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Pakistan : Le risque de défaut reste très élevé

13/04/2023
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Au cours des douze derniers mois, la situation économique du Pakistan s’est très sensiblement dégradée. Confronté à une crise de balance des paiements, le gouvernement a dû prendre d’importantes mesures pour tenter de contenir la baisse des réserves de change et répondre aux exigences du FMI afin de recevoir les fonds indispensables pour ne pas faire défaut sur sa dette extérieure. Les restrictions sur les importations, la forte hausse des taux directeurs, la dépréciation de la roupie et la réduction drastique des dépenses budgétaires ont lourdement pesé sur la croissance et provoqué une très forte hausse des pressions inflationnistes. Depuis février 2023, la position extérieure s’est améliorée très légèrement. Elle reste toutefois très fragile et le risque de défaut est toujours très élevé.

Risque de refinancement extérieur très élevé

Les comptes extérieurs du Pakistan, structurellement fragiles, se sont très fortement dégradés au cours des 18 derniers mois conduisant le pays au bord d’une crise de balance des paiements. Fin mars 2023, la liquidité extérieure s’est stabilisée mais les risques de refinancement restaient encore très élevés.

PRÉVISIONS

Le Pakistan est vulnérable à l’environnement extérieur. Il dépend des prêts accordés par les créanciers bilatéraux et multilatéraux pour couvrir ses importants besoins de financement extérieurs. Son déficit courant est structurellement beaucoup trop élevé (3,1% du PIB sur la période 2017-2021) au regard des investissements directs étrangers (IDE), qui sont très insuffisants pour le couvrir. Ces derniers n’ont atteint que 0,7% du PIB en moyenne sur les cinq dernières années. Par ailleurs, les remboursements à court terme sur la dette extérieure sont structurellement très supérieurs aux réserves de change.

À ces fragilités structurelles, se sont ajoutées des difficultés conjoncturelles. Dès la mi-2021, les comptes extérieurs ont commencé à se dégrader en raison i) de la forte hausse des importations induite par la reprise de l’activité économique et notamment la demande de biens d’équipement et ii) de la hausse de la facture pétrolière (les prix et les volumes ont augmenté).

PAKISTAN : RÉSERVES DE CHANGE ET SOLDE DU COMPTE COURANT

La balance des paiements s’est détériorée encore davantage avec l’augmentation de l’ensemble des prix des matières premières générée par le conflit en Ukraine. Sur l’année budgétaire 2021/2022 (achevée fin juin 2022), le déficit courant a augmenté de 3,8pp pour atteindre 4,6% du PIB. Les réserves de change ont baissé de 45%.

Depuis l’été 2022, le déficit du compte courant s’est très fortement réduit, grâce, notamment, aux mesures adoptées par le gouvernement pour contenir la chute de ses réserves de change.

Les restrictions sur les biens importés (entre mai et juillet 2022, seuls les biens dits essentiels pouvaient être importés) et l’interdiction faite aux banques d’ouvrir des lettres de crédit aux entreprises des secteurs considérés comme non stratégiques entre mai et décembre 2022 (i.e. tous à l’exception de l’énergie et de l’alimentaire) ont permis de réduire les importations de 29,7% entre le deuxième et le quatrième trimestre 2022.

Aussi, en dépit de la contraction des exportations (en raison des contraintes sur la production industrielle et la chute des ventes de céréales et de coton générées par les inondations d’octobre 2022), le déficit du compte courant ne s’élevait plus qu’à USD1,1md au T4 2022 contre USD4,3mds au T2 2022. Par ailleurs, même si toutes les contraintes sur les importations ont officiellement été levées en janvier 2023, le faible niveau des réserves de change a, de facto, continué de contraindre les importations des entreprises.

Malgré la très forte baisse du déficit du compte courant (attendu à 1,5% du PIB sur l’année 2022/2023) et en dépit des prêts reçus du FMI et des organisations internationales à l’automne 2022 (USD2,7mds), les réserves de change du pays ont continuellement baissé jusqu’à atteindre l’équivalent de moins de trois semaines d’importations au début du mois de février 2023. La contraction des IDE (-40% sur les huit premiers mois de l’année budgétaire 2022/2023), les remboursements de prêts en devises et les interventions de la banque centrale pour soutenir sa monnaie sont à l’origine de cette dégradation.

Depuis la mi-février, la situation s’est très légèrement améliorée. Le gouvernement s’est finalement plié à l’exigence du FMI de laisser flotter librement la roupie et a reçu de nouveaux prêts de son principal créancier bilatéral, la Chine. Le 31 mars, les réserves de change de la banque centrale étaient estimées à USD4,2mds, soit une hausse de USD1,1md depuis le point bas de février 2023. Elles restent néanmoins très inférieures au niveau d’août 2021 (USD20,1mds) et très insuffisantes pour couvrir les besoins de financement extérieurs du pays, estimés selon le FMI, à USD7mds pour la seule période entre avril et juin 2023 (USD5mds selon les estimations du ministère des Finances, les prêts arrivant à maturité avec la Chine et les pays du Golfe ayant d’ores et déjà été renouvelés).

PAKISTAN : INFLATION, TAUX DIRECTEUR ET TAUX DE CHANGE

Le gouvernement attend toujours la conclusion de la neuvième revue de la facilité élargie de crédit avec le FMI (Extended Fund Facility), laquelle a été suspendue depuis novembre 2022 car le gouvernement ne respectait pas les exigences du fonds en matière de consolidation budgétaire. La conclusion de la revue permettrait de débloquer l’équivalent de USD 1,2 md sur les USD2,6mds auxquels le pays peut encore prétendre d’ici la fin du programme en cours (initialement fixé à juin 2023). Le déboursement des lignes de crédit pourrait par ailleurs permettre au Pakistan d’obtenir USD3,5mds de prêts supplémentaires de la part de prêteurs bilatéraux (en particulier l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis) et USD3,5mds de la part des prêteurs multilatéraux.

Bien que le risque d’un défaut sur la dette souveraine extérieure se soit légèrement éloigné (au moins temporairement), cette menace reste forte. Les agences de notation et le FMI estiment les besoins de financement en devises du pays proches de USD30mds par an au cours des trois prochaines années budgétaires (dont USD20-25mds au titre du seul paiement du service de la dette extérieure du gouvernement) alors que les réserves de change pourraient n’atteindre que USD12mds à la fin du mois de juin. La couverture des besoins de financement en devises à court et moyen terme restera fortement conditionnée à l’obtention de nouveaux prêts étrangers. L’environnement politique instable et le niveau très élevé des rendements sur les obligations d’État ne permettent pas au gouvernement d’émettre aujourd’hui sur les marchés financiers internationaux (les rendements à dix ans s’élevaient à 15,8% fin mars 2023).

Forte décélération de la croissance

La croissance économique sur l’exercice budgétaire 2022/2023 devrait ralentir à seulement 1% contre 6% l’année dernière. La demande intérieure a été fortement pénalisée par la hausse des taux d’intérêt (la banque centrale a augmenté son taux repo de 1025 pbs entre avril 2022 et mars 2023), la forte augmentation des prix domestiques (+26,2% entre juillet 2022 et février 2023) et les contraintes d’approvisionnement liées aux restrictions sur les importations. Par ailleurs, pour répondre aux exigences du FMI et consolider ses finances publiques, le gouvernement a été contraint de supprimer toutes ses subventions en particulier sur les prix de l’énergie, pénalisant lourdement le secteur industriel dont les coûts de production ont très fortement augmenté. De plus, la forte dépréciation de la roupie face au dollar (-34,2% en février en g.a.) a également augmenté le coût des matières premières importées et fragilisé encore davantage les ménages et les entreprises. Pour finir, la production agricole (22,7% du PIB) et, en particulier, celle du coton dont dépend l’industrie textile (les exportations de produits textile et de coton représentaient 46% et 11,8% des exportations totales du pays en 2021) a fortement baissé avec les inondations.

Consolidation en cours des finances publiques dans le cadre d’un programme de rigueur imposé par le FMI

Les finances publiques sont structurellement fragiles en raison i/ d’un niveau de déficit et de dette élevé (au cours des cinq dernières années le déficit budgétaire a atteint en moyenne 7,7% du PIB et la dette s’est élevée à 71,4% du PIB fin juin 2022), ii/ d’une base fiscale étroite, iii/ d’une charge d’intérêts très lourde (39,6% des recettes) et vulnérable aux variations de taux d’intérêt (19% de la dette domestique est à taux variable). De plus, au cours des cinq dernières années, l’exposition aux chocs de change s’est accrue car la part de sa dette extérieure a augmenté de 7,3 pp pour atteindre 37,7% de sa dette totale en janvier 2023.

Au cours de l’année 2021/2022, les finances publiques se sont dégradées davantage (le déficit a augmenté de 1,8 pp à 7,9% du PIB) car le ministère des Finances a fortement subventionné les prix de l’énergie et de l’alimentaire tout en augmentant les salaires des fonctionnaires et en adoptant de nombreuses exemptions fiscales.

Depuis l’été 2022, le gouvernement a adopté une politique budgétaire restrictive pour consolider ses finances et ainsi répondre aux exigences du FMI. Les subventions sur l’électricité et le gaz ont été supprimées, les prix du fioul ont été augmentés et les exemptions fiscales totalement levées. Sur la première partie de l’année budgétaire 2022/2023, les recettes ont augmenté de 18,8% par rapport à la même période l’année dernière, et ce, en dépit du ralentissement économique. Bien qu’en baisse, le déficit budgétaire devrait toutefois rester proche de 7% du PIB sur l’année 2022/2023 en raison, notamment, d’une forte hausse des charges d’intérêts (+1 pp à 5,8% du PIB), lesquelles vont atteindre le niveau très élevé de 46,9% des recettes.

Toutefois, la situation économique oblige le gouvernement à tempérer la rigueur budgétaire avec l’annonce, mi-mars, de subventions sur les prix de l’essence en faveur des ménages les plus défavorisés. Si elle était confirmée, cette mesure pourrait, une fois encore, retarder le déblocage des fonds par le FMI. Pour autant, il n’est pas sûr qu’elle puisse empêcher le renversement du gouvernement lors des élections législatives prévues en octobre 2023. Dans un tel cas de figure, l’adoption d’un nouveau programme de soutien de la part du FMI, qui semble pourtant indispensable pour éloigner durablement le risque d’un défaut du souverain sur sa dette extérieure, pourrait être menacé.

Achevé de rédiger le 4 avril 2023

Johanna Melka

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