Après s’être financé durant des années auprès des marchés internationaux et de la Chine, le Kenya fait face à une hausse considérable du service de la dette extérieure, qui a entraîné de fortes pressions sur la liquidité extérieure et sur le shilling. La croissance soutenue de 2021-2022 n’a pas suffi à stabiliser les ratios d’endettement. Le soutien des créanciers multilatéraux, renouvelé fin mai 2023, a permis de reconstituer partiellement les réserves officielles de change et de rassurer quelque peu les investisseurs. Mais le risque d’instabilité sociale a nettement augmenté en raison des efforts engagés de consolidation budgétaire et d’une inflation élevée persistante.
L’économie ivoirienne semble avoir bien résisté aux différents chocs externes depuis 2020. La croissance est restée robuste et l’inflation relativement maîtrisée. Cependant, les mesures mises en place par les autorités pour protéger la population et la poursuite des grands chantiers d’infrastructures publiques ont fortement creusé le déficit budgétaire alors que les conditions de financement se dégradaient. Afin de réduire les pressions sur les finances publiques et les comptes extérieurs, les autorités ont fait appel au FMI. Elles se sont engagées dans un programme de consolidation budgétaire qui pourrait s’avérer délicat à mener à bien.
Le scénario d’un ralentissement de la croissance du PIB dans les économies émergentes en 2023 repose sur deux hypothèses : le ralentissement du commerce mondial et l’impact récessif du diptyque inflation/resserrements monétaires. La première hypothèse n’en est plus une : les exportations se sont bel et bien contractées au cours des derniers mois pour les pays avancés comme pour les pays émergents. Les causes sont pour partie circonstancielles et on peut espérer que le coup de froid sur le commerce mondial ne soit que conjoncturel. Mais il est possible que le découplage États-Unis/Chine en matière de politique commerciale et technologique y contribue.
La croissance économique chinoise ré-accélère depuis fin janvier, tirée principalement par les services et la consommation des ménages. Le redressement de l’activité du secteur manufacturier est plus modéré. Dans l’immobilier, la crise s’atténue. Ces améliorations vont se poursuivre à court terme. Les freins à la croissance restent néanmoins importants ; ils découlent de l’affaiblissement de la demande mondiale et des tensions géopolitiques, des difficultés financières des promoteurs immobiliers ainsi que des collectivités locales et de leurs véhicules de financement. Au-delà, c’est la question d’une perte de confiance durable du secteur privé chinois qui se pose.
La croissance économique a ralenti en 2022 mais elle reste solide. Les perspectives pour l’année 2023/2024 sont favorables même si la croissance devrait décélérer d’environ 1 point de pourcentage. À court terme, les principaux risques sur l’activité sont liés à la hausse des prix qui pourrait contraindre la banque centrale à durcir davantage sa politique monétaire. La survenue du phénomène météorologique El Niño pourrait également constituer un facteur négatif. En dépit du ralentissement de la croissance et de la hausse des taux d’intérêt (48% des crédits sont à taux variables), les banques et les entreprises restent bien plus solides qu’à la fin de l’année 2019
Au cours des douze derniers mois, la situation économique du Pakistan s’est très sensiblement dégradée. Confronté à une crise de balance des paiements, le gouvernement a dû prendre d’importantes mesures pour tenter de contenir la baisse des réserves de change et répondre aux exigences du FMI afin de recevoir les fonds indispensables pour ne pas faire défaut sur sa dette extérieure. Les restrictions sur les importations, la forte hausse des taux directeurs, la dépréciation de la roupie et la réduction drastique des dépenses budgétaires ont lourdement pesé sur la croissance et provoqué une très forte hausse des pressions inflationnistes. Depuis février 2023, la position extérieure s’est améliorée très légèrement
La croissance coréenne a marqué le pas au dernier trimestre 2022. Le ralentissement devrait se poursuivre en 2023. Les exportations souffriront du ralentissement de la demande mondiale, tandis que la demande interne sera pénalisée par la hausse des taux d’intérêt et la persistance de l’inflation. Les risques d’instabilité financière restent limités, mais ont augmenté au cours des derniers mois. La dette des ménages est élevée, à près de 110% du PIB, et les ménages sont largement exposés à une hausse des taux d’intérêt. 76% des prêts aux ménages étant toujours contractés à taux variable. Les risques de crédit potentiels seraient toutefois limités aux ménages les plus vulnérables.
En dépit de la guerre en Ukraine, l’économie polonaise a enregistré une croissance annuelle relativement solide en 2022. Elle a été néanmoins très erratique avec de fortes baisses au T2 et au T4. Pour 2023, malgré un acquis de croissance négatif, la récession sera probablement évitée en raison du maintien du soutien budgétaire. Les pressions inflationnistes restent fortes à court terme en raison des pressions salariales et du retour du taux de TVA sur l’énergie à son taux initial. Le blocage temporaire des fonds européens depuis 2022 peut, a priori, susciter des inquiétudes dans un contexte où les comptes publics et externes restent dégradés. Toutefois, l’afflux d’investissements directs étrangers constitue un amortisseur notable. En 2022, ces flux ont plus que compensé le déficit courant
Les appels du pied de l’exécutif aux autorités monétaires pour abaisser les taux alimentent les débats sur la cible d’inflation, l’indépendance de la Banque centrale et le bon dosage du policy mix. L’opposition grandissante entre les deux parties rend la trajectoire de la politique économique plus incertaine, ce qui pèse sur les anticipations d’inflation. Soucieux de créer les conditions favorables à un assouplissement monétaire, le gouvernement a accéléré la présentation de sa réforme du mécanisme de contrôle budgétaire. Après un repli au T4 2022, l’économie devrait renouer temporairement avec la croissance au T1 2023, tirée par une production agricole exceptionnelle. Le ralentissement – engagé au deuxième semestre 2022 – devrait toutefois se poursuivre sur le reste de l’année
La croissance devrait nettement ralentir en 2O23. La relative résistance de la consommation privée ne suffira pas à compenser le ralentissement de la demande extérieure, en particulier en provenance des États-Unis. En outre, les perspectives d’investissement restent limitées. À moyen terme, l’économie mexicaine pourrait bénéficier de la relocalisation des entreprises américaines, tendance récemment accélérée par les perturbations des chaînes de valeur liées à la pandémie et les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis. Pour en tirer pleinement parti, le Mexique devra restaurer la confiance des investisseurs et respecter les engagements pris en matière de politique énergétique.
L’économie argentine est en pleine tourmente. La récession qui sévit depuis le dernier trimestre 2022 devrait se prolonger au moins au premier semestre 2023. Le secteur agricole joue de malchance avec, pour la troisième année consécutive, une sécheresse dont l’intensité est décuplée par le réchauffement climatique et l’arrivée de la grippe aviaire. L’inflation flambe, obligeant la banque centrale à durcir sa politique monétaire. En dépit des efforts budgétaires et du soutien du FMI, les pressions exercées sur la balance des paiements et les réserves de change s’accentuent. Le gouvernement multiplie les mesures pour préserver les réserves de change et éviter un défaut sur la dette extérieure vis-à-vis des créanciers officiels
La production pétrolière reste un facteur de volatilité de la croissance saoudienne comme en témoigne le repli attendu du PIB cette année. Néanmoins, l’économie hors pétrole bénéficie du dynamisme de l’investissement et de la consommation des ménages dans un contexte de transformation progressive de l’économie et du marché du travail. L’intervention de l’État et un effet de change favorable maintiennent l’inflation à un niveau modéré. Dans ce contexte économique favorable, le crédit bancaire au secteur privé est très dynamique, ce qui crée quelques tensions sur la liquidité bancaire. L’excédent budgétaire enregistré en 2022 ne devrait pas se reproduire cette année en raison du repli attendu des prix et de la production pétrolière
La crise s’installe en Égypte comme l’atteste la détérioration de l’ensemble des indicateurs macroéconomiques. L’activité ralentit dans un contexte d’inflation galopante causée notamment par la dépréciation du taux de change. La crise de la balance des paiements est rampante depuis un an, et le plan de soutien international initié par le FMI n’a pas permis de réduire les tensions sur la liquidité en devises. Malgré la forte hausse des taux nominaux sur les titres publics, les investisseurs internationaux restent prudents en raison du niveau très élevé de l’inflation et des anticipations de dépréciation du change. Le besoin de financement en devises restera élevé pendant encore au moins deux ans et le programme de privatisation n’y apportera qu’une réponse partielle
L’économie algérienne bénéficie d’une conjoncture favorable, quasi inédite depuis une décennie. L’année 2022 a ainsi été marquée par le retour des excédents jumeaux grâce à l’envolée des cours mondiaux des hydrocarbures et une modération inattendue du soutien budgétaire. Malgré un environnement international fragile, les perspectives 2023 sont bien orientées et les risques macroéconomiques sont contenus. Néanmoins, la persistance d’une inflation élevée est un risque à surveiller. Surtout, l’envolée des dépenses publiques prévue dans la loi de finances pourrait alimenter de nouveaux déséquilibres macroéconomiques à moyen terme sans pour autant soutenir fortement l’activité économique.
Après des années de sous-investissements dans son réseau électrique, l’Afrique du Sud subit des délestages électriques quotidiens dont l’intensité n’a fait qu’augmenter sur les derniers mois. L’activité économique s’en trouve fortement impactée. Le rétablissement des capacités de production d’électricité sera lent, ce qui pèsera fortement en 2023 sur la croissance et sur la balance commerciale. Les contraintes sur l’offre contribueront à maintenir une inflation élevée, tandis que le taux de chômage est préoccupant. Dans ces conditions, le parti au pouvoir, l’ANC, sera poussé à revoir à la baisse sa trajectoire de consolidation budgétaire. Par ailleurs, la reprise partielle de la dette de l’entreprise d’électricité Eskom contribuera à augmenter fortement la dette publique.
Au cours des tous derniers mois 2022, les marchés actions des principales places émergentes font preuve d’un peu plus d’optimisme. Ils parient sur une relance de la croissance en Chine après la levée des restrictions sanitaires, sur l’effet positif de la baisse des prix des matières premières pour les pays importateurs et sur un impact moins sévère qu’anticipé du durcissement monétaire américain et de l’appréciation du dollar. Les deux premiers arguments sont fragiles et doivent être relativisés. Quant au choc financier, il est probablement derrière nous en effet. Mais ses conséquences négatives sur l’investissement persisteront cette année
L’abandon soudain et mal préparé de la politique zéro Covid début décembre 2022 a plongé la Chine dans de nouvelles turbulences. La forte vague épidémique a gêné la production du secteur manufacturier et retardé, une nouvelle fois, le redressement de la consommation privée et de l’activité dans les services. Toutefois, en supposant un reflux de l’épidémie à partir de février 2023, la demande intérieure devrait enfin rebondir, aidée par des mesures supplémentaires de soutien monétaire et budgétaire. En revanche, les exportations devraient rester pénalisées par la faiblesse de la demande mondiale. Alors que l’excédent courant devrait se réduire en 2023, l’évolution des flux de capitaux est plus incertaine.
L’économie indienne a bien résisté à l’environnement extérieur en 2022 mais elle ralentit en raison notamment des pressions inflationnistes. Sur l’année fiscale qui s’achèvera en mars 2023, le déficit budgétaire pourrait excéder la cible initiale, mais le dépassement devrait être marginal et le ratio de la dette rapportée au PIB devrait poursuivre sa décrue. Les risques de refinancement de l’État restent contenus. En revanche, les tensions sur les comptes extérieurs devraient rester relativement fortes, en raison, notamment, de la baisse des exportations dans un contexte international défavorable. Pour autant, la banque centrale devrait être en mesure de contenir la dépréciation de la roupie
La Malaisie a bien résisté à l’environnement international en 2022. La croissance économique pourrait avoir dépassé 8% et les finances publiques se sont consolidées grâce à l’augmentation des revenus pétroliers. Par ailleurs, même si les comptes extérieurs ont été fragilisés par les sorties de capitaux et la hausse des importations, le solde du compte courant est resté excédentaire et le ringgit s’est modérément déprécié contre le dollar sur l’ensemble de l’année. Les perspectives pour 2023 sont moins favorables. La croissance devrait décélérer compte tenu du durcissement monétaire et du ralentissement économique mondial. Les risques sur les finances publiques restent contenus même si la dette demeure supérieure au niveau d’avant crise
Le gouvernement philippin a maintenu les restrictions sanitaires liées à la pandémie pour une durée plus longue que la moyenne des pays émergents, certaines régions étant restées confinées jusqu’en avril 2022. La phase de rebond de l’activité n’est pas encore terminée. La vigueur de la consommation des ménages, toujours alimentée par les transferts des travailleurs étrangers, devrait permettre de compenser les effets de la hausse de l’inflation et du ralentissement de la croissance mondiale. La croissance devrait ralentir en 2023 mais resterait soutenue. Toutefois, les séquelles laissées par la crise et les mesures sanitaires pèsent sur les perspectives de moyen terme.
Le Vietnam a bénéficié d’un solide redressement de sa croissance économique en 2022, soutenu par le dynamisme du secteur exportateur et de la demande intérieure. Cependant, le pays s’est aussi révélé de plus en plus vulnérable à la dégradation de l’environnement international. Les exportations ont chuté au T4 2022 et ces difficultés devraient persister à court terme. L’inflation a accéléré en 2022, le dong s’est déprécié sous l’effet du durcissement monétaire américain et de sorties de capitaux, et la Banque centrale a commencé à augmenter ses taux directeurs. À ceci s’est ajouté un choc de confiance provoqué par des révélations de fraude sur le marché obligataire local. Dans ce contexte, des tensions sur la liquidité sont apparues dans le secteur financier
La Turquie bénéficie d’une accalmie financière depuis la mi-2022 avec une plus grande stabilité du taux de change par rapport au premier semestre, une baisse des primes de risque et des rendements obligataires. La croissance a stagné au T3 2022 mais l’inflation mensuelle ralentit et les indicateurs conjoncturels disponibles sur le T4 2022 restent bien orientés. Pour 2023, un essoufflement est inévitable compte tenu du ralentissement de l’activité attendu chez les principaux partenaires commerciaux du pays. Mais la demande intérieure pourrait atténuer le choc extérieur et la baisse des prix du pétrole devrait permettre de réduire le déficit courant
L’activité économique s’est affaiblie au troisième trimestre. Les perspectives restent sombres à court terme. Depuis septembre dernier, la Banque centrale a mis fin à son cycle de resserrement monétaire face aux risques baissiers pesant sur la croissance. Cette politique est actuellement peu compatible avec la trajectoire de l’inflation. Par ailleurs, la politique budgétaire s’est durcie dès le second semestre en raison de la nette dégradation du déficit budgétaire. Le blocage des fonds européens par l’Union européenne en 2022, privant les autorités hongroises d’une source de revenus, a sans doute pesé dans leur décision. Ce recalibrage limite, certes, le soutien à la croissance, mais renforce la crédibilité de la politique budgétaire.
La croissance du PIB a été résiliente au cours des trois premiers trimestres de l’année 2022 mais devrait nettement ralentir en 2023. L’inflation sera un élément important à surveiller puisque la stabilité des prix fait partie des critères de convergence économique pour l’adhésion future de la Bulgarie au sein de la zone euro à horizon 2024. Autre point de vigilance, la scène politique reste sujette aux incertitudes au regard des nombreux changements de gouvernement des 20 derniers mois. L’investissement a pâti de cette situation. Pour autant, l’engagement des autorités vis-à-vis des réformes ne semble pas avoir été affecté.
Les performances économiques israéliennes ont été particulièrement bonnes en 2022 et restent supérieures à la moyenne des autres pays de l’OCDE. La croissance a été très soutenue grâce au dynamisme de la consommation et de l’investissement, tandis que l’exercice budgétaire devrait se conclure par un excédent. Bien que relativement modérée, l’inflation a accéléré au cours de 2022, et a contraint la Banque centrale à significativement durcir sa politique monétaire. Dans ce contexte plus défavorable à la consommation et à l’investissement, l’activité devrait ralentir cette année. Par ailleurs, la dépréciation continue du shekel a été un facteur inflationniste supplémentaire
Eco Emerging est la revue trimestrielle consacrée à l’économie des pays émergents. Rédigée par les économistes de l’équipe Economies émergentes et Risque pays des Etudes économiques de BNP Paribas, cette publication propose un tour d’horizon de la conjoncture économique d’une sélection de pays à travers de l’analyse des principaux indicateurs conjoncturels.
Chaque économiste appuie son analyse sur les données trimestrielles (PIB réel, inflation, solde budgétaire, dette publique, réserves de change, etc.). Chacun suit l’évolution des indicateurs économiques. Parmi les principales thématiques abordées citons la production industrielle, le produit intérieur brut (PIB) trimestriel et les prévisions d’inflation avec l’évolution des prix à la consommation (IPC) et ceux des prix à la production (IPP), ou encore les chiffres de l’emploi et du chômage, du marché de l’immobilier, ou l’opinion des acteurs (confiance des ménages, climat des affaires). L’auteur commente les principaux facteurs qui orientent et déterminent l’activité économique du pays étudié et les perspectives conjoncturelles.
Cette publication permet de brosser le tableau d’une économie émergente au regard des indicateurs du trimestre écoulé et de se tourner vers l’avenir pour mieux comprendre et anticiper les principales problématiques économiques du pays étudié.