Les migrations liées au climat - déplacements internes forcés et flux transfrontaliers - ont considérablement augmenté ces dernières années en Amérique centrale. Les catastrophes naturelles et les changements environnementaux (hausse des températures, évolution des régimes de précipitations, augmentation de l’intensité des tempêtes) affectent la mobilité humaine au travers de leur impact sur l’agriculture (dégradation des sols, mauvaises récoltes, baisse des rendements agricoles), l’accès aux ressources en eau, la destruction des infrastructures ainsi que la perte de terres (inondations et érosion côtières, glissements de terrain).
La vulnérabilité climatique de l’Amérique centrale s’explique en grande partie par la dépendance de la région à l’égard de l’agriculture (forte contribution à l’emploi, au PIB, aux exportations et à la sécurité alimentaire intérieure). Au Guatemala, au Honduras et au Salvador, plus de la moitié des populations rurales vit sous le seuil de pauvreté, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux événements climatiques (perte du logement et des moyens de subsistance). De 2018 à 2021, le nombre de personnes souffrant de la faim en Amérique centrale a presque quadruplé, atteignant près de 8 millions.
Les déplacements internes de population, dus aux catastrophes naturelles, ont au moins doublé dans la plupart des pays de la région au cours des 7 dernières années. Les déplacements transfrontaliers (émigration) sont également en hausse et les facteurs liés au climat viennent s’ajouter aux déterminants traditionnels des migrations : liens familiaux, insécurité (violence criminelle, conflit), facteurs politiques (violation des droits de l’homme, érosion de la démocratie, répression politique) et facteurs socioéconomiques (pauvreté et inégalité, tous deux aggravées par la pandémie de COVID-19).
La variabilité climatique amplifie les risques. Le Honduras, pays qui a connu la plus forte variation en pourcentage de son stock d’émigrés dans la région depuis 2015, est également le pays avec i/ le PIB par habitant le plus faible après le Nicaragua, ii/ le taux d’homicides au niveau régional le plus élevé, et iii/ qui a été le plus touché par les déplacements de population liés aux catastrophes naturelles : le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays sur la période 2016-2022 par rapport à la période 2009-2015 a presque été multiplié par 40. Le changement climatique force les gens à quitter leur domicile pour subsister, mais des niveaux élevés de violence les amènent, à leur tour, à quitter leur pays.
Salim Hammad