L’économie hongkongaise se remet difficilement de la succession de chocs subis entre 2019 et 2022. Après les bouleversements politiques et institutionnels de 2019 et 2020, le territoire a été lourdement affecté par la crise sanitaire jusqu’à l’an dernier. L’activité se redresse en 2023 mais Hong Kong doit maintenant faire face à une demande externe en repli et, surtout, à un important resserrement des conditions monétaires. La remontée des taux d’intérêt depuis mars 2022 pèse sur la demande intérieure, en particulier à travers ses effets sur le marché immobilier. La politique budgétaire reste, quant à elle, résolument expansionniste.
Rebond économique après quatre années de chocs successifs
L'économie de Hong Kong a enregistré une croissance moyenne de -1,3% par an entre 2019 et 2022 (contre +2,7% par an entre 2012 et 2018). Cette dégradation résulte d’une succession de chocs : protestations et changement institutionnel en 2019-2020, pandémie et politique Covid très stricte menée jusqu’à mi-2022, perte de confiance des investisseurs, montée des tensions sino-américaines et ralentissement du commerce extérieur, puis durcissement rapide des conditions monétaires depuis le T2 2022.
En 2023, l’activité récupère des chocs passés et la croissance économique devrait s'élever à 3,8%. Elle devrait ensuite ralentir progressivement dans les années à venir, pour atteindre 2,4% en 2026.
L’activité se normalise depuis quelques mois, à la suite de la levée des contrôles aux frontières et des restrictions à la mobilité à la fois à Hong Kong depuis mi-2022 et en Chine depuis fin 2022. La principale contribution à la croissance du PIB réel au premier semestre de 2023 est venue de la consommation privée (graphique 1). Celle-ci a notamment été dopée par la réouverture des frontières avec la Chine et le retour des touristes, ainsi que par l’amélioration des conditions sur le marché du travail et les mesures de soutien budgétaire. Les volumes des ventes au détail ont ainsi rebondi de 18,2% en glissement annuel (g.a.) au cours des six premiers mois de l'année (après une contraction de 3,4% en 2022).
Après quasiment trois années sans visiteurs ou presque, les touristes font progressivement leur retour à Hong Kong depuis le S2 2022. En août 2023, le territoire en a accueilli 4,1 millions (84% d’entre eux étaient chinois), un chiffre toujours très inférieur à ceux enregistrés avant les protestations et la crise du Covid (en 2018, Hong Kong avait accueilli 5,4 millions de visiteurs par mois en moyenne). L’activité dans le secteur touristique devrait continuer de se redresser dans les prochains mois, même si les ménages chinois restent prudents. Cela continuera de soutenir la reprise économique : avant la crise du Covid, les dépenses des touristes représentaient environ un tiers des ventes au détail totales à Hong Kong, et le tourisme représentait environ 4,5% du PIB.
Le marché du travail se redresse progressivement. Le taux de chômage est revenu à son niveau d’avant la pandémie : de 4,3% en août 2022, il est retombé à 2,9% en août 2023. Les salaires réels sont repartis à la hausse au S1 2023 (+1,5% en g.a.), alors qu’ils étaient restés sur une légère tendance à la baisse au cours des deux années précédentes.
Les dépenses des ménages et des entreprises ont également été soutenues par la politique toujours accommodante du gouvernement. Diverses mesures fiscales et d’allègement du crédit ont été introduites ou reconduites cette année (bons d’achat distribués aux consommateurs, réductions d’impôts, nouvelle extension des reports de remboursement de prêts, dispositifs de financement à faible taux d'intérêt, etc.).
Le rebond économique reste néanmoins fragile, comme en témoigne la nouvelle contraction du PIB réel enregistrée au T2 2023. L’activité est pénalisée par le durcissement des conditions monétaires ainsi que par le recul de la demande mondiale et la faiblesse du rebond post-Covid de la croissance chinoise. Les exportations comme les importations de marchandises se sont fortement repliées au cours des huit premiers mois de l'année (respectivement de -12% et -10%). Au T2 2023, le PIB réel n’avait pas encore retrouvé son niveau de 2019 et il pourrait ne pas l’atteindre avant 2024.
Important resserrement des conditions monétaires
La politique monétaire de Hong Kong suit celle menée aux États-Unis compte tenu de son régime de currency board. Le taux directeur a par conséquent grimpé de 0,5% en mars 2022 à 5,75% en août 2023 (graphique 2). Selon nos dernières prévisions, le taux directeur devrait rester stable jusqu’au T1 2024, avant de repartir progressivement à la baisse. Contrairement à la situation aux États-Unis, l’inflation à Hong Kong reste modérée en raison de la faiblesse persistante de la demande intérieure. L’inflation des prix à la consommation a atteint en moyenne 1,9% en g.a. au cours des huit premiers mois de 2023 et est en léger recul depuis le mois de mai. Le resserrement monétaire est donc encore plus significatif qu’aux États-Unis.
Ce durcissement des conditions financières a lourdement pesé sur la demande intérieure en raison de la contraction des prêts bancaires (-4,5% en g.a. en août 2023), de la remontée du coût du service de la dette pour les ménages et les entreprises, et de la correction du marché immobilier. L’investissement domestique total n’a progressé que de 3,2% en g.a. au S1 2023, malgré les effets du rebond post-Covid.
Depuis fin 2021, le marché immobilier connaît une importante correction : les prix moyens de l’immobilier ont chuté de 14% et le volume des ventes de près de 40%. La situation ne devrait pas s'améliorer à court terme, les conditions monétaires et de crédit demeurant restrictives. En outre, la crise du secteur immobilier chinois affecte probablement aussi le marché intérieur hongkongais, en pesant sur la confiance et l’investissement des promoteurs locaux.
Politique budgétaire résolument accommodante
Le gouvernement mène une politique budgétaire accommodante depuis 2019 avec la mise en œuvre d’importantes mesures de relance ponctuelles (dépenses de santé, de création d’emplois temporaires, de soutien direct aux entreprises et aux ménages.
Les dépenses publiques et les déficits budgétaires ont par conséquent atteint des niveaux records depuis 2020. Après plus d’une décennie d’excédents budgétaires (3% du PIB en moyenne en 2009-2018) et de dépenses modérées (18% du PIB en moyenne sur la même période), le gouvernement a affiché un léger déficit de -0,6% du PIB au cours de l’exercice budgétaire 2019/20 (allant d’avril 2019 à mars 2020). Le déficit s’est ensuite envolé à 9,2% du PIB au cours de l’exercice 2020/21, avec des dépenses atteignant 30% du PIB. Le déficit est retombé à 0% en 2021/22, aidé par le rebond de l’activité, mais il s’est de nouveau creusé à 6,6% en 2022/23 (avec des dépenses s’élevant à 28,4% du PIB). Pour 2023/24, il est attendu à 3,5%.
Malgré des déficits budgétaires plus élevés, le gouvernement affiche toujours une très solide solvabilité et une liquidité confortable. Il a utilisé ses réserves budgétaires pour financer les récents déficits. Ces réserves ont, par conséquent, fondu de 30% depuis fin 2018, mais cette forte réduction fait suite à des années de discipline budgétaire et d’accumulation d’épargne. Le gouvernement dispose donc toujours d'un matelas confortable : ses réserves s’élevaient encore à HKD 763 mds en juin 2023, soit 26% du PIB et l'équivalent de 13 mois de dépenses publiques (comparé à 38% du PIB et 26 mois de dépenses en 2018). En outre, la dette publique reste modérée et elle est largement couverte par les actifs du gouvernement, et la part des émissions de titres pour le financement direct du budget est très faible.
Le gouvernement dispose donc toujours d'une solide capacité pour faire face aux défis budgétaires à moyen terme. Son budget pourrait rester en léger déficit dans les années à venir. Des dépenses structurelles seront notamment nécessaires pour renforcer les perspectives de croissance économique de Hong Kong, améliorer l’accessibilité au logement (notamment via le développement des programmes de logements sociaux pour les ménages à faible revenu) et la protection sociale, et faire face aux conséquences du changement climatique et aux besoins liés à la transition énergétique.
Les perspectives économiques de Hong Kong restent soutenues par ses fondamentaux macroéconomiques robustes (avec des comptes publics et externes solides), des politiques budgétaires et monétaires disciplinées et un secteur des services de très haute qualité et bien réglementé. La croissance hongkongaise dépend étroitement, et de plus en plus, de la performance économique et du développement des marchés financiers en Chine. Le renforcement des infrastructures et des liens commerciaux dans la région de la Baie de Guangdong, Hong Kong et Macao ne peut qu'accroître l’intégration territoriale et économique de Hong Kong avec le continent.
En revanche, le recul du ratio d’investissement au cours des dernières années (de 21,8% du PIB au S1 2018 à 16,5% au S1 2023) et les tendances démographiques (pénurie de compétences, contraction de la main d'œuvre, vieillissement de la population) sont préoccupants et pèsent sur le potentiel de croissance économique. Pour tenter de répondre à ces problèmes, les autorités prévoient de multiplier les mesures en vue d'attirer les investissements et les talents. Elles ont ainsi récemment lancé un plan et un nouveau fonds d’investissement visant à promouvoir l’innovation locale, la numérisation et le développement technologique.
Achevé de rédiger le 9 octobre 2023
Christine Peltier