La croissance du PIB a été résiliente au cours des trois premiers trimestres de l’année 2022 mais devrait nettement ralentir en 2023. L’inflation sera un élément important à surveiller puisque la stabilité des prix fait partie des critères de convergence économique pour l’adhésion future de la Bulgarie au sein de la zone euro à horizon 2024. Autre point de vigilance, la scène politique reste sujette aux incertitudes au regard des nombreux changements de gouvernement des 20 derniers mois. L’investissement a pâti de cette situation. Pour autant, l’engagement des autorités vis-à-vis des réformes ne semble pas avoir été affecté.
Au troisième trimestre, la croissance du PIB est restée positive malgré les multiples chocs induits par la guerre en Ukraine. L’activité économique a progressé de 0,6% en variation trimestrielle simple (3,3% en g.a.) après 0,8% et 0,4% les trimestres précédents.
Si la consommation des ménages et les exportations nettes ont apporté une contribution positive à la croissance, l’investissement et la variation de stocks ont, en revanche, œuvré à la baisse. La consommation des ménages a plutôt bien résisté au cours des trois premiers trimestres de 2022, et ce, en dépit de la forte hausse des prix à la consommation.
Cette résilience a été favorisée par la progression des salaires et les mesures budgétaires en faveur des ménages (et des entreprises) face à la hausse des prix dans le secteur énergétique. L’investissement a, quant à lui, été affecté par les incertitudes politiques qui règnent sur le plan domestique avec la tenue de quatre élections ces 20 derniers mois.
La croissance économique sera relativement solide en 2022 avec un acquis de 3,7% à la fin du troisième trimestre. Au contraire, les perspectives sont nettement amoindries en 2023. Les débouchés extérieurs vont s’affaiblir en raison du ralentissement attendu de la zone euro, principal partenaire commercial de la Bulgarie. De même, la demande intérieure, notamment la consommation, devrait ralentir.
Des indicateurs conjoncturels en berne
Les indicateurs conjoncturels montrent des signes d’affaiblissement. La confiance des ménages s’est dégradée depuis plusieurs mois, et la croissance des ventes au détail a ralenti à 0,5% en rythme annuel en octobre après 1,8% et 2,0% les deux mois précédents. Le secteur automobile a enregistré un vif recul des ventes de véhicules ces derniers mois (-10,1% en glissement annuel en octobre, -10,8% en septembre).
Par ailleurs, le coût du crédit hypothécaire s’est renchéri avec la hausse des taux d’intérêt, dans un contexte où la quasi-totalité des crédits hypothécaires est contractée à taux variable. Cela va peser sur le budget des ménages. Point positif, le marché du travail reste encore dynamique avec un taux de chômage en amélioration depuis plusieurs mois. Il était de 4 % en octobre dernier contre 4,6% en janvier 2022.
L’activité industrielle s’est affaiblie depuis septembre. Par ailleurs, le pays n’est pas à l’abri d’un scénario de rationnement énergétique qui affecterait l’activité industrielle.
Certains éléments rassurent tout de même. Le gaz représente une part marginale du mix énergétique.
En revanche, le pétrole et le charbon interviennent à hauteur de 39 %. Le stockage de gaz a atteint 94% de sa capacité fin novembre. La Bulgarie n’importe plus de gaz en provenance de la Russie depuis avril 2022 mais elle a trouvé d’autres sources d’approvisionnement. L’Azerbaïdjan devrait lui fournir une partie de sa consommation annuelle. En outre, un nouveau gazoduc entre la Bulgarie et la Grèce est opérationnel depuis octobre 2022. Concernant le pétrole, le pays a obtenu une dérogation de l’Union européenne pour pouvoir importer du pétrole russe jusqu’à fin 2024.
Des critères de convergence en vue de l’adoption de l’euro en 2024
Le gouvernement bulgare visant l’adoption de l’euro au 1er janvier 2024, l’année 2023 sera déterminante. En effet, le rapport de convergence de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, attendu pour juin, statuera sur le respect ou non des 4 critères de convergence économique.
Ces critères concernent la stabilité des prix, la soutenabilité des finances publiques, la stabilité du taux de change et les taux d’intérêt à long terme. Lors de la publication du dernier rapport de convergence en juin 2022, la Bulgarie remplissait l’ensemble des conditions à l’exception de la stabilité des prix.
Cette année, les critères portant sur la stabilité du taux de change et sur les taux d’intérêt à long terme ne devraient pas poser de problèmes majeurs. En revanche, l’inflation et les comptes publics suscitent des interrogations. Il est attendu que le déficit budgétaire se dégrade davantage en 2023. L’inflation sera, quant à elle, un élément important à surveiller cette année. Selon les règles en matière de convergence, le taux d’inflation moyen sur un an ne doit pas excéder de plus de 1,5 point celui des trois pays membres les plus performants.
À titre de comparaison, la Croatie est entrée dans la zone euro au 1er janvier 2023 et a validé l’ensemble des critères de convergence l’an dernier. Dans l’avant-dernier rapport de convergence publié en 2020, le critère sur le change n’était pas rempli pour la Croatie.
Pressions inflationnistes élevées
Le taux d’inflation a accéléré depuis fin 2021 pour atteindre un point haut à 15,6% en glissement annuel en septembre dernier. Puis, il a fléchi pour s’établir à 14,8% en octobre et à 14,3% en novembre. La légère baisse de l’inflation s’explique par une moindre contribution du poste « énergie » en novembre.
En revanche, le poste « alimentation » continue de tirer l’inflation à la hausse. L’inflation sous-jacente a progressé de 10,3% et a apporté une contribution de six points à l’inflation globale.
Ces prochains mois, la contribution des postes « énergie » et « alimentation » devrait s’atténuer compte tenu de la relative détente des prix de l’énergie et des biens alimentaires sur les marchés internationaux.
Néanmoins, l’inflation sous-jacente restera sans doute élevée en raison des pressions salariales. En 2022, les salaires se sont inscrits en hausse avec une progression de 10% au troisième trimestre en g.a. après 7,2% et 8,6% les trimestres précédents.
Face à la montée des prix, la marge de manœuvre de la Banque centrale a été limitée. La conduite de la politique monétaire reste adossée à celle de la Banque centrale européenne. La Bulgarie a adopté le mécanisme de change européen depuis juillet 2020, en vue d’une future adhésion à la zone euro. Cela signifie que le lev bulgare est ancré à l’euro autour d’un cours pivot.
Par conséquent, l’ampleur du resserrement monétaire a été bien plus faible en Bulgarie que d’autres pays de la région. La hausse du taux directeur a été de 142 points de base en cumul en 2022, contre 1010 points de base en Hongrie ou encore 450 points de base en Pologne.
Au sein de la zone euro, la France, l’Espagne et la Finlande connaissent actuellement un taux d’inflation relativement plus faible que les autres États membres. Ces trois pays serviraient probablement de référence pour évaluer la convergence en matière de stabilité de prix.
La dégradation des comptes publics reste gérable
Le choc lié à l’épidémie de Covid-19 a fait basculer les comptes publics dans le rouge. Après plusieurs années d’excédent budgétaire, le déficit public a atteint 3,8% du PIB en 2020 et 3,9% en 2021. Le déficit restera élevé à court terme, reflétant les mesures de soutien mises en place par le gouvernement face au choc de prix dans les secteurs énergétique et alimentaire. Elles sont estimées à 5,3% du PIB en 2022 selon l’institut Bruegel.
Cette situation ne présente actuellement pas d’inquiétudes majeures pour la soutenabilité de la dette publique. Le ratio de dette publique rapporté au PIB de la Bulgarie (à 23,9%) est en effet le plus faible de la région après l’Estonie, et ne devrait pas dépasser 30% du PIB au cours des 3 prochaines années. Les comptes publics ont été bien gérés ces dernières années, la crédibilité de l’arrangement monétaire dans le cadre du mécanisme européen nécessitant, de fait, un renforcement des finances publiques.
Le gouvernement restera sans doute engagé dans le processus de consolidation budgétaire à court terme. Le coût de la dette reste abordable malgré la hausse récente des taux des obligations d’État. En 2021, la charge d’intérêts sur la dette restait faible, représentant 1,3% des recettes du gouvernement. D’autres facteurs tendent aussi à rassurer. En particulier, les fonds européens dans le cadre du plan pour la résilience, à hauteur de EUR 6,3 mds devraient contribuer à financer le budget.
Cynthia Kalasopatan