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Pologne : Résilience

13/04/2023
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En dépit de la guerre en Ukraine, l’économie polonaise a enregistré une croissance annuelle relativement solide en 2022. Elle a été néanmoins très erratique avec de fortes baisses au T2 et au T4. Pour 2023, malgré un acquis de croissance négatif, la récession sera probablement évitée en raison du maintien du soutien budgétaire. Les pressions inflationnistes restent fortes à court terme en raison des pressions salariales et du retour du taux de TVA sur l’énergie à son taux initial. Le blocage temporaire des fonds européens depuis 2022 peut, a priori, susciter des inquiétudes dans un contexte où les comptes publics et externes restent dégradés. Toutefois, l’afflux d’investissements directs étrangers constitue un amortisseur notable. En 2022, ces flux ont plus que compensé le déficit courant.

Consommation en berne en 2023

PRÉVISIONS

Parmi les pays d’Europe centrale, la Pologne a enregistré la meilleure performance économique en 2022, et ce, malgré plusieurs chocs successifs. L’économie a progressé de 5,2% en rythme annuel après 6,7% en 2021. La Hongrie et la Roumanie suivent de près avec respectivement une croissance de leur PIB à hauteur de 4,8% et 4,4% en moyenne.

Cette bonne performance de l’économie polonaise est à relativiser toutefois, au regard de la nette dégradation de l’activité économique au quatrième trimestre. Le PIB a reculé de 2,4% t/t en comparaison de +1,0% et -2,3% les trimestres précédents.

La croissance a été principalement tirée vers le bas par le déstockage et la consommation des ménages. En revanche, l’investissement et les exportations nettes ont apporté une contribution positive.

POLOGNE : CROISSANCE DES SALAIRES ET INFLATION

Plusieurs éléments laissent penser que la consommation des ménages, principal moteur de la croissance, resterait en berne ces prochains mois.

En effet, le marché de l’emploi montre depuis peu quelques signes d’affaiblissement avec une légère remontée du taux de chômage à 5,5% en février 2023 contre 5,2% en septembre dernier. Le pouvoir d’achat du revenu des ménages a été affecté par la montée de l’inflation tout au long de 2022 et ne devrait guère s’améliorer à court terme.

Si la revalorisation du salaire minimum a été importante (+15,9% au 1er janvier 2023, puis + 3,2% de nouveau en juillet pour atteindre 3 600 zlotys par mois), la hausse des salaires dans les entreprises (+13,6% en g.a en février) est en retard sur l’inflation. La progression des salaires réels dans le secteur privé, devenue négative depuis août, le resterait probablement ces prochains mois.

Par ailleurs, la compensation de la perte du pouvoir d’achat par l’épargne reste limitée. Malgré une épargne accumulée pendant la crise de la Covid-19 et partiellement mobilisée pour compenser les pertes de pouvoir d’achat, il est peu probable que les ménages réduisent leur taux d’épargne, déjà très bas (4,5% en septembre 2022 contre 11% en moyenne en 2020), au-delà de ce besoin de compensation. La confiance des ménages reste d’ailleurs dégradée.

L’investissement va sans doute s’affaiblir cette année en raison des incertitudes liées aux élections législatives prévues à l’automne prochain et du renchérissement des coûts du crédit. Les exportations devraient pâtir du ralentissement attendu chez les principaux partenaires commerciaux même si la confiance dans l’industrie (indices de la Commission européenne et indice PMI) a plutôt eu tendance à s’améliorer depuis plusieurs mois, dans la lignée de celle observée en zone euro.

L’économie polonaise échapperait cependant à la récession grâce au maintien du soutien budgétaire et devrait s’améliorer à partir de 2024 à mesure que l’inflation se résorbe et que l’économie mondiale se redresse.

Vers un reflux de l’inflation

POLOGNE : COMPTE COURANT ET FLUX D’IDE

La Pologne comme plusieurs pays d’Europe centrale continuent d’enregistrer une forte inflation. Après 14,4% en moyenne sur l’année 2022, cette dernière a atteint 18,4% en rythme annuel en février. Cette montée des prix est principalement la conséquence du rétablissement du taux de TVA sur l’énergie à 23% au 1er janvier 2023. Celui-ci avait été abaissé temporairement à 8% en février 2022 jusqu’à fin décembre. En guise de compensation, les autorités ont annoncé un gel tarifaire sur le prix du gaz au niveau de 2022 pour l’ensemble des ménages et les services publics, comme c’est le cas pour l’électricité. En mars, l’inflation a légèrement baissé (+16,2%) en première estimation. Quant à l’inflation sous-jacente, elle s’auto-alimente en raison des fortes pressions salariales.

La relative détente des prix des matières premières agricoles et énergétiques sur les marchés mondiaux plaide pour la poursuite du reflux de l’inflation. Les épisodes de sécheresse à l’échelle mondiale pourraient néanmoins créer de nouvelles tensions sur les cours des matières premières agricoles à court terme.

Au total, l’inflation resterait à deux chiffres cette année encore, puis baisserait graduellement en 2024. Il est peu probable qu’elle revienne dans la zone cible de 1,5-3,5% de la Banque centrale d’ici 2025.

En dépit des pressions inflationnistes, la politique monétaire est devenue moins restrictive. Après avoir relevé le taux directeur de 450 points de base sur les 9 premiers mois de 2022, la Banque centrale de Pologne a, depuis, maintenu un statu quo monétaire.

Le dernier communiqué ne donne pas de signaux sur la conduite future de la politique monétaire mais les préoccupations sur la croissance semblent indiquer la fin du cycle de resserrement monétaire. Compte tenu de l’inflation, d’une politique monétaire devenue moins restrictive et des incertitudes liées aux résultats des élections législatives, le zloty devrait a priori se déprécier cette année encore après une baisse limitée de 2,6% vis-à-vis de l’euro en 2022. Toutefois, les interventions probables de la Banque centrale sur le marché des changes aideront à limiter les pressions baissières. Depuis le 1er janvier 2023, le zloty est resté plus ou moins stable contre l’euro.

Le blocage temporaire des fonds européens est gérable

Les fonds européens qui constituent une source de financement non négligeable, sont toujours bloqués par l’UE car l’avancée des réformes judiciaires est encore jugée insuffisante. Ces fonds sont estimés à EUR 35 milliards dans le cadre du plan pour la relance et la résilience et de EUR 76,5 mds dans le cadre du Budget de 2021-2027.

Pour autant, l’absence temporaire des fonds européens ne présente pas d’inquiétudes majeures malgré la dégradation des comptes externes et publics. L’économie polonaise continuerait de faire preuve de résilience compte tenu des fondamentaux macroéconomiques solides et d’atouts structurels.

Le pays est une destination attractive pour les investissements directs étrangers (IDE) qui constituent une source de financement stable. En volume, le stock d’IDE reçu par la Pologne, à EUR 291,3 mds au T32022, dépasse de loin celui des autres pays d’Europe centrale, même si la situation est plus contrastée en comparaison du PIB. En 2022, les flux nets d’IDE en Pologne ont même continué de progresser pour atteindre EUR 26 mds (4% du PIB) après EUR 23,4 mds en 2021. Sur la période récente, l’afflux des IDE peut s’expliquer par la relocalisation de l’activité productive au sein des pays d’Europe centrale face aux chocs d’approvisionnement en lien avec le choc Covid-19 et les mesures protectionnistes mises en place par les États-Unis depuis 2018 à l’encontre de la Chine. Les flux d’IDE ont largement permis de financer le déficit courant, ressorti à EUR 19,5 mds sur la même période.

Le compte courant, structurellement déficitaire, a atteint -3,1% du PIB en 2022, principalement en raison de la dégradation de la balance commerciale et des revenus primaires. Sans l’excédent de la balance des services, le déficit courant aurait été plus prononcé. Pour autant, les ratios de liquidité et de solvabilité externes sont solides. Les réserves de change sont confortables à EUR 158,2 mds en février 2023 et le pays en a même accumulé en 2022 (+EUR9,9mds). Elles couvrent environ 5 mois d’importations. Au cours des deux prochaines années, une amélioration de la balance courante est à prévoir en raison d’un allègement de la facture énergétique et alimentaire. De même, le rebond de l’économie mondiale à cet horizon devrait aussi contribuer à cette amélioration du compte courant.

Du côté des finances publiques, la consolidation budgétaire a été mise à l’arrêt temporairement pour atténuer les chocs subis par l’économie depuis 2020. En 2022, le déficit budgétaire, estimé à 3% du PIB, est moins prononcé que prévu, en partie grâce à la bonne tenue des recettes fiscales.

En 2023, le déficit budgétaire devrait être plus élevé. Les autorités anticipent un déficit d’environ 4,5% du PIB dans le budget de 2023 en raison du maintien des mesures de soutien aux ménages, incluant entre autres, les subventions énergétiques et les gels de prix de certaines denrées alimentaires. Il est également prévu une forte hausse de leurs dépenses militaires, de l’ordre de 4% du PIB en 2023 après 2,4% en 2022. Le contexte électoral, s’accompagnant en général de mesures généreuses, devrait aussi peser sur les comptes publics.

La hausse du taux des obligations d’État ne pose aucune inquiétude en matière de soutenabilité de la dette publique. La charge d’intérêts rapportée aux recettes fiscales, demeure très faible à 6,9%. La majorité de la dette déjà émise par les autorités polonaises est à taux fixe (71,5% fin 2022) de sorte que le taux d’intérêt apparent ne serait que progressivement affecté par la hausse des rendements obligataires. Seules les obligations indexées sur l’inflation et les obligations à taux variable le seront mais elles ne représentent que 28,5% de la dette. Rappelons que le ratio dette publique rapporté au PIB, estimé à 48,6% du PIB, est parmi le plus faible de l’Union européenne, et ne doit pas dépasser 60%, selon la Constitution.

Achevé de rédiger le 4 avril 2023

Cynthia Kalasopatan

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