En mars 2024, l’inflation américaine a, pour le troisième mois d’affilée, surpris défavorablement, avec un chiffre plus élevé qu’attendu tant sur la mesure d’ensemble (headline) que sur la mesure sous-jacente. La hausse de l’inflation headline (en glissement annuel) a été un peu plus importante qu’anticipé (+0,3 point de pourcentage, à 3,5%, remontant ainsi à son plus haut niveau depuis septembre dernier) et l’inflation sous-jacente est restée stable (à 3,8%) quand une légère baisse était attendue.
Jerome Powell a eu beau relativiser la mauvaise surprise des chiffres de janvier et février en invitant à prendre du recul et à considérer la tendance, les données de mars compliquent la donne. En effet, le freinage, voire l’inversion, du processus de désinflation est assez net. Si l’on prend juin 2023 comme point de référence – l’inflation totale étant alors, à 3% a/a, à son plus bas depuis près de 2 ans et demi (mars 2021) – l’inflation sous-jacente a perdu seulement 1 point de pourcentage en 9 mois (passant de 4,8% à 3,8%) quand elle en avait perdu près de 2 les 9 mois précédents (entre septembre 2022 et juin 2023). L’inflation headline est remontée d’un demi-point depuis juin 2023, après en avoir perdu 5 entre septembre 2022 et juin 2023 : la baisse de l’inflation sous-jacente et de l’inflation alimentaire dans une moindre mesure au cours des derniers mois n’a pas été suffisante pour contrebalancer la contribution de moins en moins négative des prix de l’énergie (d’ailleurs redevenue positive en mars).
Mis en perspective, on peut considérer qu’un demi-point de hausse de l’inflation totale depuis juin 2023 n’est, à ce stade, pas significatif et ne remet pas fondamentalement en cause la trajectoire de désinflation. D’autant que seules quelques composantes de l’indice des prix freinent la désinflation sous-jacente (cf. tableau). Trois postes, hors énergie, se démarquent en effet, avec une hausse de leur contribution à l’inflation entre juin 2023 et mars 2024 : les voitures d’occasion (poids de 2% dans le CPI), les services de santé (6%) et les assurances autos (3%). Or, une telle envolée des tarifs de ces dernières est inhabituelle (+22,2% a/a en mars 2024), ce qui laisse imaginer une modération à l’avenir. La désinflation sous-jacente pourrait alors se faire, de nouveau, plus nette.
Ce « dernier kilomètre » de la désinflation (pour passer de 3 à 2%) s’annonce décidément difficile à parcourir. Cela renforce la possibilité que la Fed reporte encore dans le temps sa première baisse de taux. A contrario, du côté de la zone euro, une première baisse en juin de la BCE tend à se confirmer, à la faveur notamment d’une inflation plus basse et dont le reflux est plus important qu’outre-Atlantique (2,4% en mars selon l’estimation préliminaire d’Eurostat). Sur ce terrain au moins, la zone euro fait mieux que les États-Unis.