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Israël : Le bon élève économique de l'OCDE

17/01/2023
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Les performances économiques israéliennes ont été particulièrement bonnes en 2022 et restent supérieures à la moyenne des autres pays de l’OCDE. La croissance a été très soutenue grâce au dynamisme de la consommation et de l’investissement, tandis que l’exercice budgétaire devrait se conclure par un excédent. Bien que relativement modérée, l’inflation a accéléré au cours de 2022, et a contraint la Banque centrale à significativement durcir sa politique monétaire. Dans ce contexte plus défavorable à la consommation et à l’investissement, l’activité devrait ralentir cette année. Par ailleurs, la dépréciation continue du shekel a été un facteur inflationniste supplémentaire. La baisse du taux de change contre USD reflète le renforcement général du dollar mais également les opérations de gestion des investisseurs israéliens de leurs actifs en dollars. Les comptes externes restent solides, grâce à une forte compétitivité dans certains secteurs clés. L’évolution des comptes publics à court terme est plus incertaine. La mise en place récente du nouveau gouvernement retarde l’adoption d’un nouveau budget, ce qui en limitera l’impact positif sur l’activité économique.

Ralentissement économique modéré attendu pour 2023

L’activité économique est demeurée très soutenue en 2022. Les conséquences de la crise énergétique internationale ont été très limitées étant donné l’autosuffisance gazière du pays. Plus généralement, le leadership israélien dans certains secteurs de hautes technologies atténue la vulnérabilité aux variations de la conjoncture internationale.

Prévisions d'Israël

Au troisième trimestre 2022, le PIB a progressé de 5,8% en rythme annuel, confirmant le statut d’économie parmi les plus dynamiques des pays de l’OCDE (2,5% en moyenne pour les pays de l’OCDE).

Sur les trois premiers trimestres de l’année, la croissance a atteint 7,8%, soutenue principalement par la consommation des ménages et l’investissement (productif et immobilier).

Après une réduction continue depuis 2021, le taux de chômage est reparti légèrement à la hausse depuis juin 2022 mais reste très faible (3,9% en novembre dernier).

En raison notamment de l’accélération des pressions inflationnistes, l’évolution des salaires réels a été négative depuis octobre 2021.

Israël : contribution à la croissance

Parallèlement, le crédit à la consommation est peu dynamique en termes réels, il a progressé de 1,5% en glissement annuel en juin 2022. Par contre, le crédit immobilier aux ménages (environ 75% du crédit total) a progressé fortement (+14% en glissement annuel au cours du premier trimestre en termes réels).

L’investissement immobilier résidentiel a connu de ce fait une croissance à 2 chiffres au cours des deux dernières années (+18% sur T1-T3 2022 par rapport à la même période 2021 après (+15% sur l’année en 2021) ; il représentait environ 30% de l’investissement total en 2022. La progression des exportations de biens et services reste soutenue également (+13% en moyenne sur les quatre derniers trimestres), mais la contribution nette du commerce extérieur devrait être négative en 2022. Pour l’ensemble de l’année 2022, la Banque centrale d’Israël prévoit une croissance de 6,3%.

Les perspectives des deux prochaines années sont moins favorables. Étant donné le ralentissement attendu de l’activité au niveau mondial (le FMI prévoit une croissance de l’Union européenne, principal partenaire commercial d’Israël, de seulement 0,7% et d’à peine 1% pour les États-Unis), les exportations de biens et services devraient ralentir (+2% en 2023 selon la banque centrale). Par ailleurs, le durcissement des conditions monétaires sera un facteur de ralentissement de l’activité domestique, notamment de la consommation des ménages et de l’investissement immobilier. Néanmoins, la hausse des dépenses publiques annoncée par le nouveau gouvernement devrait être un élément de soutien, sous réserve du vote du nouveau budget dans des délais raisonnables et de la stabilité de la coalition gouvernementale. Dans ce contexte, la Banque centrale prévoit un repli de la croissance à 2,8% en 2023, avant une reprise modérée à 3,5% en 2024, en lien notamment avec la reprise de l’économie mondiale.

…malgré l'atténuation de l'inflation

Les pressions inflationnistes se sont accrues en 2022, mais sont restées largement en-deçà de la moyenne des autres pays de l’OCDE. Ce sont à la fois des facteurs intérieurs (hausse des prix de l’immobilier) et extérieurs (prix des carburants, des biens alimentaires et dépréciation du shekel) qui alimentent la hausse des prix. Celle-ci a atteint 5,3% en g.a en novembre

En 2023, les pressions inflationnistes devraient s’atténuer dans un contexte de modération attendue des prix du pétrole sur les marchés internationaux et de hausse des taux d’intérêt domestiques. L’inflation des prix des biens échangeables a déjà amorcé un repli depuis le plus haut de juillet dernier, en raison notamment de la baisse des prix des hydrocarbures. A contrario, l’inflation des biens non-échangeables (essentiellement les services intérieurs) continue de progresser, en raison notamment des tensions sur le marché immobilier. Selon la Banque centrale, en novembre dernier, les prix de l’immobilier résidentiel ont progressé de 20% en g.a. Néanmoins, même si la hausse des prix de l’immobilier devrait se poursuivre, la hausse des taux d’intérêt pourrait en atténuer l’ampleur.

Évolution du taux de change du shekel

Durcissement de la politique monétaire

En 2022, l’inflation est très largement sortie de la zone cible de la Banque centrale (1%-3%). Dans ce contexte, cette dernière a augmenté son principal taux d’intérêt de 365 bps depuis mars 2022 pour atteindre actuellement 3,75%, soit leur plus haut niveau depuis 2008.

La poursuite du durcissement monétaire est possible au moins jusqu’au premier trimestre 2023, mais devrait rester limitée étant donné le reflux attendu des pressions inflationnistes et les incertitudes pesant sur les perspectives de croissance.

Par ailleurs, la Banque centrale garde les moyens d’intervenir sur le marché des changes en cas de trop forte dépréciation du shekel. Si nécessaire, les moyens d’intervention de la Banque centrale sont significatifs puisque ses réserves de change s’élèvent à environ USD 200 mds, soit 15 mois d’importations de biens et services.

En 2022 le shekel s’est déprécié en g.a. de 12,5% contre l’USD et de 5,6% contre l’euro, alimentant les pressions inflationnistes. Les performances budgétaire et extérieure étant solides, et au-delà du mouvement général d’appréciation du dollar en 2022, c’est principalement l’évolution des marchés internationaux qui a favorisé la dépréciation du shekel. En effet, l’exposition des investisseurs institutionnels israéliens sur le marché des actions américaines les contraint, en cas de baisse des marchés, à répondre à des appels de marge et à maintenir leur objectif de niveau d’exposition de leur portefeuille aux actifs étrangers en achetant des actifs libellés en devises. La baisse de 20% de l’indice S&P500 en 2022 se traduit donc mécaniquement par des achats de dollar.

Des comptes extérieurs solides

Dans un environnement international difficile en 2022, les comptes extérieurs israéliens sont restés solides. Sur les onze premiers mois de 2022, le déficit commercial s’est creusé de 6% en raison principalement de la hausse de la facture pétrolière. Néanmoins, sur l’ensemble de l’année, le solde courant est attendu en excédent grâce à la poursuite de la hausse des exportations de services (principalement dans le secteur des hautes technologies) qui sont devenues depuis quelques années une des principales sources de revenus courants (environ 40% des revenus courants totaux). Le surplus courant devrait atteindre 4% du PIB en 2022.

En 2023, malgré le repli des prix des matières, le surplus courant devrait se replier à environ 3% du PIB en raison du ralentissement chez les principaux partenaires commerciaux. Mais a moyen terme, le surplus courant devrait s’élargir. Le développement de nouvelles capacités gazières et des énergies renouvelables (7,7% du mix énergétique en 2021 et un objectif de 30% en 2030) maintiendra une relative indépendance énergétique, et donc limitera les conséquences de possible nouveaux bouleversements sur le marché énergétique. Par ailleurs, les exportations de biens et services de haute technologie resterons un avantage structurel.

Concernant les flux de capitaux, la compétitivité de l’économie israélienne attire un volume important d’investissements étrangers, principalement dans les secteur des hautes technologies. Les investissements directs étrangers nets ont atteint 3,5% du PIB en moyenne entre 2017 et 2021. Ils devraient se maintenir à environ 2,5% du PIB en 2022 et 2023. Les flux d’investissements de portefeuille ont été aussi significatifs au cours de l’année 2022 (USD11,5 mds au cours de 3T 2022). Les fondamentaux de la balance des paiements restent donc solides et demeurent un élément de soutien du shekel à moyen terme.

Un déficit budgétaire contenu en 2023

Le budget du gouvernement est en excédent sur les onze premiers mois de 2022 et même si décembre est traditionnellement un mois de hausse sensible des dépenses, il devrait atteindre 0,3% du PIB sur l’ensemble de l’année. Ces bons résultats s’expliquent par la hausse des impôts directs et le repli des dépenses liées à la pandémie. La dette du gouvernement devrait se réduire à environ 61% du PIB en 2022.

Étant donné la formation récente de la coalition gouvernementale (fin décembre), le budget 2023 n’a pas encore été voté et un accord n’est pas attendu avant le deuxième trimestre au mieux, ce qui empêche le gouvernement actuel d’engager de nouvelles dépenses. Même si le ralentissement économique attendu impliquera une moindre progression des recettes budgétaires, la situation est favorable à une modération du déficit budgétaire. En 2023, il devrait s’élever à environ 2,5% du PIB, et le ratio de dette du gouvernement devrait continuer de se réduire (60% du PIB attendu) grâce à la croissance nominale du PIB.

Néanmoins, la contrainte politique pesant sur les dépenses budgétaires pourrait amplifier le ralentissement économique en privant la croissance d’un moteur nécessaire.

Achevé de rédiger le 12 janvier 2023

Pascal Devaux

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