L’élection de Donald Trump n’a pas déclenché de tensions financières majeures sur les principales places émergentes. Le dollar s’est malgré tout renforcé, ce qui devrait retarder l’assouplissement des politiques monétaires. Plus inquiétant, les économies émergentes seront les victimes directes ou collatérales de la guerre commerciale promise par la future administration américaine. Elles seront confrontées à un double choc : un fort ralentissement du commerce mondial et le redéploiement des exportations chinoises. Le premier choc sera nécessairement récessif voire inflationniste. L’impact du second n’est pas univoque car il dépend de la nature des exportations chinoises (complémentaires ou concurrentes) et, surtout, de leur lien avec les investissements directs.
En Chine, la politique économique a pris un tournant résolument expansionniste depuis fin septembre. Cela a donné une nouvelle impulsion à l’activité, qui devrait se renforcer à très court terme. Toutefois, sur l’ensemble de 2025, la croissance continuera de ralentir. Les contraintes pesant sur la demande intérieure persistent : les ajustements dans le secteur immobilier ne sont pas terminés, la confiance du secteur privé reste fragile et les ménages attendent toujours que les conditions sur le marché du travail s’améliorent. Par ailleurs, les risques qui pèsent sur la croissance se sont accrus avec l’élection de Donald Trump
Le difficile rebond de l’activité économique depuis deux ans est symptomatique de toutes les contraintes subies par le territoire hongkongais. La politique monétaire, qui doit suivre celle des États-Unis, a été restrictive jusqu’en septembre 2024, avec des conséquences d’autant plus douloureuses que l’inflation à Hong Kong est restée modérée et que la demande intérieure avait au contraire besoin de soutien. Le cycle économique est de fait bien davantage synchronisé avec celui de la Chine continentale. À très court terme, la croissance économique pourrait accélérer, aidée par l’assouplissement monétaire en cours et le renforcement attendu de la demande chinoise, mais les risques baissiers restent importants
La croissance indienne a ralenti au premier trimestre de l’année budgétaire en cours et les indicateurs avancés laissent penser qu’elle atteindra 6,9% sur l’ensemble de l’exercice (vs. 8,2% l’année dernière). Plusieurs risques pèsent sur la croissance du PIB mais ils restent mesurés. Hormis une hausse des pressions inflationnistes, qui pourrait retarder l’assouplissement monétaire attendu d’ici le premier trimestre 2025, le ralentissement de la demande étrangère constitue le principal risque. L’essoufflement du modèle chinois, en particulier, peut brider le développement d’un secteur manufacturier indien déjà sous-dimensionné en raison de la concurrence de biens de consommation et d’équipement chinois à des prix toujours plus compétitifs
La croissance économique reste solide mais elle devrait ralentir en 2025. En raison de son degré d’ouverture élevé, l’économie de la Malaisie est plus vulnérable au ralentissement chinois que l’Inde ou l’Indonésie. De plus, les tensions entre les États-Unis et la Chine pourraient rendre plus complexe la mise en œuvre de son programme de développement industriel (« New Industrial Masterplan ») pourtant indispensable pour donner un nouveau souffle à sa croissance. Les marges de manœuvre des autorités pour soutenir l’économie sont limitées. La Banque centrale devrait laisser ses taux directeurs inchangés à horizon des six prochains mois, contrairement aux autres banques centrales d’Asie
Le portrait macro-financier brésilien est saisissant de contrastes : d’un côté, le chômage est à un plus bas historique, les comptes externes sont robustes et la croissance économique surperforme, portée par des leviers multiples ; d’un autre côté, la monnaie continue de se déprécier, les résidents augmentent leurs avoirs à l’étranger et les primes de risque se tendent – signes d’une défiance persistante des marchés qui réclament de nouvelles mesures pour réduire les dépenses publiques. La Banque centrale a amorcé, à contre-courant de la tendance mondiale, une phase de durcissement monétaire en réponse à la remontée de l’inflation. Celle-ci, bien que dans la fourchette cible, subit des pressions haussières tant du côté de l’offre que de la demande
Au Chili, le rebond de l’activité économique observé en 2024 devrait se poursuivre en 2025. Les exportations de matières premières resteront dynamiques, tandis que la consommation privée bénéficiera du ralentissement de l’inflation et de l’amélioration progressive du marché du travail. Dans un contexte politique toujours tendu, et avec une coalition d’opposition renforcée par les résultats des récentes élections locales, le gouvernement tente de faire avancer ses réformes phares, notamment celle concernant le secteur de l’énergie, avant la fin du mandat qui s’achèvera à la fin de l’année 2025. Dans ce contexte, la consolidation progressive des finances publiques se poursuit, à un rythme moins rapide qu’initialement anticipé.
En Europe centrale, l’activité économique a ralenti au T3 2024. L’économie polonaise a mieux résisté sur les trois premiers trimestres de l’année. Dans la région, l’inflation est repartie à la hausse et le retour à la cible n’est pas prévu avant 2026. À l’exception de la République tchèque, l’ensemble des pays d’Europe centrale sont en procédure pour déficit excessif. Fait marquant, plusieurs d’entre eux ont eu davantage recours aux marchés internationaux de capitaux. Cette situation s’accompagne d’un risque de change plus élevé mais, d’une manière générale, la gestion de la dette libellée en devises étrangères a été prudente. Les flux de capitaux ont enregistré un rebond au T3 et l’Europe centrale demeure une destination attractive à court et moyen terme pour ces flux.
En 2024, la Hongrie devrait figurer parmi des économies les moins performantes de la région avec une entrée en récession technique au T3. La croissance du PIB fait partie des priorités du gouvernement dont l’objectif officiel est 3% à 6% l’an prochain. Le budget pour 2025 récemment soumis au Parlement vise à la fois à redynamiser l’économie et à consolider les comptes publics. Toutefois, la croissance potentielle à moyen terme, estimée à 3% par le FMI, a été revue à la hausse par rapport son estimation de 2019. Elle est notamment portée par les bonnes perspectives en matière d’IDE, notamment ceux en provenance de Chine, qui viendraient soutenir l’investissement.
Depuis juillet, les principales agences de notation ont relevé la note de la dette à moyen et long terme de l’État turc. Les fondamentaux macroéconomiques se sont, en effet, améliorés au cours des douze derniers mois, malgré le durcissement de la politique monétaire et le ralentissement induit de la croissance (effet des taux d’intérêt réels redevenus positifs). Le dérapage du déficit budgétaire reste sous contrôle et le ratio dette/PIB est à un plus bas historique. Le déficit courant s’est fortement réduit et la reprise des investissements de portefeuille a permis de reconstituer des réserves officielles de change. Enfin, la dédollarisation des dépôts bancaires s’est poursuivie et les risques de crédit pour les banques sont dans l’ensemble maîtrisés
Bien que les tensions au Moyen-Orient et le risque géopolitique aient fortement augmenté depuis octobre 2023, les marchés du commerce maritime et de l’énergie ont connu des évolutions contrastées. Si le coût de certaines catégories de fret a augmenté, les prix du pétrole s’inscrivent en baisse, notamment en raison d’une offre abondante. Une intensification du conflit qui touche la région reste possible et amènerait les prix de l’énergie à la hausse. Celui du GNL en Europe, où le marché est déjà tendu, est particulièrement sensible au contexte géopolitique. Or, ce dernier se tend et c’est dans ce contexte particulier que les pays du Golfe voient leurs besoins de financement augmenter tandis que les marchés du pétrole dépriment
En 2024, la croissance économique de l’Angola rebondit difficilement. L’économie non pétrolière fait face à de multiples vents contraires tandis que le secteur des hydrocarbures renoue timidement avec la croissance. Malgré des excédents courants importants, la pression sur les comptes extérieurs demeure forte depuis la reprise, en 2023, du service de la dette extérieure due à la Chine. Le kwanza continue de se déprécier face au dollar, ce qui détériore fortement la solvabilité de l’État. L’étau se resserre sur le gouvernement. Il doit faire face à des amortissements de dette extérieure de plus en plus élevés à l’heure où le risque d’un tarissement des flux de capitaux chinois s’accroît.
L’économie continue de résister. Un nouvel épisode de sécheresse pèsera sur la croissance en 2024, mais l’activité hors agriculture reste soutenue. L’investissement se redresse fortement et le reflux rapide de l’inflation soutient la consommation des ménages. La stabilité macroéconomique n’est pas menacée. L’envolée des annonces de projets d’IDE constitue un autre motif de satisfaction. Idéalement situé et offrant des avantages indéniables dans un contexte de fragmentation géoéconomique, le Maroc semble tirer parti de la reconfiguration des chaînes de valeur mondiales. L’impact pourrait être considérable. Néanmoins, il en faudra sans doute plus pour endiguer un chômage qui ne cesse d’augmenter.
Depuis le début de l’année, la croissance des pays émergents résiste toujours très bien. Elle se reflète dans la confiance des entreprises et des ménages mais également dans celle des investisseurs étrangers sur les places obligataires et boursières. Le durcissement monétaire américain du début 2022 jusqu’à la mi-2023 a pourtant eu un impact négatif important sur les flux d’investissement de portefeuille. Mais cet impact a été largement compensé par l’attrait que constituent les places émergentes pour les investisseurs, privés comme institutionnels, soit pour des considérations purement financières (carry trade) ou par souci de stratégie de diversification
En Chine, l’activité du secteur manufacturier reste dynamique, mais la montée des tensions avec la plupart de ses partenaires commerciaux et la multiplication des mesures protectionnistes pèsent dorénavant sur les perspectives d’exportations. Dans le même temps, la demande intérieure reste bridée par la crise du secteur immobilier et la croissance du crédit ralentit malgré les mesures d’assouplissement monétaire. Les autorités devraient donc encore assouplir, de manière prudente, leur politique économique à court terme. Les difficultés financières des collectivités locales et, plus généralement, la dégradation des finances publiques ont réduit la marge de manœuvre budgétaire. Le gouvernement central est contraint à prendre un rôle plus direct dans les mesures de soutien.
La croissance économique indienne a atteint 8,2% pour l’année budgétaire 2023/2024. Mais une telle performance n’a pas permis au BJP, le parti au pouvoir de Narendra Modi, de conserver la majorité au parlement. Au cours des cinq prochaines années, le BJP devra composer avec les petits partis partenaires de la coalition qu’il conduit pour diriger le pays. L’adoption de nouvelles réformes pour libéraliser davantage l’économie pourrait être difficile. Par ailleurs, le Premier ministre pourrait avoir à modifier la structure des dépenses budgétaires afin d’accroître de nouveau la part des subventions et autres transferts sociaux, en baisse depuis cinq ans
Le nouveau président taiwanais Lai Ching-te a pris ses fonctions le 20 mai dernier. Il devrait poursuivre l’agenda de politique intérieure et de politique étrangère de sa prédécesseuse, dans un climat plus tendu. D’une part, Pékin pourrait accroître ses manœuvres militaires autour de l’île. D’autre part, le Parlement est désormais dominé par les partis d’opposition, qui devraient ralentir ou bloquer de nombreux projets du gouvernement. Au moins la nouvelle administration pourra-t-elle compter sur une conjoncture économique favorable pour entamer son mandat. La croissance accélère depuis un an, tirée par le rebond du cycle électronique mondial
L’entrée de plusieurs pays d’Europe centrale et orientale au sein de l’UE en 2004 s’est accompagnée d’une progression impressionnante de leurs économies respectives. L’amélioration de la productivité du travail a permis un rattrapage des salaires réels au cours des 20 dernières années, mais les pressions salariales sont restées très fortes sur la période récente sans toutefois entamer la compétitivité des économies jusqu’à présent. La région reste par ailleurs attractive pour les investissements directs étrangers et continue de bénéficier des activités de nearshoring. A court terme, la consolidation des comptes publics constitue une priorité pour tenir les engagements dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance
Les perspectives de croissance s’améliorent pour 2024 mais le rebond sera sans doute contenu en raison d’une demande domestique encore peu dynamique. Sur le marché des changes, le forint hongrois subit des pressions baissières sur la période récente. Du côté des comptes publics, la consolidation budgétaire commencée depuis l’été 2022 n’a pas permis de réduire significativement le déficit. Pour 2024, il sera probablement moins prononcé que l’an dernier mais restera de toute façon élevé (autour de 5% du PIB). Ainsi, la Hongrie, fera probablement l’objet d’une procédure de déficit excessif en 2024
Les messages envoyés par les marchés financiers et ceux de l’économie réelle peinent à s’harmoniser. La vigueur de la croissance économique, la faiblesse du chômage et une inflation contenue ont en effet été éclipsées par la montée des risques politiques et budgétaires, qui pèsent plus fortement sur la monnaie, le cours des actions et la courbe des taux. Les déroutes parlementaires de Lula, ses frictions avec la banque centrale et un interventionnisme plus marqué agitent les investisseurs, déjà ébranlés par d’importantes révisions de projections de taux d’intérêt aux niveaux mondial et local. Le défi pour la seconde moitié de l’année sera de renforcer la confiance des agents économiques et stabiliser leurs anticipations.
Claudia Sheinbaum a été élue présidente du Mexique le 2 juin dernier. Les défis politiques et économiques auxquels elle sera confrontée au cours de son mandat sont nombreux et concernent surtout la soutenabilité des finances publiques, la réforme du secteur de l’énergie (point particulièrement sensible au Mexique, surtout dans le contexte de nearshoring et d’un regain d’attraction de la part des investisseurs étrangers) et la renégociation du traité commercial avec le Canada et les États-Unis (UMSCA) en 2026. Dans l’immédiat, membre du parti la Morena de l’ancien président sortant, la nouvelle présidente doit trouver la bonne distance vis-à-vis d’Andres Manuel Lopes Obrador et de ses soutiens. Les discussions concernent notamment la réforme de la justice qu’il avait lui-même proposée.
La Ley Bases (ensemble de mesures destinées à la libéralisation de l’économie et, plus généralement, de la société) présentée par J. Milei au sortir de son investiture en décembre dernier a finalement été adoptée fin juin. Le parti du président ne disposant de majorité ni à la Chambre des députés, ni au Sénat, la version finale a été édulcorée. Pour autant, c’est une victoire pour J. Milei qui mène une course contre la montre entre une économie qui sombre dans une récession profonde et les premiers signes de désinflation. La lutte contre l’inflation justifie, pour le gouvernement, les coupes sombres dans les dépenses publiques et le maintien d’une stratégie d’appréciation du taux de change réel
Portée par des cours mondiaux de l’énergie relativement élevés et une demande soutenue pour son gaz, l’économie algérienne continue d’enregistrer des performances solides. En 2023, la croissance a été une des plus fortes des pays producteurs d’hydrocarbures de la région, et les perspectives pour 2024 restent favorables. Cependant, l’orientation expansionniste de la politique économique commence à montrer certaines limites, en particulier à cause de la hausse des déséquilibres budgétaires. Si les risques d’instabilité macroéconomique sont largement contenus à court terme, le rééquilibrage des moteurs de la croissance reste un défi d’envergure à moyen terme
Depuis le début de l’année 2024, les autorités nigérianes ont accéléré la mise en œuvre des réformes qui visent à endiguer la détérioration des comptes extérieurs et retrouver la stabilité macroéconomique. Avec l’assouplissement du régime de change et le relèvement des taux d’intérêt, la banque centrale a envoyé un signal fort aux investisseurs étrangers. Cependant, il faudra du temps et la mise en œuvre d’importantes réformes structurelles pour que les entrées de capitaux décollent significativement et durablement. En parallèle, la consolidation budgétaire est compliquée par un choc inflationniste sans précédent et son impact sur la croissance économique. Le coût élevé de la mise en œuvre des réformes pourrait contraindre le gouvernement à faire marche arrière.
Les énergies fossiles et les ressources minérales sont centrales dans le processus de transition bas-carbone. L’Amérique latine, riche en minerais et métaux clés pour la transition, et les pays du CCG, dépendants des revenus issus des hydrocarbures, apparaissent a priori à l’opposé sur la carte de la transition. Les conséquences macroéconomiques sont pourtant difficiles à déterminer pour le moment. Les pays du Golfe ont certains avantages sur le marché du pétrole, mais le rythme de la transition pourrait affecter la rente plus rapidement qu’escompté. En Amérique latine, si l’importance des réserves de matériaux critiques rendent les perspectives plus favorables, des stratégies nationales diverses et de multiples contraintes pourraient en limiter l’ampleur
Eco Emerging est la revue trimestrielle consacrée à l’économie des pays émergents. Rédigée par les économistes de l’équipe Economies émergentes et Risque pays des Etudes économiques de BNP Paribas, cette publication propose un tour d’horizon de la conjoncture économique d’une sélection de pays à travers de l’analyse des principaux indicateurs conjoncturels.
Chaque économiste appuie son analyse sur les données trimestrielles (PIB réel, inflation, solde budgétaire, dette publique, réserves de change, etc.). Chacun suit l’évolution des indicateurs économiques. Parmi les principales thématiques abordées citons la production industrielle, le produit intérieur brut (PIB) trimestriel et les prévisions d’inflation avec l’évolution des prix à la consommation (IPC) et ceux des prix à la production (IPP), ou encore les chiffres de l’emploi et du chômage, du marché de l’immobilier, ou l’opinion des acteurs (confiance des ménages, climat des affaires). L’auteur commente les principaux facteurs qui orientent et déterminent l’activité économique du pays étudié et les perspectives conjoncturelles.
Cette publication permet de brosser le tableau d’une économie émergente au regard des indicateurs du trimestre écoulé et de se tourner vers l’avenir pour mieux comprendre et anticiper les principales problématiques économiques du pays étudié.