Graphique du mois : de l’importance de la (dés)inflation des services
Depuis juin 2023, l’inflation américaine, mesurée par le glissement annuel de l’IPC publié par le BLS, ne baisse plus : elle s’élevait à 3% en juin 2023 et elle était encore de 3,2% en février 2024. Sur la même période, la désinflation reste importante dans la zone euro (le glissement annuel de l’IPCH étant passé de +5,5% en juin 2023 à +2,6% en février 2024 selon l’estimation préliminaire d’Eurostat) mais, depuis la fin 2023, elle tend aussi à marquer le pas. La contribution de moins en moins négative de la déflation énergétique explique ce coup de frein sur la baisse de l’inflation totale. Le recul de l’inflation alimentaire et de l’inflation sous-jacente s’est poursuivi mais vraiment lentement pour cette dernière. L’inflation sous-jacente s’élevait encore à 3,8% en février 2024 aux États-Unis et à 3,1% dans la zone euro.
Cette lenteur est imputable à la désinflation des services qui, comme notre graphique du mois l’illustre, demeure limitée. Le premier point saillant est, aux États-Unis comme dans la zone euro, la supériorité de l’inflation des services par rapport à celle des biens – et aussi par rapport à sa tendance historique. On notera, aussi, que cet écart est plus ancien et nettement plus important aux États-Unis qu’en zone euro. Le troisième point d’attention porte sur l’inflation des services plus élevée aux États-Unis que dans la zone euro tandis que l’inflation des biens y est nettement plus basse (et même négative, c’est-à-dire en déflation).
De ce point de vue, le processus de désinflation paraît mieux engagé dans la zone euro qu’aux États-Unis. Nous prévoyons d’ailleurs un retour de l’inflation à la cible de 2% plus rapide dans la zone euro (en 2024) qu’outre-Atlantique (en 2025). La dynamique des salaires est toutefois l’un des déterminants à surveiller[1]. La progression de ces derniers se fait moins dynamique mais cette modération reste modeste. Et, à l’horizon des prochains trimestres, le risque, d’après nous, est qu’elle demeure graduelle plutôt qu’elle ne prenne de l’ampleur.
La baisse de l’inflation des services devrait donc aussi rester contenue, alimentant la problématique de l’épreuve que constitue, ou non, le dernier kilomètre de la désinflation. Amatyakul, Igan et Lombardi (2024) mettent en avant ce rôle plus important joué aujourd’hui par la hausse des prix des services alors que la dynamique inflationniste avait auparavant été plus influencée par les prix des biens. Ils expliquent également comment la viscosité relative de ces prix des services pourrait freiner la désinflation[2]. Galeone et Gros (2023) ont un autre point de vue sur ce dernier kilomètre. D’après leur analyse, celui-ci pourrait, au contraire, ne pas représenter de difficultés particulières, l’inflation ayant quitté son régime de « transmission importante des chocs sur les prix de l’énergie » et étant revenue à un régime de stabilité et de fonctionnement normal[3]. Le débat reste ouvert.