La croissance dans les pays émergents a plutôt bien résisté au premier semestre 2023 grâce aux pays d’Asie, au Brésil et au Mexique. En Asie, l’inflation a retrouvé un niveau très modéré en août ou septembre (à l’exception de l’Inde) et, par rapport aux autres zones, les durcissements monétaires intervenus entre la mi-2021 et la mi-2023 ont été de bien moindre ampleur. Cela a permis de compenser la baisse des exportations. À l’inverse, les pays d’Europe centrale n’ont pas bénéficié de cet effet de compensation. Les enquêtes auprès des entreprises et des ménages indiquent que les divergences entre zones se sont accentuées au cours de l’été. Elles montrent aussi que les poids lourds d’Amérique latine (Brésil, Mexique) sont mieux positionnés dans le tiercé des grandes zones.
Jusqu’au printemps 2023, la croissance des économies émergentes a bien résisté dans l’ensemble mais les disparités sont importantes. Mesurée en glissement sur un an, la croissance du PIB réel de notre échantillon de 26 pays a sensiblement accéléré, atteignant 5% au T2 2023 après 3,3% au T1 2023 et 2,6% au T4 2022. Hors Chine et Hong Kong, l’accélération est moins prononcée (de 2,6% à 3,9%). En rythme instantané (i.e. sur un trimestre) et annualisé, la croissance hors Chine et Hong Kong a été stable à 4%. Au T2 2023, le PIB reculait pour environ un quart des économies émergentes (soit en glissement sur un an, soit d’un trimestre à l’autre).
En dehors de la Chine, la croissance économique en Asie a surpris favorablement au S1 2023. Elle s’est maintenue autour de 2% en rythme instantané dans les pays industrialisés (Corée, Singapour, Taiwan) et a été très soutenue entre 5% et 7% en Inde, Indonésie et Malaisie. À l’inverse, les principales économies d’Europe centrale sont tombées en récession plus ou moins sévère, la Hongrie étant la plus affectée avec un recul du PIB sur 4 trimestres consécutifs (-2,3% cumulés). La Turquie fait figure d’exception en Europe avec une croissance dopée par une politique monétaire accommodante. C’est en Amérique latine que la situation est la plus contrastée avec, d’un côté, le Brésil où la croissance a surpris à la hausse et le Mexique où la croissance s’est maintenue, et, de l’autre, des économies en récession (Argentine et, dans une moindre mesure, Chili, Pérou) ou en très fort ralentissement (Colombie).
Les disparités entre zones s’expliquent par des niveaux d’inflation et des durcissements monétaires passés dont l’ampleur varie. En Asie, à l’exception de l’Inde et des Philippines, l’inflation a retrouvé en septembre ou octobre des rythmes modérés compris entre 1% et 4%, alors que la fourchette est de 7% à 12% pour les pays d’Europe centrale et de 4,5% à 11% pour les pays d’Amérique latine. Aussi la désinflation a-t-elle soutenu la consommation des ménages en Asie plus sensiblement que dans les autres zones. De la même manière, les durcissements monétaires intervenus entre la mi-2021 et la mi-2023 ont été en moyenne bien plus modérés en Asie hors Inde (+250 points de base en moyenne) que dans les autres zones (700 pb en Europe centrale et 900 pb en Amérique latine), ce qui a limité leur impact négatif sur les dépenses d’investissement privées.
Les disparités s’expliquent ensuite par une exposition différente à l’environnement extérieur et par des spécificités : le Mexique a bénéficié du dynamisme de l’économie américaine, le Brésil du fort rebond de la production agricole, de la bonne tenue des prix des matières premières agricoles et des mesures de soutien du revenu des ménages, l’Indonésie de la reprise du tourisme et des investissements en infrastructure, et l’Inde de la hausse des investissements publics. À l’inverse, les exportations des pays industrialisés d’Asie ont pâti du moindre dynamisme de la demande chinoise, tandis que les économies d’Europe centrale ont souffert du ralentissement de la demande de la zone euro, et de l’Allemagne en particulier.
Les divergences par grandes zones se retrouvent dans les enquêtes d’opinion des industriels du secteur manufacturier disponibles jusqu’en septembre.
Elles apparaissent même plus marquées entre l’Europe centrale et les autres zones. Parallèlement, on observe un redressement plus sensible de la confiance des ménages au Brésil, au Mexique et en Indonésie que dans les autres pays.
Par ailleurs, les enquêtes confirment ce que les estimations de croissance suggéraient : les poids lourds d’Amérique latine (Brésil et Mexique) se retrouvent, une fois n’est pas coutume, mieux placés dans le tiercé des grandes zones.
Cette nouvelle donne pourrait perdurer si les tensions récentes sur les prix du pétrole devaient se propager à l’ensemble des prix des matières dans un contexte de fragmentation des marchés et d’instabilité géopolitique croissante. Par ailleurs, le Mexique bénéficie déjà du développement du nearshoring.
Achevé de rédiger le 11 octobre 2023.
François Faure