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EcoEmerging// 1 trimestre 2019
economic-research.bnpparibas.com
Editorial
La dette, encore et toujours
L’endettement dans les pays émergents et en développement est un thème récurrent qui ressurgit lorsque les conditions
financières se durcissent et/ou l’activité économique ralentit. Le FMI a notamment publié sur son blog une tribune sur le sujet avec
un titre assez alarmiste. Il est vrai que la révision en baisse de la croissance, le renchérissement du dollar et la normalisation/le
durcissement des politiques monétaires, jusqu’à présent plutôt accommodantes, vont se conjuguer pour alourdir la charge de
l’endettement. Mais les pays débiteurs à risque sont peu nombreux et la probabilité que l’endettement engendre une crise
systémique de crédit reste faible même si elle a augmenté pour les pays les plus vulnérables.
L’endettement dans les pays émergents et en développement
1- Dette des principaux pays émergents (% PIB)
(
PEED) est un thème récurrent qui ressurgit lorsque les conditions
financières se durcissent et/ou l’activité économique ralentit, ce qui
est le cas actuellement . Les grandes institutions financières
internationales continuent, en effet, de revoir à la baisse leurs
prévisions de croissance.
▬ Secteur privé non financier ▪▪▪ Hors Chine et HK
▬ Administrations publiques ▪▪▪ Hors Chine et HK
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■
Le ralentissement se confirme
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Par rapport à juin 2018, la Banque mondiale (BM) a abaissé sa
prévision de croissance de l’ensemble des PEED de 0,6 point de
pourcentage (pp) pour 2019 (4,2% contre 4,8%) et de 0,2 pp pour
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020 (4,5% contre 4,7%). Le FMI vient également de revoir en
baisse, pour la deuxième fois consécutive, sa prévision à 4,5% pour
019 contre 5,1% en juin 2018 (soit une révision équivalente à celle
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de la BM). En revanche, pour 2020, le FMI prévoit une ré-
accélération un peu plus marquée que la BM à 4,9%.
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
Source : BRI
La révision encore modeste de la croissance chinoise depuis la mi-
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018 (-0,2 pp pour le FMI, -0,1 pp pour la BM) n’explique qu’environ
0% à 15% de la révision pour l’ensemble des PEED (le PIB chinois
politique monétaire, notamment pour les pays ayant subi de fortes
pressions sur leur devise comme l’Argentine et la Turquie).
représente environ 30% du PIB des PEED). Les 85% à 90%
restants s’expliquent par les effets induits du ralentissement de la
Chine sur les pays d’Asie et une reprise laborieuse de l’économie
russe malgré le rebond des prix du pétrole (cf. infra). A cela
s’ajoutent les ralentissements marqués en Afrique du Sud et au
Mexique, et les récessions en Argentine, Iran, Turquie et Venezuela.
■ Une dette privée plus élevée mais soutenable
Ces deux facteurs vont se conjuguer pour alourdir la charge de
l’endettement des PEED. Le FMI et l’IIF insistent sur le fait que,
depuis la crise de 2008-2009, il n’y a pas eu de désendettement
(
« deleveraging ») du secteur privé non financier dans les PEED,
La révision à la baisse de la croissance de l’ensemble des PEED se
fonde principalement sur les données d’enquête et les indicateurs
conjoncturels usuels (production industrielle, exportations, ventes
au détail) qui marquent le pas ou se dégradent depuis la mi-2018.
Plus fondamentalement, cette révision se justifie par : 1/ le
ralentissement du commerce mondial en 2019 (de 0,6 pp par
rapport aux anticipations à la mi-2018, tant pour le FMI que pour la
BM), et 2/ les effets du durcissement des conditions financières
externes (élévation des primes de risque, dépréciation des devises
contre dollar) et internes (normalisation ou durcissement de la
contrairement aux pays avancés. Cela est vrai au niveau agrégé car
la Chine explique à elle seule la poursuite de la hausse du ratio
dette du secteur privé/PIB sur les dernières années (hors Chine, le
ratio est globalement stable depuis 2016 – graphique 1). Cependant,
même hors Chine, il est sensiblement plus élevé que ce qu’il était
avant la crise de 2008-2009 (82% du PIB au T3 2018 contre 64% fin
2007). Elément aggravant, l’endettement en devises a fortement
progressé sur les dernières années, surtout si on exclut la Chine.
D’après l’IIF, depuis 2015, la dette en devises du secteur non
bancaire (y compris la dette souveraine en devise) des pays
émergents hors Chine est passée de 14% à 20% du PIB et dépasse
son précédent point haut de la fin des années 90, avant la crise
financière asiatique.
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Le FMI a récemment publié une tribune de Martin Muhselsein et Mark Flanagan
intitulée, de manière assez alarmiste, « Three steps to avert a debt crisis » où les
auteurs, exploitant la base du FMI qui couvre 190 pays, mettent l’accent sur
l’endettement dans les pays émergents. L’IIF a fait de même dans la dernière mise
à jour de son Global Debt Monitor intitulée « Devils in the details ». Enfin, dans le
dernier Global Economic Prospects de la Banque mondiale paru en janvier, un
chapitre est consacré à l’endettement des pays à faible revenu (« Debt in low-
income countries : Evolution, Implications and Remedies »).
L’endettement soulève au moins deux interrogations. Quels pays
seront confrontés à une forte augmentation des remboursements de
dette dans les années à venir ? La hausse de l’endettement
pourrait-elle engendrer une crise de crédit ?