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Ghana : Des progrès mais beaucoup de fragilités

16/10/2023
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L’économie ghanéenne se relève peu à peu de la grave crise macroéconomique de 2022. La croissance du PIB résiste mieux que prévu et l’inflation a commencé à refluer même si elle demeure trop élevée. Sur le plan des finances publiques, les progrès sont également encourageants. Outre une exécution budgétaire satisfaisante au cours des six premiers mois de l’année, les autorités ont achevé le processus de restructuration de la dette domestique. Cependant, le pays reste en défaut sur sa dette extérieure. Malgré le soutien apporté par le FMI, il ne dispose pas non plus d’amortisseur suffisant pour le prémunir d’un éventuel nouveau choc externe.

PRÉVISIONS ÉCONOMIQUES

Après une année 2022 cauchemardesque, qui s’est achevée avec un défaut du gouvernement sur sa dette extérieure, le Ghana s’est engagé dans une course de fond pour remettre sur pied son économie. Pour y arriver, il pourra compter sur l’appui du FMI.

La facilité de crédit élargie sur 3 ans, pour un montant de USD 3 mds, et le programme associé visent ainsi à renforcer la stabilité macroéconomique et à restaurer la soutenabilité de la dette. Une première revue vient d’être effectuée.

Les résultats ont été satisfaisants, ouvrant la voie à un deuxième décaissement de USD 600 mn lorsque les autorités ghanéennes et leurs créanciers bilatéraux seront parvenus à trouver un accord de restructuration sur la dette extérieure. L’optimisme revient donc peu à peu. Cependant, la prudence reste de mise tant les écueils demeurent importants.

Restructuration de la dette : des avancées mais toujours pas d’accord global

Avec une dette qui atteint 88% du PIB, et presque la moitié des ressources budgétaires en 2022 dédiée aux seuls paiements des intérêts, la situation des finances publiques était intenable. En outre, le Ghana se distinguait de la plupart de ses pairs africains par un endettement domestique prépondérant (53% du stock de dette mais 73% des intérêts). Il était donc nécessaire de restructurer l’intégralité de la dette et pas uniquement celle contractée auprès des créanciers extérieurs, comme c’était la norme lors des précédentes crises de dette des pays à faible niveau de revenu.

Une première étape vient de s’achever. Après un échange de titres de dette domestique en février, le gouvernement a récemment renégocié la dette détenue par les fonds de pension, les bons libellés en dollars et les titres éligibles sur le cacao du Ghana Cocoa Board. Au total, la moitié du stock de dette domestique aura ainsi été échangée contre des obligations à des taux plus bas et des échéances plus longues. De plus, la banque centrale a annulé 50% des titres publics qu’elle détenait et qui représentaient 25% de la dette domestique ; ce financement était devenu massif et coûteux ces dernières années.

GHANA : DETTE PUBLIQUE

La restructuration de la dette domestique vise avant tout à soulager les finances publiques en allégeant le service de la dette. Les effets sur le stock de dette non détenu par la banque centrale sont assez limités.

En l’absence d’accord sur la dette extérieure, la dette publique devrait encore légèrement croître, à plus de 90% du PIB cette année, avant de commencer à se stabiliser à partir de 2024 (graphique 1), sous réserve de la poursuite de la politique de consolidation budgétaire et d’une stabilisation du taux de change (deux hypothèses réalistes mais fragiles).

S’agissant de la dette extérieure, les négociations avec les créanciers officiels pourraient rapidement aboutir. En revanche, celles engagées avec les créanciers privés demeurent incertaines. Or, sur les USD 20 mds de dette extérieure éligible à la restructuration, 73% sont détenus par ces derniers, dont une grande majorité sous forme d’euro-obligations (USD 13,1 mds contre USD 5,4 mds pour la dette officielle bilatérale). En outre, l’effort demandé est significatif. Le FMI estime à USD 10 mds sur la période 2023-2026 l’écart de financement extérieur (financing gap), que la restructuration de la dette devrait implicitement couvrir. Dans ce contexte, l’objectif du gouvernement de tout boucler d’ici à la fin de l’année apparaît optimiste.

Situation budgétaire : des résultats positifs à relativiser

La restructuration de la dette sera une condition indispensable mais pas suffisante pour restaurer sa soutenabilité. Pour ramener la dette publique à 55% du PIB d’ici 2028, il faudra aussi poursuivre la politique d’assainissement budgétaire ambitieuse fixée par le FMI, à savoir un ajustement de 5,1% du PIB sur la période 2023-2026, grâce à une hausse de 3 points de pourcentage des revenus budgétaires, et une réduction de 2,1 points des dépenses hors charges d’intérêts. Ainsi, le solde primaire redeviendrait excédentaire à partir de 2024, à 0,5% du PIB contre 3,6% en 2022, avant d’atteindre 1,5% du PIB en 2025 et 2026. Or, depuis 2010, le Ghana n’est parvenu que deux fois à dégager des excédents primaires (en 2015 et 2017).

Les résultats de l’exécution budgétaire sur les six premiers mois de l’année étaient donc très attendus. Ils ont été satisfaisants sans pour autant totalement rassurer. Du côté des recettes, la performance est légèrement inférieure aux nouveaux objectifs budgétaires en raison d’une forte baisse des recettes pétrolières. En hausse de 56% en g.a., elles affichent néanmoins une croissance supérieure à celle du PIB nominal grâce notamment au relèvement de la TVA de 12,5% à 15%. Du côté des dépenses, la hausse des dépenses primaires s’est modérée (+ 29%) en raison des contraintes de financement qui ont obligé le gouvernement à sacrifier ses investissements (stables en g.a. mais inférieurs de moitié aux objectifs), au profit d’un fort gonflement de la masse salariale (+40% en g.a.). Or, cette dynamique n’est pas tenable dans la durée.

Le gouvernement table désormais sur un déficit primaire de 0,5% de PIB pour 2023 contre un excédent de 0,7% dans la loi de finance initiale et de 1,1% sur les six premiers mois de l’année. Ainsi, le déficit budgétaire se réduirait à 6,4% du PIB après avoir atteint 11,8% en 2022. Selon toute vraisemblance, il pourrait être sensiblement inférieur en raison de la suspension du paiement de la quasi-intégralité des intérêts de la dette extérieure.

Sur une année entière, ce « gain » pourrait atteindre presque 2 points de PIB, ce qui permettrait de ramener le déficit budgétaire sous la barre des 5% du PIB en 2023 et 2024, dans l’hypothèse d’une absence d’accord avec les créanciers extérieurs.

Cependant, la capacité des autorités à maintenir le cap pose question. Même en progression, les recettes fiscales resteront inférieures à 13% du PIB. À ce niveau, la marge de manœuvre est très faible. Or, les conditions de financement se dégradent. De fait, le gouvernement est contraint d’émettre des titres à court terme à des taux qui oscillent désormais entre 28% et 32% (contre une fourchette de 19-27% en avril). Plus de 80% des besoins de financement du gouvernement devront être couverts localement cette année. La charge d’intérêts de la dette domestique devrait donc s’alourdir dans les mois à venir, absorbant une grande partie des bénéfices tirés de la restructuration. Surtout, des élections générales se tiendront en 2024, laissant craindre de possibles dérapages budgétaires comme ce fut le cas par le passé, même si la tutelle du FMI devrait limiter ce risque.

Croissance économique : entre résilience et fragilités

Dans ce contexte de crise de la dette, il n’est guère étonnant de voir l’activité économique fléchir. Pour autant, elle n’a pas rompu jusqu’à présent. Après 3,1% en 2022 et 5,1% en 2021, la croissance a une nouvelle fois surpris au S1 (+3,2%) grâce aux bonnes performances du secteur agricole (+6,2%) et des services (+6,3%). L’hypothèse du gouvernement de 1,5% devrait donc être dépassée, même si une décélération est attendue au S2 en raison de la persistance de puissants vents contraires (consolidation budgétaire, environnement monétaire restrictif). Au total, la croissance devrait atteindre 2,5% cette année avant de rebondir graduellement à partir de 2024 sous réserve d’une stabilisation financière qui est loin d’être acquise.

GHANA : ENVIRONNEMENT MONÉTAIRE

L’inflation diminue mais elle demeure très élevée à 40,1% contre un pic de plus de 50% entre la fin 2022 et le début 2023 (graphique 2).

Les pressions inflationnistes resteront fortes du fait essentiellement de la volatilité du taux de change. En 2022, le cedi a enregistré une chute vertigineuse, perdant jusqu’à plus de 50% de sa valeur contre le dollar US au plus fort de la crise, avant de se reprendre en décembre au moment de l’annonce de l’accord du FMI. Depuis, la situation s’est stabilisée mais les comptes extérieurs du Ghana restent très fragiles.

Malgré un excédent commercial au S1 et la suspension du paiement du service de la dette extérieure (qui a permis d’économiser 1,2% du PIB rien que pour les intérêts sur la dette euro-obligataire en 2023), les réserves de change ont encore baissé depuis le début de l’année pour ne couvrir que 1,5 mois d’importations de biens et services.

À très court terme, le déboursement d’une nouvelle tranche du programme FMI devrait permettre d’atténuer quelque peu les pressions sur la liquidité extérieure. Mais avec un taux de couverture qui devrait juste dépasser les deux mois d’importations à la fin de l’année, le Ghana n’est toujours pas à l’abri d’un nouveau choc de change.

Si tel était le cas, la banque centrale n’aurait d’autre choix que de durcir encore plus sa politique monétaire (le taux directeur est passé de 14,5% en février 2022 à 30% actuellement), ce qui fragiliserait le secteur privé (le taux des créances non-performantes a atteint 20% en août 2023 contre 14,2% début 2022). Après avoir enregistré d’importantes pertes au T4 2022, le secteur bancaire a renoué avec les profits au T1 2023.

En outre, les autorités monétaires ont laissé quatre ans aux banques pour restaurer leur ratio de solvabilité. Celui-ci reste au dessus des normes prudentielles à 14,2%, mais sa baisse prononcée (19,4% en juin 2022) laisse néanmoins le secteur plus vulnérable à l’augmentation du risque de crédit.

Achevé de rédiger le 10 octobre 2023

Stéphane Alby

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