Eco Emerging

Sous la supervision du FMI

16/10/2019
PDF

Des réformes favorables aux entreprises ont été engagées en Angola, visant à améliorer la gouvernance et la transparence ainsi qu’à diversifier l’économie. Au-delà de la transition politique, de la refonte du secteur des hydrocarbures et de la nouvelle politique de change, le gouvernement a rétabli ses relations avec le FMI et conclu, en décembre 2018, un accord avec ce dernier dans le cadre d’un mécanisme élargi de crédit, portant sur un montant de USD 3,7 mds et étalé jusqu’en 2021. Cependant, le lancement du programme du FMI coïncide avec la dégradation des perspectives à court terme, dans un environnement international difficile (hausse de la volatilité des prix du pétrole, tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, qui est le principal partenaire commercial de l’Angola).

Une très légère reprise de la croissance est possible

Prévisions
Début d’année difficile

Après une troisième année consécutive de récession en 2018, le PIB angolais continue d’avoir du mal à se redresser, comme en témoigne son maintien en territoire négatif au premier trimestre 2019. Selon les données de l’Institut national des statistiques (INS), l’économie s’est contractée de 0,4 % en glissement annuel au T1, après une expansion de 2,6% au trimestre précédent. Le repli du T1 2019 est principalement dû au secteur pétrolier (-6,9%), qui continue de jouer un rôle prépondérant dans l’économie angolaise[1], mais aussi à une contraction dans les télécommunications (-6,8%) et dans les services financiers (-4,8%). La contraction du PIB du secteur pétrolier s’explique en grande partie par la baisse de la production[2] en pleine augmentation des cours du brut, sous les effets conjugués de gisements arrivant à maturité, des arrêts nécessaires à la maintenance et de l’absence de nouvelles opportunités d’exploration en eaux profondes en Angola.

Le sentiment économique global s’est légèrement amélioré au T1, mais reste nettement en territoire négatif. L’indicateur du climat économique (ICE), publié par l’Institut des statistiques, s’est en effet redressé de -9 points au T4 2018 à -5 points au T1 2019. En 2019, la croissance du PIB devrait être d’à peine 0,3%, plombée par une contraction continue du secteur pétrolier (malgré la montée en puissance du projet South Kaombo de Total). Néanmoins, une croissance modeste est attendue dans le secteur non pétrolier, favorisée par la mise en œuvre du programme du FMI. En juin 2019, le gouvernement a procédé au premier examen du Mécanisme élargi de crédit avec le déblocage de la deuxième tranche de financement (USD 248 mns), portant à environ USD 1,24 md le montant total des décaissements obtenus à ce jour. Le gouvernement poursuit ses efforts en vue d’améliorer le climat des affaires et de soutenir le secteur privé[3], mais les contraintes auxquelles se heurte le secteur bancaire pour accéder aux devises continuent de peser sur la dynamique d’ensemble.

Un accès à la devise toujours difficile

Malgré l’abandon de l’ancrage du kwanza au dollar en janvier 2018, l’accès aux devises reste difficile. La banque centrale continue de laisser varier le taux de change à l’intérieur d’une bande de fluctuation, et accorde l’accès aux devises en priorité à certains secteurs (alimentation, santé et pétrole), provoquant des restrictions sur 54 produits d’importation. La plupart des contrats libellés en dollars sont réglés en euros en raison de l’absence de correspondants bancaires (correspondent banking)[4] en dollars des Etats-Unis. Les autorités s’efforcent de restaurer la vente de dollars par les banques commerciales locales, mais les services de correspondance bancaire en dollars ne seront rétablis qu’après la mise en œuvre de réformes efficaces en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et la corruption.

Ajustement budgétaire mais hausse de la charge d’intérêt

Le pays dépend du secteur pétrolier comme source de recettes en devises. Or la baisse continue de la production pétrolière, en dépit d’un redressement partiel des prix de l’or noir, pèse sur les exportations, entretenant une pénurie aiguë de réserves de change. Le pays ne dispose pas de raffineries pétrolières et doit utiliser ses devises pour importer le pétrole raffiné[5]. De plus, les recettes d’exportation du secteur de l’énergie sont affectées au service de la dette, qui s’élevait à plus de 16% du PIB à la fin de 2018. Au T1 2019, les exportations ont diminué de 10% en g.a. tandis que les importations ont grimpé de plus de 40%. L’érosion des réserves de change se poursuit (-5% depuis janvier 2019). Après avoir affiché un excédent en 2018, la balance courante devrait redevenir déficitaire à hauteur de 2% en 2019. Par conséquent, même si les afflux d’investissements directs étrangers ont repris au premier trimestre, le besoin de financement extérieur devrait augmenter cette année. L’aide accordée par le FMI (USD 0,5 md en 2019 et USD 1,1 md par an en 2020-2021) devrait permettre un redressement des réserves de change en 2020 uniquement.

Par ailleurs, après avoir perdu plus de 40% en 2018, le kwanza (AOA) a enregistré une nouvelle dépréciation de 15% depuis le début de l’année 2019, se négociant actuellement à AOA 365 par dollar au taux officiel. Si la libéralisation partielle du régime de change a contribué à réduire la surévaluation du kwanza, la monnaie locale continue de se négocier à un niveau nettement plus élevé sur le marché parallèle (à plus de AOA 500 par dollar en septembre). Même si la probabilité d’un choc sur le kwanza a diminué depuis le passage à un régime de change plus flexible, de nouvelles dévaluations restent possibles à moyen terme.

Réformes budgétaires, dette publique élevée

Les réformes budgétaires suivent leur cours, notamment avec la suppression des subventions aux carburants, l’amélioration de la gestion des entreprises publiques et l’apurement des arriérés. L’année dernière, l’exécution budgétaire a dépassé les attentes avec le retour à un excédent grâce à la maîtrise des dépenses publiques (inférieures à 20% du PIB), au rebond des prix du pétrole et aux effets de la dépréciation du kwanza. L’assainissement budgétaire devrait continuer en 2019, comme en témoigne la loi de finances rectificative présentée en mai dernier. Celle-ci a redimensionné l’enveloppe des dépenses en fonction de la baisse des prix du brut et identifié de nouvelles mesures visant à accroître les recettes non pétrolières[6] pour compenser le manque à gagner attendu (environ 3,8% du PIB selon le FMI). Néanmoins, les projections de revenus vont pâtir de l’introduction différée de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) et le solde budgétaire va probablement redevenir déficitaire cette année.

La marge de manœuvre reste très mince. Le ratio dette publique sur PIB a plus que doublé au cours des quatre dernières années pour atteindre 88% en 2018, et la charge de la dette (intérêts/recettes) s’est envolée pour atteindre 21% en 2018. Le gouvernement semble déterminé à poursuivre une stratégie prudente de gestion de la dette en réduisant les émissions de dette publique et en développant le marché primaire de titres en monnaie locale pour réduire son exposition au risque de change, ainsi qu’en obligeant les entreprises publiques à faire preuve de prudence en matière d’emprunt (réduction des garanties souveraines). Un programme de privatisations est également envisagé[7]. La dette publique en pourcentage du PIB devrait pouvoir diminuer en 2020. Elle n’en reste pas moins très vulnérable à une nouvelle dépréciation de la monnaie et au repli des prix du pétrole.

[1] A la fin de 2018, il représentait environ 30% du PIB, 95 % des exportations et plus de 60 % des recettes fiscales.

[2] Selon les données de l’OPEP, la production de brut angolais ressortait à 1,394 millions de barils/jour en août 2019, un plus bas record de la dernière décennie.

[3] Avec, par exemple, la libéralisation du commerce des diamants bruts ou l’adoption d’une résolution portant sur la mise en place d’une Autorité de régulation de la concurrence et de la privatisation, et une liste d’entreprises publiques destinées à être cotées à la bourse nationale à l’horizon 2022.

[4] En 2016, la Réserve fédérale américaine a mis fin aux services de correspondance bancaire en dollars en raison de l’insuffisance des moyens mis au service de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

[5] En mars 2019, le pays a connu une grave pénurie de carburant due aux difficultés d’accès au dollar des Etats-Unis.

[6] Comme, par exemple, l’ajustement des taxes indirectes sur l’énergie, les sodas et l’immobilier, la suppression de certaines exonérations de l’impôt sur le revenu, l’élargissement de l’assiette du droit de timbre afin d’inclure les travailleurs indépendants et les transactions non soumises à la TVA.

[7]Sonangol, Endiama, TAAG, Bancos de Comércio e Indústria, Banco Angolano de Investimentos et certaines entreprises de télécommunications figurent parmi les principales privatisations prévues.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

Pays émergents
Le retour des politiques monétaires

Le retour des politiques monétaires

Les perspectives de croissance des pays émergents pour 2020 se sont assombries. En cause : le ralentissement des marchés à l’exportation et le climat d’incertitude entretenu par l’affrontement commercial entre les Etats-Unis et la Chine [...]

LIRE L'ARTICLE
Chine
Dosage monétaire sous contrainte

Dosage monétaire sous contrainte

Pékin a laissé le yuan se déprécier face au dollar après chaque hausse des droits de douane des Etats-Unis sur leurs importations de biens chinois [...]

LIRE L'ARTICLE
Inde
A la recherche d’investissements

A la recherche d’investissements

L’activité économique a sensiblement ralenti au premier trimestre de l’exercice budgétaire 2019/2020 et les perspectives pour le second semestre restent moroses en dépit des importantes mesures prises par les autorités monétaires et le gouvernement pour soutenir la croissance. La politique d’assouplissement monétaire s’est traduite par des baisses modestes des taux d’intérêt sur les prêts. Par ailleurs, la réduction du taux d’imposition sur les sociétés annoncée récemment devrait, à moyen terme, soutenir l’investissement domestique et les investissements étrangers. Elle pourrait toutefois avoir peu d’effets à court terme sur la croissance. Les sociétés pourraient en effet choisir de consolider leurs positions plutôt que d’investir dans un climat peu porteur. [...]

LIRE L'ARTICLE
Brésil
Sous les projecteurs

Sous les projecteurs

Suite aux incendies en Amazonie, les projecteurs du monde entier ont été braqués sur le Brésil. Le président Jair Bolsonaro subit des pressions pour son manque d’engagement en matière de protection de l’environnement [...]

LIRE L'ARTICLE
Russie
Résistance mais sans croissance

Résistance mais sans croissance

En août, l’agence de notation Fitch a amélioré la note du souverain russe en raison d’une plus grande résistance de l’économie à l’environnement extérieur [...]

LIRE L'ARTICLE
Pologne
Perte de vitesse

Perte de vitesse

Au premier semestre 2019, la croissance économique a bien résisté à la dégradation de la conjoncture internationale. Les perspectives demeurent relativement positives à court terme malgré le retournement du cycle [...]

LIRE L'ARTICLE
Corée du Sud
Double peine

Double peine

Les perspectives de croissance continuent de se dégrader en Corée du Sud [...]

LIRE L'ARTICLE
Argentine
Au pied du mur

Au pied du mur

Le gouvernement de Mauricio Macri fait face à une situation d’urgence avant les élections générales du 27 octobre prochain [...]

LIRE L'ARTICLE
Egypte
Performance mitigée du commerce extérieur

Performance mitigée du commerce extérieur

Bien que toujours largement déficitaire, la balance commerciale s’est sensiblement améliorée depuis 2017 [...]

LIRE L'ARTICLE
Qatar
Les limites de la diversification

Les limites de la diversification

L’économie qatarie peine à trouver des relais de croissance en dehors du secteur des hydrocarbures [...]

LIRE L'ARTICLE
Maroc
Bilan plutôt satisfaisant

Bilan plutôt satisfaisant

Entre les difficultés rencontrées par les pays européens et une mauvaise campagne agricole, les vents contraires sont nombreux. De fait, la croissance économique ralentit en 2019 pour la deuxième année consécutive [...]

LIRE L'ARTICLE
Afrique du Sud
En panne

En panne

La croissance économique est prévue à seulement 0,4% en 2019, après s’être établie à 1% par an en moyenne entre 2015 et 2018 [...]

LIRE L'ARTICLE