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EcoEmerging// 4 trimestre 2019
economic-research.bnpparibas.com
Editorial
Le retour des politiques monétaires
Les perspectives de croissance des pays émergents pour 2020 se sont assombries. En cause : le ralentissement des marchés à
l’exportation et le climat d’incertitude entretenu par l’affrontement commercial entre les Etats-Unis et la Chine. Cette incertitude entraîne
une volatilité des investissements de portefeuille depuis l’été, tandis que les conditions de financement extérieur restent globalement
favorables. De plus, les politiques monétaires s’assouplissent dans une majorité de pays, et la transmission des taux d’intérêt directeurs
aux taux préteurs fonctionne plutôt bien. Toutefois, l’endettement du secteur privé, qui a fortement progressé sur la décennie écoulée,
peut constituer une contrainte à l’assouplissement monétaire s’il accroît les risques de crédit.
■
Politiques monétaires à la rescousse
Orientation et transmission de la politique monétaire
La croissance de notre échantillon de 26 pays émergents a atteint
un point bas historique au 2 trimestre 2019 à seulement 4,1% en
Orientation des
taux directeurs
Degré de transmission des assouplissements
monétaires
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glissement sur un an, contre encore 5,2% un an auparavant. Si l’on
fait abstraction de la crise financière de 2008-2009, il faut remonter
à 2001 pour retrouver une performance aussi faible. Le
ralentissement des marchés à l’exportation et le climat d’incertitude
entretenu par l’affrontement commercial entre les Etats-Unis et la
Chine en sont les principales causes. Ce climat d’incertitude se
traduit par une forte volatilité des exportations mais aussi des
investissements de portefeuille à destination des pays émergents.
Mais, jusqu’à présent, les conditions de financement extérieur ne se
sont pas durcies. Exception faite de l’Argentine et du Liban (pour
des raisons spécifiques), les primes de risque sur les dettes
souveraines en devises ont tendance à se comprimer depuis le
dernier trimestre 2018 et celles sur les entreprises sont restées
stables. De plus, la faiblesse de la croissance mondiale pèse sur les
prix des matières premières, ce qui contribue à contenir les tensions
inflationnistes.
Date de début
19/10/2016
17/10/2013
16/12/2016
08/02/2017
30/12/2014
14/01/2015
-
Date de fin
31/05/2019
Brésil
Chili
103%
162%
81%
58%
72%
39%
n.s
n.s
n.s
63%
111%
110%
-
119%
n.s
116%
45%
138%
n.s
31/05/2019
31/05/2019
31/05/2019
31/05/2019
31/05/2019
-
Colombie
Mexique
Chine
Inde
Indonésie
Malaisie
Taïwan
Thaïland
Pologne
Hongrie
Rep. Tchèque
Roumanie
Turquie
Russie
-
-
-
-
16/10/2012
07/11/2012
27/08/2012
-
18/12/2018
31/05/2019
31/05/2019
-
01/07/2013
-
31/05/2019
-
31/12/2014
21/02/2018
22/09/2014
-
31/05/2019
31/05/2019
31/05/2019
-
Egypte
Maroc
Afrique du Sud
(
*)Variations du taux d'intérêt moyen prêteur des banques/Variations du taux directeur sur les périodes spécifiées
Sources : FMI, banques centrales, BNP Paribas Recherche Economique Groupe
Dans ce contexte, fin septembre, une large majorité de banques
centrales de notre échantillon (16) avait initié ou poursuivi la baisse
de leur taux d’intérêt directeur (cf. tableau) alors qu’elles n’étaient
que 4 à le faire en 2018. Seules les banques centrales des pays
d’Europe centrale et orientale font exception car jusqu’au S1 2018
la croissance a été supérieure à la croissance potentielle, entraînant
des tensions sur le marché du travail. L’assouplissement des
politiques monétaires peut-il alors atténuer l’effet du ralentissement
des exportations ?
Une comparaison des taux d’intérêt réels avec la croissance
potentielle permet de les mesurer. Peu de pays présentent un écart
très important si l’on considère les taux d’intérêt directeurs (Mexique,
Egypte, Russie). En revanche, si l’on regarde les taux d’intérêt
préteurs, ils sont plus nombreux (Afrique du Sud, Brésil, Colombie,
Turquie et, dans une moindre mesure, Inde et Indonésie). Toutefois,
un taux d’intérêt prêteur réel élevé peut refléter un taux de prêts non
performants, lui-même structurellement élevé pour certains types de
crédit. C’est le cas des crédits de trésorerie/cartes de crédit dans
les pays d’Amérique latine. Enfin, l’endettement du secteur privé
peut constituer une autre contrainte pour l’assouplissement
monétaire s’il accroît les risques de crédit. C’est évidemment le cas
de la Chine (cf. infra). Mais de nombreux pays émergents ont
enregistré une hausse du ratio de crédit bancaire rapporté au PIB
de plus de 50% depuis 2010, la plupart en Amérique latine. En Asie,
les progressions sont moins fortes mais à partir de niveaux élevés.
La Turquie est l’illustration du pays au profil intermédiaire (forte
progression à partir d’un niveau modéré) qui, en cas de choc
externe, s’est traduite par une montée du risque de crédit plus
rapide que pour un pays au niveau d’endettement relativement
élevé.
■
Des marges de manœuvre sous contraintes
Depuis la fin 2018, hormis la Chine continentale (dont le
gouvernement définit la cible de croissance du crédit) et les pays
dont le cycle du crédit est particulièrement heurté (Argentine, Brésil,
Turquie), la croissance du crédit bancaire domestique dans les pays
émergents s’est infléchie. Pour la majorité des pays, les effets de
l’assouplissement monétaire en cours ne se font pas encore sentir,
ce qui ne veut pas dire que le canal de transmission de la politique
monétaire ne fonctionne pas ou mal. Au contraire, à l’exception
notable de l’Inde et de l’Egypte, le coefficient de transmission
apparent des variations des taux directeurs à celles des taux
prêteurs des banques est élevé voire supérieur à 1(cf. tableau).
Cependant, un soutien significatif de la politique monétaire, c’est-à-
dire au-delà de ce qu’autorise le ralentissement présent ou attendu
de l’inflation, suppose qu’il existe des marges de manœuvre.