Après une récession attendue en 2023, les perspectives de croissance sont plus favorables en 2024. L’activité économique devrait être portée à la fois par une amélioration de la demande intérieure et un léger rebond de la croissance en zone euro. Le cycle d’assouplissement monétaire initié fin 2023, devrait se poursuivre mais avec une certaine prudence, compte tenu de la persistance de fortes pressions salariales. Les comptes externes restent solides avec des réserves de change en hausse depuis plusieurs années. La Hongrie devrait afficher un excédent courant en 2023, après un déficit de -8,2% du PIB en 2022. Du côté des comptes publics, le déficit budgétaire reste dégradé et devrait dépasser les 5% du PIB en 2023. La Hongrie, comme de nombreux pays européens, fera probablement l’objet d’une procédure de déficit excessif en 2024.
Une récession en 2023, puis un rebond timide en 2024
La Hongrie figure parmi les économies les moins performantes dans la région avec une croissance négative attendue pour 2023. Sur les trois premiers trimestres de 2023, le PIB réel a reculé de 1,2% en g.a., principalement en raison d’une demande intérieure en berne (-6,0% en g.a. sur la même période). Le renchérissement du coût du crédit, et une forte inflation y ont largement contribué. Les exportations nettes de biens et services ont, quant à elles, contribué positivement à la croissance et n’ont que partiellement compensé la contraction de la demande intérieure.
Au T4 2023, l’activité économique est restée en demi-teinte à en juger par les indicateurs conjoncturels. D’un côté, la production industrielle est repassée en dessous de son niveau d’avant-crise de la Covid-19 en novembre et a même reculé dans l’ensemble des secteurs. Les nouvelles immatriculations de voitures, en recul depuis avril dernier poursuivent leur tendance baissière (-3,5% en 2023). D’un autre côté, les intentions d’achat des ménages en biens durables au cours des prochains mois ainsi que l’indice de confiance des ménages se sont améliorés. La progression du salaire réel dans le secteur manufacturier, devenue positive depuis août dernier (+1,3% en g.a. en août, +2,8% en septembre et +5,6% en octobre) plaide en faveur d’un rebond de la consommation.
En 2024, les perspectives de croissance devraient s’améliorer, mais elles resteraient modestes. La consommation sera soutenue par le reflux de l’inflation, la revalorisation des pensions (+6% en 2024 et versement d’une prime en février), du salaire minimum (+15% en décembre 2023) et des salaires pour certaines catégories de fonctionnaires (+32,2% pour les enseignants en janvier 2024, + 20% pour les aides-soignants en mars). De même, l’assouplissement attendu des conditions d’octroi du crédit, induit par les récentes baisses de taux directeur de la Banque centrale et les nouvelles mesures de soutien pour l’achat du premier logement (subventions pour le paiement des intérêts dans le cadre du programme CSOK plus) viendront redynamiser le secteur immobilier et le marché du crédit. Néanmoins, une certaine prudence reste de mise. La hausse prévue pour l’investissement public reste conditionnée au déblocage des fonds européens cette année. De même, les perspectives pour l’investissement privé restent incertaines car le maintien des taxes exceptionnelles dans certains secteurs (introduites en 2022) jusqu’à fin 2024 pourrait décourager la mise en œuvre de nouveaux projets. Le redressement attendu des exportations hongroises pourrait décevoir en cas d’un rebond plus faible en zone euro.
Assouplissement monétaire
En 2023, la Hongrie a enregistré le taux d’inflation le plus élevé parmi les pays de l’Union européenne, à 17,5% en moyenne. À titre de comparaison, l’inflation s’est établie à 5,5% en zone euro au cours de cette même période. Elle était de 11% en Pologne, de 9,8% en Roumanie, de 12% en République tchèque et de 8,7% en Bulgarie.
Point positif, l’inflation a nettement reflué depuis le point haut de 26,2% observé en janvier 2023 et surtout depuis septembre de sorte que la Hongrie affiche désormais un chiffre plus faible que les pays d’Europe centrale. En décembre dernier, l’inflation s’est établie à 5,5% en g.a comparé à 7,6% en g.a. en République tchèque, 6,6% en Pologne et 7,0% en Roumanie. La baisse rapide de l’inflation est attribuée à une moindre contribution des postes « alimentation » à 1,3 point de pourcentage en décembre contre 11,1 points en janvier 2023 et une contribution négative du poste « énergie » (-0,9 point).
La désinflation devrait se poursuivre durant 2024 sans pour autant atteindre la cible d’inflation de 3% de la Banque centrale. Toutefois, si la détente sur les marchés internationaux de matières premières est toujours à l’œuvre, de nouvelles taxes sur le carburant, les péages et sur les ventes au détail entrées en vigueur au 1er janvier 2024 vont maintenir les pressions haussières. De même, les salaires continuent de progresser à un rythme encore soutenu (+15,2% en g.a. en octobre 2023 ; +15,4% en moyenne de juillet à septembre). La hausse du salaire minimum respective de 15% pour les travailleurs non-qualifiés et de 10% pour les travailleurs qualifiés en décembre 2023 ainsi que la répercussion attendue des pressions salariales dans d’autres professions maintiendrait l’inflation sous-jacente encore à des niveaux élevés. Le retour à la zone cible d’inflation n’est pas prévu avant 2025.
Le ralentissement de l’inflation a permis un assouplissement de la politique monétaire depuis fin 2023. Les autorités monétaires ont abaissé leur taux directeur de 300 points de base en cumul à 10,00% en janvier. Les commentaires récents de la Banque centrale suggèrent que l’assouplissement monétaire devrait se poursuivre dans les prochains mois mais la marge de manœuvre reste limitée en raison des pressions salariales.
Vers une procédure de déficit excessif en 2024
Avec l’inflation, le ratio de la dette publique rapporté au PIB devrait encore s’améliorer en 2023 et tomber en dessous la barre de 70% même si la croissance a faibli. Pour autant, le déficit budgétaire reste dégradé depuis 2020 (-7,6% du PIB, -7,2% en 2021 et -6,2% en 2022) en raison des chocs multiples subis par l’économie qui ont engendré une augmentation des dépenses gouvernementales.
Sans les efforts de consolidation des comptes publics instaurés depuis l’été 2022, comprenant entre autres l’introduction d’une taxe sur les profits exceptionnels, la suppression des plafonds de prix sur le carburant en 2022 et sur les biens alimentaires en 2023, le déficit budgétaire aurait été plus prononcé. En 2023, le déficit devrait atteindre 5,9% du PIB, contre 3,5 % prévu dans le Budget Les charges d’intérêt, estimées à 4,3 % du PIB (2,8% en 2022), se sont fortement alourdies et figurent désormais parmi les plus élevées au sein de l’UE. Cette envolée est principalement attribuée aux intérêts versés sur les obligations indexées sur l’inflation. De plus, le maintien des subventions sur l’énergie, les revalorisations de pensions (+15 % en 2023) auxquels s’ajoute le supplément versé aux retraités ont pesé sur les dépenses. la prise de participation dans certaines entreprises a donné lieu à des déboursements exceptionnels. Enfin, les autorités ont pris à leur charge des projets qui devaient être financés par des fonds européens suspendus par Bruxelles. Pour 2024, les autorités prévoient un déficit moins prononcé que l’an dernier mais supérieur à 3% du PIB. Les charges d’intérêts seront encore supérieures à 4% du PIB. Pour pouvoir faire redescendre le déficit budgétaire en dessous de 3% du PIB, un large excédent primaire sera nécessaire et cela est peu probable cette année. Depuis 2020, le pays enregistre un déficit primaire (-5,2% en 2020, -4,9% en 2021 et -3,4% en 2022) et ce sera probablement encore le cas en 2024 même si on s’attend à une réduction sensible.
Conséquence d’un déficit supérieur à 3% du PIB prévu en 2024, la Hongrie, comme de nombreux pays de l’UE, pourrait difficilement échapper à une procédure de déficit excessif. En effet, la clause dérogatoire concernant le pacte de stabilité et de croissance, introduite temporairement pendant la pandémie de Covid-19, est arrivée à son terme le 31 décembre 2023.
La dette publique reste néanmoins soutenable. La suspension temporaire des émissions obligataires indexées sur l’inflation (13 % de la dette publique) et le reflux de l’inflation devraient alléger les charges d’intérêts. De même, la poursuite de la consolidation budgétaire et le retrait progressif des mesures de soutien liées au choc énergétique laissent supposer que la Hongrie reviendrait vers un excédent primaire d’ici 2025/2026. Par ailleurs, le profil de la dette s’est amélioré depuis 2011. La part de la dette du gouvernement libellée en devises étrangères (principalement en euro) s’est fortement réduite (26.9% du total en 2023 selon l’agence de gestion de la dette hongroise (AKK) contre 50% en 2011). La part de la dette à taux fixe serait de l’ordre de 68,6% du total. Cependant, les besoins de financement restent élevés et ne devraient guère s’améliorer significativement à moyen terme. Les émissions brutes en matière d’obligations d’État sont estimées à HUF 10 273 mds en 2024 (environ 12% du PIB) dont HUF 2 515 mds pour couvrir le besoin de financement du budget de l’État.
Quelques éclaircies
Les comptes externes se sont améliorés. Après un déficit de 8,2% du PIB en 2022, le compte courant devrait de nouveau dégager un excédent en 2023 (EUR 0,5md sur les 9 premiers mois en cumul) grâce à un allègement de la facture énergétique. De même, les flux nets de capitaux ont été résilients sur les trois premiers trimestres dans l’ensemble à EUR 3,5 mds. Les réserves de change se sont renforcées pour atteindre EUR 41,4 mds en 2023 avec un ratio en mois d’importations de 3,5 mois.
Achevé de rédiger le 26 janvier 2024