage en 9 mois (passant de 4,8% à 3,8%) quand elle en avait perdu près de 2 les 9 mois précédents (entre septembre 2022 et juin 2023). L’inflation headline est remontée d’un demi-point depuis juin 2023, après en avoir perdu 5 entre septembre 2022 et juin 2023 : la baisse de l’inflation sous-jacente et de l’inflation alimentaire dans une moindre mesure au cours des derniers mois n’a pas été suffisante pour contrebalancer la contribution de moins en moins négative des prix de l’énergie (d’ailleurs redevenue positive en mars).

Mis en perspective, on peut considérer qu’un demi-point de hausse de l’inflation totale depuis juin 2023 n’est, à ce stade, pas significatif et ne remet pas fondamentalement en cause la trajectoire de désinflation. D’autant que seules quelques composantes de l’indice des prix freinent la désinflation sous-jacente (cf. tableau). Trois postes, hors énergie, se démarquent en effet, avec une hausse de leur contribution à l’inflation entre juin 2023 et mars 2024 : les voitures d’occasion (poids de 2% dans le CPI), les services de santé (6%) et les assurances autos (3%). Or, une telle envolée des tarifs de ces dernières est inhabituelle (+22,2% a/a en mars 2024), ce qui laisse imaginer une modération à l’avenir. La désinflation sous-jacente pourrait alors se faire, de nouveau, plus nette.

Ce « dernier kilomètre » de la désinflation (pour passer de 3 à 2%) s’annonce décidément difficile à parcourir. Cela renforce la possibilité que la Fed reporte encore dans le temps sa première baisse de taux. A contrario, du côté de la zone euro, une première baisse en juin de la BCE tend à se confirmer, à la faveur notamment d’une inflation plus basse et dont le reflux est plus important qu’outre-Atlantique (2,4% en mars selon l’estimation préliminaire d’Eurostat). Sur ce terrain au moins, la zone euro fait mieux que les États-Unis.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE