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Baromètre de l’inflation mars 2024 | Résistance à la baisse

15/03/2024
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La désinflation des prix à la consommation marque le pas en début d’année en Europe et aux États-Unis. Les effets favorables liés à la déflation des prix énergétiques s’estompant, l’inflation sous-jacente, toujours élevée, contribue désormais pour la quasi-totalité à la hausse des prix aux États-Unis. C’est moins vrai en zone euro et au Royaume-Uni, où l’inflation alimentaire contribuait encore pour près d’un tiers à l’inflation totale en janvier. Le reflux de l’inflation en 2023 a conduit dans toutes les zones à un recalage à la baisse des anticipations d’inflation des ménages à court terme (1 an) vers celles de long terme (5 ans). La progression des salaires reste supérieure à l’inflation et continue d’alimenter un regain de pouvoir d’achat, qui semble plus important aux États-Unis et en zone euro qu’au Royaume-Uni.

Aux États-Unis, la progression de la composante « logement » a ralenti sous la barre des 6% en g.a. en février, une évolution qui, par le poids important de cette catégorie dans l’indice des prix à la consommation, se reflète assez nettement sur le graphique de généralisation de l’inflation (page 7). À l’inverse, le Royaume-Uni continue d’afficher une proportion importante de biens et services en hausse de plus de 6%.

La tendance est, à ce stade, différente au Japon. L’inflation s’est repliée à 2,1% en g.a. en janvier, soit la plus faible progression depuis mars 2022. Les mesures de subventions à l’énergie mises en place par le gouvernement de Kishida s’étant répercutées dans l’IPC à partir de février 2023, un effet de base important entraînera, sauf surprise, un rebond de l’inflation en février 2024. C’est d’ailleurs ce qu’a montré l’indice avancé pour la région de Tokyo, en augmentation de 2,5% en g.a. en février, contre 1,8% le mois précédent. À l’échelle nationale, l’inflation sous-jacente pour le Japon a, pour sa part, reflué à 2,0% en g.a. en janvier.

Nous anticipons toujours que la Banque du Japon sera la première banque centrale à agir, non pas en baissant ses taux, mais en mettant fin à sa politique de taux d’intérêts négatifs, potentiellement dès la réunion du 18-19 mars. Les premiers résultats des négociations annuelles (Shunto) pour 2024 semblent attester de plus fortes concessions salariales de la part des entreprises par rapport à 2023[1], ce qui conforterait les membres de la BoJ dans leur idée d’amorcer la normalisation monétaire. À l’inverse, la Fed, la BCE et la BoE acteraient une première baisse de leurs taux directeurs en juin, selon nos prévisions actuelles.

[1] Voir article Financial Times, Japanese workers secure biggest pay rise in three decades, 13 mars 2024.

Graphique du mois : de l’importance de la (dés)inflation des services

Depuis juin 2023, l’inflation américaine, mesurée par le glissement annuel de l’IPC publié par le BLS, ne baisse plus : elle s’élevait à 3% en juin 2023 et elle était encore de 3,2% en février 2024. Sur la même période, la désinflation reste importante dans la zone euro (le glissement annuel de l’IPCH étant passé de +5,5% en juin 2023 à +2,6% en février 2024 selon l’estimation préliminaire d’Eurostat) mais, depuis la fin 2023, elle tend aussi à marquer le pas. La contribution de moins en moins négative de la déflation énergétique explique ce coup de frein sur la baisse de l’inflation totale. Le recul de l’inflation alimentaire et de l’inflation sous-jacente s’est poursuivi mais vraiment lentement pour cette dernière. L’inflation sous-jacente s’élevait encore à 3,8% en février 2024 aux États-Unis et à 3,1% dans la zone euro.

Cette lenteur est imputable à la désinflation des services qui, comme notre graphique du mois l’illustre, demeure limitée. Le premier point saillant est, aux États-Unis comme dans la zone euro, la supériorité de l’inflation des services par rapport à celle des biens – et aussi par rapport à sa tendance historique. On notera, aussi, que cet écart est plus ancien et nettement plus important aux États-Unis qu’en zone euro. Le troisième point d’attention porte sur l’inflation des services plus élevée aux États-Unis que dans la zone euro tandis que l’inflation des biens y est nettement plus basse (et même négative, c’est-à-dire en déflation).

De ce point de vue, le processus de désinflation paraît mieux engagé dans la zone euro qu’aux États-Unis. Nous prévoyons d’ailleurs un retour de l’inflation à la cible de 2% plus rapide dans la zone euro (en 2024) qu’outre-Atlantique (en 2025). La dynamique des salaires est toutefois l’un des déterminants à surveiller[1]. La progression de ces derniers se fait moins dynamique mais cette modération reste modeste. Et, à l’horizon des prochains trimestres, le risque, d’après nous, est qu’elle demeure graduelle plutôt qu’elle ne prenne de l’ampleur.

La baisse de l’inflation des services devrait donc aussi rester contenue, alimentant la problématique de l’épreuve que constitue, ou non, le dernier kilomètre de la désinflation. Amatyakul, Igan et Lombardi (2024) mettent en avant ce rôle plus important joué aujourd’hui par la hausse des prix des services alors que la dynamique inflationniste avait auparavant été plus influencée par les prix des biens. Ils expliquent également comment la viscosité relative de ces prix des services pourrait freiner la désinflation[2]. Galeone et Gros (2023) ont un autre point de vue sur ce dernier kilomètre. D’après leur analyse, celui-ci pourrait, au contraire, ne pas représenter de difficultés particulières, l’inflation ayant quitté son régime de « transmission importante des chocs sur les prix de l’énergie » et étant revenue à un régime de stabilité et de fonctionnement normal[3]. Le débat reste ouvert.


[1] Le coût du logement et le comportement de marges des entreprises étant deux autres facteurs importants à surveiller.

[2] Sectoral price dynamics in the last mile of post-Covid-19 disinflation (bis.org), 4 mars 2024

[3] Regime shifts and the last mile of disinflation | CEPR, 13 décembre 2023

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE