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Elections en vue

24/01/2019
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Des élections enfin en vue…

Promises par les militaires depuis leur arrivée au pouvoir après le coup d’Etat de mai 2014, les élections tant attendues devraient avoir lieu entre février et mai prochains. Reportées à quatre reprises depuis 2015, elles seront les premières organisées depuis la promulgation de la nouvelle constitution, en avril 2017. Le parlement sera dorénavant doté d’une chambre haute, le Sénat, dont les 250 membres seront élus par un panel de grands électeurs (tous nommés conjointement par le roi et les militaires), et d’une chambre basse, la Chambre des représentants, dont les 500 membres seront élus tous les quatre ans.

Prévisions

La tenue des élections marque bien sûr une avancée, mais elle ne sera pas suffisante pour résoudre la crise sociale et politique qui perdure dans le pays depuis près de quinze ans. Afin de limiter le mécontentement populaire, l’interdiction d’organiser des réunions publiques (une des premières décisions prises au moment de leur arrivée au pouvoir) avait été assouplie en septembre, pour permettre aux différents partis de recruter de nouveaux membres et d’élire leurs dirigeants. Celle-ci n’a été totalement levée que le 11 décembre, ne laissant qu’un peu plus de deux mois aux partis politiques pour s’organiser et mener la campagne électorale.

Les risques de soulèvement populaire demeurent élevés, comme le montrent les nombreuses manifestations recensées depuis la levée de leur interdiction. Elles se sont d’ailleurs intensifiées depuis le début du mois de janvier, quand les militaires ont évoqué un possible report des élections, initialement prévues le 24 février. Officiellement, les militaires ne veulent pas que la tenue des élections interfère avec les préparatifs du couronnement du roi, prévu entre le 4 et le 6 mai prochains. Les élections pourraient donc être reportées après cette date.

…qui ne réduiront pas le pouvoir des militaires

Croissance soutenue

Au-delà des problèmes de calendrier, les élections ne permettront pas de véritable retour à la démocratie. La « réconciliation nationale » promise par les militaires au moment de leur arrivée au pouvoir n’a pas été mise en œuvre[1]. La junte au pouvoir semble décidée à le rester, et met tout en œuvre pour que les résultats des élections lui soient favorables. L’ambition des militaires depuis leur arrivée au pouvoir est de réduire au maximum l’influence du parti de Thaksin Shinawatra[2] (encore très forte) et des anti-monarchistes ; c’est très certainement dans ce but que les élections ont été plusieurs fois reportées.

La nouvelle constitution a d’ailleurs été rédigée par les militaires dans leur intérêt : quel que soit le résultat des élections, le nouveau gouvernement devra se conformer au « plan stratégique » (établi par le gouvernement actuel et inscrit dans la constitution), qui encadrera la vie politique du pays au cours des 20 prochaines années. Le nouveau gouvernement sera ainsi contraint par un ensemble de lois destinées à réserver le pouvoir aux militaires, au Sénat ainsi qu’aux agences « indépendantes ». Les nouvelles règles électorales semblent être pensées pour favoriser la fragmentation de l’opposition et empêcher la formation d’une coalition forte.

En outre, une autre disposition de la nouvelle règle électorale prévoit qu’un individu non membre du parlement - qui pourra être un militaire - puisse se porter candidat au poste de Premier ministre, si aucun candidat « naturel » n’émerge parmi les parlementaires. Cette disposition semble avoir été écrite sur mesure pour que Prayuth chan-o-cha, le Premier ministre en exercice depuis le coup d’Etat, puisse garder son poste.

La croissance devrait rester soutenue

Solde courant conséquent

Sur le plan économique, les perspectives à court terme restent bonnes, en dépit d’un ralentissement attendu en 2019 : la croissance du PIB sera probablement supérieure à 4% en 2018 (le taux de croissance le plus élevé enregistré depuis 2012), et devrait ralentir à 3,7% en 2019. Quel que soit le résultat des élections, la politique économique du nouveau gouvernement sera très encadrée par la « stratégie nationale » et aura donc peu d’effets sur la croissance.

D’une part, la croissance sera tirée par la demande interne, la consommation des ménages profitant de l’amélioration continue du marché du travail. D’autre part, la stratégie « Thailand 4.0 », qui prévoit une transition vers une industrie manufacturière à plus forte valeur ajoutée, et les différents projets d’infrastructures mis en place depuis 2016, notamment à l’est du pays (EEC – Eastern Economic Corridor), continueront de soutenir l’investissement public et privé. L’investissement public a déjà progressé de plus de 4% en moyenne au cours des trois premiers trimestres 2018.

En revanche, les exportations manufacturières (plus de 50% du PIB) vont ralentir. Après avoir rapidement progressé au cours des huit premiers mois de l’année (plus de 10% en glissement annuel entre janvier et août 2018), celles-ci ont déjà très fortement ralenti depuis le mois de septembre (progressant de moins de 1% entre les mois de septembre et novembre 2018). Ce ralentissement se poursuivra en 2019 car les exportations thaïlandaises subiront les effets conjugués de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis et du ralentissement de l’économie chinoise. La Chine et les Etats-Unis représentent chacun environ 12% des exportations de marchandises.

En outre, les exportations de services pourraient également être exposées au ralentissement de l’économie chinoise, via les recettes du tourisme (plus de 12% du PIB en 2017). Les touristes chinois ont représenté près de 30% du total au premier semestre 2018.

Inquiétudes à moyen terme

Logiquement, la baisse des recettes de tourisme et des exportations, ainsi que l’augmentation des importations consécutives à l’avancée des projets d’infrastructures pèseront sur l’excédent courant, qui se réduira à 7% du PIB en 2019, après 8% en 2018 et plus de 11% du PIB en 2016-2017. L’excédent courant reste toutefois conséquent et permet de compenser largement les sorties structurelles de capitaux (IDE des entreprises thaïlandaises à l’étranger).

La politique budgétaire restera accommodante, mais le déficit devrait rester contenu. Les dépenses pré-électorales et les différents projets d’infrastructures mis en place par le gouvernement augmenteront le déficit public (attendu à plus de 2% du PIB en 2018 et 2019). La dette publique devrait légèrement augmenter mais rester modérée (à 42% du PIB en 2019, alors qu’elle se situait à 40% du PIB en 2017), et son profil demeurer favorable (moins de 1% de la dette est libellé en devises, et moins de 15% est détenu par des non-résidents).

Comme c’est le cas depuis une dizaine d’années, les perspectives de moyen et long terme continuent de se dégrader. Les nombreux défis structurels auxquels le pays est confronté (vieillissement de la population, bas niveau d’éducation et surtout baisse de l’attractivité du pays et des entrées d’IDE suite à la crise politique) s’amplifient, sans qu’aucune solution durable ne soit apportée. Si elles sont effectivement mises en place, les réformes prévues par la « stratégie nationale » et les plans « Thailand 4.0 » et l’EEC, devraient permettre d’augmenter l‘attractivité du pays et la productivité, et permettre à l’industrie du pays de monter en gamme dans les chaînes de valeur. Mais la mise en place des réformes souffre du manque de continuité politique.

[1] Schématiquement, l’exercice du pouvoir oppose l’élite, la bureaucratie et les militaires (urbains, proches de la royauté), qui entendent détenir l’intégralité du pouvoir, aux « démocrates », ruraux, pour qui le pouvoir doit être exercé par des représentants politiques élus. La nouvelle constitution semble creuser davantage l’écart entre les deux camps et institutionnaliser la présence des militaires et des élites au pouvoir.

[2] Premier ministre de 2001 à 2006, renversé par un coup d’Etat et en exil depuis, pour échapper à une accusation de corruption qu’il juge politique.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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