Pour les pays émergents, les conditions monétaires et de change sont plus favorables en ce début d’année qu’elles ne l’étaient fin 2022-début 2023. L’assouplissement des politiques monétaires permis par la désinflation, et des perspectives de croissance globalement révisées à la hausse, attirent les investissements de portefeuille. Malgré l’augmentation du risque géopolitique, le risque souverain devrait diminuer sauf pour les pays plus fragiles, déjà sur la sellette en 2023. Pour les pays à faible revenu, 2024 sera une année à haut risque car les échéanciers de dette extérieure des États resteront très chargés comme en 2023.
En 2023, le rebond post-Covid de l’activité économique chinoise a été moins vigoureux qu’espéré. La crise du secteur immobilier s’est aggravée en fin d’année, la demande de logements ne redémarre pas, et le moral dégradé des ménages pèse sur leur consommation. En revanche, le secteur manufacturier exportateur a affiché une performance meilleure que prévu au dernier trimestre, contrastant avec celle des secteurs tournés vers le marché intérieur. Les autorités maintiennent une politique accommodante. Cependant, la fragilité financière des collectivités locales pèse sur l’investissement public, et la marge de manœuvre de la banque centrale pour relancer le crédit est faible. Le secteur bancaire subit une hausse du risque de crédit, qui semble cependant rester maîtrisé.
L’activité économique indienne est restée solide au premier semestre de l’année budgétaire en cours. Sur l’ensemble de l’année 2023/2024, elle pourrait être proche de 7%, soutenue principalement par le dynamisme des investissements privés et publics. L’augmentation du taux d’investissement pour la deuxième année consécutive est particulièrement favorable. Elle répond à une des fragilités structurelles du pays. A ce jour, les contraintes sur les facteurs de production (tant au niveau du travail que du capital) et la faible intégration du pays dans le commerce mondial pèsent sur son attractivité, comme en témoigne la nouvelle baisse des flux d’IDE (-0,9% du PIB) sur les trois premiers trimestres de l’année 2023
La croissance économique de la Malaisie est restée robuste en 2023, bien qu’en recul par rapport à 2022 en raison d’effets de base défavorables. La demande intérieure en a été le principal moteur alors que les exportations se sont sensiblement contractées. Les perspectives pour 2024 restent bien orientées et la croissance devrait légèrement rebondir. Les principaux points d’attention portent sur l’évolution du marché immobilier et du secteur de la construction (lequel concentre les entreprises les plus fragiles), la consolidation des finances publiques (qui reste très graduelle) et l’évolution des comptes extérieurs
Le dynamisme de la consommation des ménages et le retour des touristes devraient permettre à la croissance d’accélérer au cours des prochains trimestres. Le manque de compétitivité du secteur exportateur et les effets d’El Niño sont les principaux risques sur la croissance et les exportations. En outre, la situation politique reste tendue et la coalition gouvernementale apparaît fragile. Un dérapage budgétaire est possible et la banque centrale devrait marquer une pause dans son assouplissement monétaire.
Le Vietnam a connu une série de difficultés en 2022-2023, liées à la dégradation de l’environnement international, à la sévère correction dans le secteur immobilier, à la crise de confiance et aux tensions sur la liquidité dans le secteur bancaire. La croissance économique a marqué le pas début 2023, mais elle a ensuite rapidement réaccéléré. En particulier, l’activité dans le secteur exportateur manufacturier se redresse depuis quelques mois, porté par de solides entrées d’investissements directs étrangers. Ces dynamiques devraient se poursuivre à court terme, le Vietnam étant un des grands bénéficiaires des ajustements en cours dans les chaines de production mondiales.
Pour son retour aux commandes, Lula peut dresser un bilan positif de sa première année, marquée par des indicateurs macro-financiers au vert, la relance des programmes sociaux, des positions ambitieuses sur l’environnement et une capacité à réformer que peu d’observateurs anticipaient. Ce tableau cache toutefois quelques déséquilibres : dans le profil de la croissance, la dynamique du chômage et la diversification de la balance commerciale. Les doutes des marchés sur la capacité du gouvernement à équilibrer ses comptes (malgré le nouveau cadre budgétaire) constitue une autre zone d’ombre. En 2024, la croissance, l’inflation et les taux d’intérêt seront inférieurs à 2023
Fort de sa nette victoire à l’élection présidentielle, le nouveau président Javier Milei entend mener au pas de charge la libéralisation et la dérégulation de l’économie. Un décret et une loi « omnibus » d’un peu plus de 1 000 mesures, pour certaines très radicales, sont déjà soumis à l’examen des parlementaires. Ces mesures ont été jugées plutôt favorablement par les marchés et le FMI. Mais, dans un contexte politique et social très tendu, l’économie s’enfonce dans la stagflation et la situation financière du pays reste très précaire. Le gouvernement a déjà discuté d’un nouvel étalement des remboursements de la dette publique domestique avec les banques. Quant à la dette extérieure, un défaut a encore une chance d’être évité avec le soutien du FMI
Après une récession attendue en 2023, les perspectives de croissance sont plus favorables en 2024. L’activité économique devrait être portée à la fois par une amélioration de la demande intérieure et un léger rebond de la croissance en zone euro. Le cycle d’assouplissement monétaire initié fin 2023, devrait se poursuivre mais avec une certaine prudence, compte tenu de la persistance de fortes pressions salariales. Les comptes externes restent solides avec des réserves de change en hausse depuis plusieurs années. La Hongrie devrait afficher un excédent courant en 2023, après un déficit de -8,2% du PIB en 2022. Du côté des comptes publics, le déficit budgétaire reste dégradé et devrait dépasser les 5% du PIB en 2023
Malgré de nombreuses vulnérabilités, dont une forte dépendance au marché européen et un environnement politique complexe, les économies des Balkans occidentaux ont remarquablement résisté aux deux chocs extérieurs depuis 2022 : la guerre en Ukraine et le ralentissement européen. Le risque de change a été contenu grâce au soutien des investissements directs étrangers et des financements extérieurs. Le dynamisme de la demande intérieure a permis de compenser les conséquences du ralentissement européen sur les exportations. Les pressions inflationnistes, encore prégnantes en 2023, devraient se réduire cette année. L’intégration de la Croatie à la zone euro va réduire significativement les risques macroéconomiques
Dans un contexte de hausse des tensions géopolitiques régionales, la crise économique continue de s’aggraver en Égypte et menace maintenant les finances publiques. En l’absence d’un accord avec le FMI, la crise de balance des paiements persiste et reporte d’autant les ajustements nécessaires. En entraînant la dépréciation du taux de change et une forte hausse des taux d’intérêt, cette crise a fait bondir la charge d’intérêts de la dette du gouvernement à un niveau qui pourrait devenir rapidement insoutenable. En effet elle pourrait atteindre 70% de ses revenus cette année et rester très élevée l’année prochaine
Lourdement affectée par la crise du COVID et les conséquences de la guerre en Ukraine, l’économie tunisienne doit désormais faire face à d’importantes contraintes de financement. Les comptes extérieurs ont plutôt bien résisté en 2023, mais la situation macroéconomique reste très fragile. Les tombées de dette pour cette année sont significatives, et le pays n’est pas à l’abri d’un nouveau choc. Surtout, la perspective d’un rapprochement avec le FMI apparait de moins en moins probable, alimentant des craintes sur la capacité du gouvernement à couvrir l’intégralité de ses besoins de financements. Une crise de la dette n’est pas à écarter.
Le processus de restructuration de la dette extérieure du gouvernement éthiopien s’est récemment débloqué. L’accord de paix entre les autorités fédérales et les forces rebelles du Tigré, signé en novembre 2022, a mis fin à deux années de guerre civile et a permis de relancer les négociations avec les institutions internationales. Ainsi, presque trois ans après avoir sollicité le Cadre commun du G20 pour restructurer sa dette, l’Éthiopie est parvenue à un accord intérimaire de suspension du service de sa dette bilatérale. Ce n’est qu’un début : les autorités éthiopiennes doivent maintenant trouver un accord avec l’ensemble des créanciers extérieurs pour obtenir une restructuration complète
La croissance dans les pays émergents a plutôt bien résisté au premier semestre 2023 grâce aux pays d’Asie, au Brésil et au Mexique. En Asie, l’inflation a retrouvé un niveau très modéré en août ou septembre (à l’exception de l’Inde) et, par rapport aux autres zones, les durcissements monétaires intervenus entre la mi-2021 et la mi-2023 ont été de bien moindre ampleur. Cela a permis de compenser la baisse des exportations. À l’inverse, les pays d’Europe centrale n’ont pas bénéficié de cet effet de compensation. Les enquêtes auprès des entreprises et des ménages indiquent que les divergences entre zones se sont accentuées au cours de l’été. Elles montrent aussi que les poids lourds d’Amérique latine (Brésil, Mexique) sont mieux positionnés dans le tiercé des grandes zones.
Après quelques hésitations, les autorités chinoises ont finalement multiplié les mesures de relance pendant l’été. Le léger redressement de la croissance économique récemment observé devrait se poursuivre au T4 2023. Cependant, l’action de la banque centrale et du gouvernement reste contrainte, prudente et mesurée, alors que les freins internes et externes pesant sur l’activité sont toujours puissants. Dans le secteur immobilier, même si de l’activité parvient à se stabiliser grâce aux mesures de soutien, elle devrait rester entravée par la fragilité financière des promoteurs et la faiblesse du sentiment des acheteurs
L’économie hongkongaise se remet difficilement de la succession de chocs subis entre 2019 et 2022. Après les bouleversements politiques et institutionnels de 2019 et 2020, le territoire a été lourdement affecté par la crise sanitaire jusqu’à l’an dernier. L’activité se redresse en 2023 mais Hong Kong doit maintenant faire face à une demande externe en repli et, surtout, à un important resserrement des conditions monétaires. La remontée des taux d’intérêt depuis mars 2022 pèse sur la demande intérieure, en particulier à travers ses effets sur le marché immobilier. La politique budgétaire reste, quant à elle, résolument expansionniste.
Au deuxième trimestre 2023, la croissance économique indienne restait solide. Mais depuis l’été, la situation s’est légèrement dégradée. Au-delà de la contraction des exportations, la demande rurale ralentit. L’inflation a rebondi et les pressions à la baisse sur la roupie se sont légèrement accentuées avec la forte décélération des entrées de capitaux. Les comptes extérieurs devraient rester sous tension jusqu’à la fin de l’année. La forte hausse des prix du pétrole et une mousson inférieure à la normale pèsent sur le déficit commercial et entretiennent les tensions inflationnistes. Par ailleurs, le rétrécissement de l’écart de rendement entre les obligations indiennes et américaines limite les investissements de portefeuille
En dépit du ralentissement économique mondial, la croissance économique indonésienne est restée solide. Les pressions inflationnistes demeurent contenues malgré la hausse des prix du riz. Les finances publiques se sont consolidées et le déficit budgétaire est retourné sous le seuil règlementaire de 3% du PIB un an plus tôt que prévu. Même si la dette est supérieure au niveau d’avant-crise, elle reste modeste et son refinancement est moins dépendant des investissements de portefeuille. L’augmentation de la charge d’intérêts sur la dette est à surveiller car elle réduit les marges de manœuvre budgétaire du gouvernement pour soutenir l’économie
La normalisation de la politique économique – un durcissement monétaire et une dose de resserrage budgétaire – a restauré la confiance des investisseurs et des agences de notation. Les réserves de change officielles se sont consolidées au cours de l’été, la livre turque est bien plus stable et les primes de risque se sont détendues. La croissance du PIB résiste, malgré le ralentissement du crédit domestique, et le déficit budgétaire est bien moindre que ce qui était anticipé compte tenu des promesses pré-électorales. Mais l’inflation a réaccéléré et le déficit courant est tout juste stabilisé. Le rééquilibrage de la croissance et la dédollarisation ne sont pas encore acquis mais il y a de meilleures chances que ce soit le cas en 2024.
Le gouvernement actuel brigue un troisième mandat aux élections législatives du 15 octobre prochain. Quelle qu’en soit l’issue, le futur gouvernement sera confronté à trois défis majeurs sur le plan économique : un ralentissement marqué de la croissance, une dégradation du déficit budgétaire et une hausse du risque de crédit. Toutefois, cette montée des risques ne constitue pas un réel motif d’inquiétude. Des garde-fous à la hausse de la dette publique existent. Le pays dispose aussi de liquidités extérieures confortables et le secteur bancaire est solide. Le reflux de l’inflation a facilité le changement de cap en matière de politique monétaire mais cela semble prématuré compte tenu des pressions salariales élevées.
La gestion égyptienne des comptes extérieurs, qui consiste à gagner du temps grâce à des soutiens extérieurs entre deux réajustements drastiques du taux de change, atteint ses limites. La persistance d’un important besoin de financement, en raison notamment des échéances de la dette extérieure, et des créanciers internationaux (pays du Golfe et FMI) qui conditionnent leur soutien à des réformes douloureuses et politiquement coûteuses ont conduit l’économie égyptienne à une impasse. La position extérieure nette des banques se détériore à un rythme alarmant. Les restrictions sur les opérations en devises se multiplient, avec des conséquences négatives sur l’activité dans un pays très dépendant des importations
La conjoncture économique brésilienne multiplie les bonnes surprises. La croissance et l’emploi résistent bien, l’inflation sous-jacente reflue, les excédents commerciaux battent des records et la monnaie tient bon malgré la remontée du dollar. Dans ce contexte, la banque centrale a amorcé, en août, le desserrement de sa politique monétaire. Ces performances conjuguées à la relance des politiques sociales ont permis à la cote de popularité de Lula de se redresser. À la quête de nouveaux relais de croissance pour réduire les inégalités et accélérer la transition énergétique, le Président a dévoilé le troisième volet de son Pacte d’accélération de la croissance (Novo PAC). Son financement pose toutefois question au vu du nouveau cadre budgétaire
L’activité mexicaine devrait ralentir dans les trimestres à venir sous l’effet conjugué du ralentissement de l’économie américaine et de taux d’intérêt toujours élevés. Au-delà de 2024, la croissance pourrait être soutenue par un nouveau moteur, le nearshoring, dont les effets commencent à se traduire dans les données d’exportation et d’investissement. La prochaine administration, qui sera élue en juin 2024, aura donc pour défi de mettre en place les réformes structurelles nécessaires pour profiter pleinement de cette nouvelle stratégie de délocalisation et maintenir le soutien financier à l’entreprise PEMEX, tout en limitant le dérapage des finances publiques.
La période actuelle est très favorable à l’économie saoudienne : les revenus pétroliers sont élevés et de vastes programmes de réforme et d’investissement sont mis en place. Néanmoins, malgré de réels efforts de diversification, le pays demeure vulnérable aux aléas du marché pétrolier et à la politique de production de l’OPEP. Un rebond modéré de l’activité est prévu en 2024 après une légère récession cette année. La manne pétrolière reste déterminante pour le maintien des équilibres budgétaires et la mise en œuvre des investissements du programme Vision 2030. L’importance des besoins de financement et la faible attractivité du royaume vis-à-vis des investisseurs étrangers rendent toutefois nécessaire le recours massif à l’endettement et à la vente d’actifs publics
Depuis le début de l’année 2023, la production de pétrole de l’Angola n’atteint pas la cible fixée par le gouvernement et recule par rapport à 2022, ce qui pénalise fortement la croissance économique. Combinée à la baisse du cours du brent, cette sous-performance fragilise les comptes extérieurs du pays qui doit, par ailleurs, faire face à des remboursements de dette extérieure particulièrement élevés. La liquidité en dollars s’est donc dégradée au deuxième trimestre 2023 et le kwanza s’est fortement déprécié. La solvabilité du gouvernement s’est également détériorée. Pour y remédier, les autorités ont annoncé début août des coupes budgétaires importantes
Eco Emerging est la revue trimestrielle consacrée à l’économie des pays émergents. Rédigée par les économistes de l’équipe Economies émergentes et Risque pays des Etudes économiques de BNP Paribas, cette publication propose un tour d’horizon de la conjoncture économique d’une sélection de pays à travers de l’analyse des principaux indicateurs conjoncturels.
Chaque économiste appuie son analyse sur les données trimestrielles (PIB réel, inflation, solde budgétaire, dette publique, réserves de change, etc.). Chacun suit l’évolution des indicateurs économiques. Parmi les principales thématiques abordées citons la production industrielle, le produit intérieur brut (PIB) trimestriel et les prévisions d’inflation avec l’évolution des prix à la consommation (IPC) et ceux des prix à la production (IPP), ou encore les chiffres de l’emploi et du chômage, du marché de l’immobilier, ou l’opinion des acteurs (confiance des ménages, climat des affaires). L’auteur commente les principaux facteurs qui orientent et déterminent l’activité économique du pays étudié et les perspectives conjoncturelles.
Cette publication permet de brosser le tableau d’une économie émergente au regard des indicateurs du trimestre écoulé et de se tourner vers l’avenir pour mieux comprendre et anticiper les principales problématiques économiques du pays étudié.