La croissance dans les pays émergents a plutôt bien résisté au premier semestre 2023 grâce aux pays d’Asie, au Brésil et au Mexique. En Asie, l’inflation a retrouvé un niveau très modéré en août ou septembre (à l’exception de l’Inde) et, par rapport aux autres zones, les durcissements monétaires intervenus entre la mi-2021 et la mi-2023 ont été de bien moindre ampleur. Cela a permis de compenser la baisse des exportations. À l’inverse, les pays d’Europe centrale n’ont pas bénéficié de cet effet de compensation. Les enquêtes auprès des entreprises et des ménages indiquent que les divergences entre zones se sont accentuées au cours de l’été. Elles montrent aussi que les poids lourds d’Amérique latine (Brésil, Mexique) sont mieux positionnés dans le tiercé des grandes zones.
Après quelques hésitations, les autorités chinoises ont finalement multiplié les mesures de relance pendant l’été. Le léger redressement de la croissance économique récemment observé devrait se poursuivre au T4 2023. Cependant, l’action de la banque centrale et du gouvernement reste contrainte, prudente et mesurée, alors que les freins internes et externes pesant sur l’activité sont toujours puissants. Dans le secteur immobilier, même si de l’activité parvient à se stabiliser grâce aux mesures de soutien, elle devrait rester entravée par la fragilité financière des promoteurs et la faiblesse du sentiment des acheteurs
L’économie hongkongaise se remet difficilement de la succession de chocs subis entre 2019 et 2022. Après les bouleversements politiques et institutionnels de 2019 et 2020, le territoire a été lourdement affecté par la crise sanitaire jusqu’à l’an dernier. L’activité se redresse en 2023 mais Hong Kong doit maintenant faire face à une demande externe en repli et, surtout, à un important resserrement des conditions monétaires. La remontée des taux d’intérêt depuis mars 2022 pèse sur la demande intérieure, en particulier à travers ses effets sur le marché immobilier. La politique budgétaire reste, quant à elle, résolument expansionniste.
Au deuxième trimestre 2023, la croissance économique indienne restait solide. Mais depuis l’été, la situation s’est légèrement dégradée. Au-delà de la contraction des exportations, la demande rurale ralentit. L’inflation a rebondi et les pressions à la baisse sur la roupie se sont légèrement accentuées avec la forte décélération des entrées de capitaux. Les comptes extérieurs devraient rester sous tension jusqu’à la fin de l’année. La forte hausse des prix du pétrole et une mousson inférieure à la normale pèsent sur le déficit commercial et entretiennent les tensions inflationnistes. Par ailleurs, le rétrécissement de l’écart de rendement entre les obligations indiennes et américaines limite les investissements de portefeuille
En dépit du ralentissement économique mondial, la croissance économique indonésienne est restée solide. Les pressions inflationnistes demeurent contenues malgré la hausse des prix du riz. Les finances publiques se sont consolidées et le déficit budgétaire est retourné sous le seuil règlementaire de 3% du PIB un an plus tôt que prévu. Même si la dette est supérieure au niveau d’avant-crise, elle reste modeste et son refinancement est moins dépendant des investissements de portefeuille. L’augmentation de la charge d’intérêts sur la dette est à surveiller car elle réduit les marges de manœuvre budgétaire du gouvernement pour soutenir l’économie
La normalisation de la politique économique – un durcissement monétaire et une dose de resserrage budgétaire – a restauré la confiance des investisseurs et des agences de notation. Les réserves de change officielles se sont consolidées au cours de l’été, la livre turque est bien plus stable et les primes de risque se sont détendues. La croissance du PIB résiste, malgré le ralentissement du crédit domestique, et le déficit budgétaire est bien moindre que ce qui était anticipé compte tenu des promesses pré-électorales. Mais l’inflation a réaccéléré et le déficit courant est tout juste stabilisé. Le rééquilibrage de la croissance et la dédollarisation ne sont pas encore acquis mais il y a de meilleures chances que ce soit le cas en 2024.
Le gouvernement actuel brigue un troisième mandat aux élections législatives du 15 octobre prochain. Quelle qu’en soit l’issue, le futur gouvernement sera confronté à trois défis majeurs sur le plan économique : un ralentissement marqué de la croissance, une dégradation du déficit budgétaire et une hausse du risque de crédit. Toutefois, cette montée des risques ne constitue pas un réel motif d’inquiétude. Des garde-fous à la hausse de la dette publique existent. Le pays dispose aussi de liquidités extérieures confortables et le secteur bancaire est solide. Le reflux de l’inflation a facilité le changement de cap en matière de politique monétaire mais cela semble prématuré compte tenu des pressions salariales élevées.
La gestion égyptienne des comptes extérieurs, qui consiste à gagner du temps grâce à des soutiens extérieurs entre deux réajustements drastiques du taux de change, atteint ses limites. La persistance d’un important besoin de financement, en raison notamment des échéances de la dette extérieure, et des créanciers internationaux (pays du Golfe et FMI) qui conditionnent leur soutien à des réformes douloureuses et politiquement coûteuses ont conduit l’économie égyptienne à une impasse. La position extérieure nette des banques se détériore à un rythme alarmant. Les restrictions sur les opérations en devises se multiplient, avec des conséquences négatives sur l’activité dans un pays très dépendant des importations
La conjoncture économique brésilienne multiplie les bonnes surprises. La croissance et l’emploi résistent bien, l’inflation sous-jacente reflue, les excédents commerciaux battent des records et la monnaie tient bon malgré la remontée du dollar. Dans ce contexte, la banque centrale a amorcé, en août, le desserrement de sa politique monétaire. Ces performances conjuguées à la relance des politiques sociales ont permis à la cote de popularité de Lula de se redresser. À la quête de nouveaux relais de croissance pour réduire les inégalités et accélérer la transition énergétique, le Président a dévoilé le troisième volet de son Pacte d’accélération de la croissance (Novo PAC). Son financement pose toutefois question au vu du nouveau cadre budgétaire
L’activité mexicaine devrait ralentir dans les trimestres à venir sous l’effet conjugué du ralentissement de l’économie américaine et de taux d’intérêt toujours élevés. Au-delà de 2024, la croissance pourrait être soutenue par un nouveau moteur, le nearshoring, dont les effets commencent à se traduire dans les données d’exportation et d’investissement. La prochaine administration, qui sera élue en juin 2024, aura donc pour défi de mettre en place les réformes structurelles nécessaires pour profiter pleinement de cette nouvelle stratégie de délocalisation et maintenir le soutien financier à l’entreprise PEMEX, tout en limitant le dérapage des finances publiques.
La période actuelle est très favorable à l’économie saoudienne : les revenus pétroliers sont élevés et de vastes programmes de réforme et d’investissement sont mis en place. Néanmoins, malgré de réels efforts de diversification, le pays demeure vulnérable aux aléas du marché pétrolier et à la politique de production de l’OPEP. Un rebond modéré de l’activité est prévu en 2024 après une légère récession cette année. La manne pétrolière reste déterminante pour le maintien des équilibres budgétaires et la mise en œuvre des investissements du programme Vision 2030. L’importance des besoins de financement et la faible attractivité du royaume vis-à-vis des investisseurs étrangers rendent toutefois nécessaire le recours massif à l’endettement et à la vente d’actifs publics
Depuis le début de l’année 2023, la production de pétrole de l’Angola n’atteint pas la cible fixée par le gouvernement et recule par rapport à 2022, ce qui pénalise fortement la croissance économique. Combinée à la baisse du cours du brent, cette sous-performance fragilise les comptes extérieurs du pays qui doit, par ailleurs, faire face à des remboursements de dette extérieure particulièrement élevés. La liquidité en dollars s’est donc dégradée au deuxième trimestre 2023 et le kwanza s’est fortement déprécié. La solvabilité du gouvernement s’est également détériorée. Pour y remédier, les autorités ont annoncé début août des coupes budgétaires importantes
L’économie ghanéenne se relève peu à peu de la grave crise macroéconomique de 2022. La croissance du PIB résiste mieux que prévu et l’inflation a commencé à refluer même si elle demeure trop élevée. Sur le plan des finances publiques, les progrès sont également encourageants. Outre l’exécution budgétaire satisfaisante au cours des six premiers mois de l’année, les autorités ont achevé le processus de restructuration de la dette domestique. Cependant, le pays reste en défaut sur sa dette extérieure. Malgré le soutien apporté par le FMI, il ne dispose pas non plus d’amortisseur suffisant pour le prémunir d’un éventuel nouveau choc externe.