Fort rebond de l’activité
L’accélération de l’activité économique observée en 2017 s’est confirmée en 2018. Au troisième trimestre de 2018, la croissance économique a atteint 3,8% en termes réels. Le principal moteur de l’activité reste la demande domestique et plus particulièrement l’investissement productif qui reste inscrit dans un cycle haussier (+6,9% g.a.). L’investissement est dynamique à la fois dans le secteur public et privé, ce dont bénéficie notamment la construction dont l’activité a crû de 18% en termes réels par rapport à la même période de 2017. Par ailleurs, l’attractivité de l’économie serbe auprès des investisseurs étrangers reste forte. Les investissements directs étrangers (IDE) ont crû de 9% en valeur sur les dix premiers mois de 2018, et devraient être équivalents à 6% du PIB en 2018. La destination sectorielle de ces IDE est assez diversifiée et environ un tiers concerne des activités exportatrices.
La consommation privée (+3,3% g.a. en T3 2018) est l’autre moteur de la croissance serbe. Tout en restant à un niveau relativement élevé, le taux de chômage continue de baisser et a atteint 11,3% au T3 2018. Parallèlement, la croissance réelle du salaire moyen reste supérieure à 3% sur un an. Les transferts des expatriés constituent un autre élément de soutien. Ces transferts étaient en hausse de 18% en octobre 2018 en glissement annuel et représentent plus de 8% du PIB. L’accélération du crédit aux ménages se poursuit (+12% g.a. en novembre 2018) et contribue favorablement à l’évolution de la consommation. Par ailleurs, l’amélioration significative des comptes publics a permis une hausse plus affirmée de la dépense publique (+4% g.a. en T3 2018).
Sans surprise, la contribution externe à la croissance économique reste négative étant donné l’effet d’entraînement de la demande interne sur les importations de biens de consommation et d’équipement. Celles-ci ont crû de 11% au T3 2018 (g.a.) contre 9% environ pour les exportations. Ces dernières ont bénéficié du dynamisme des biens intermédiaires (métaux et plastiques notamment) ainsi que des pièces détachées destinées à l’industrie automobile.
Selon les premières estimations de l’office de statistiques serbe, la croissance réelle du PIB devrait atteindre 4,4% en 2018 contre 2% en 2017. A court terme, les perspectives sont un peu moins favorables mais la croissance devrait rester supérieure à 3,5% en 2019. La demande interne devrait être soutenue par l’évolution favorable du marché du travail, les gains de pouvoir d’achat et une baisse des taux d’intérêt réels. Néanmoins, le ralentissement de la croissance européenne (1,5% attendu en 2019 contre 2,2% estimé en 2018 pour la zone euro) devrait peser sur les exportations. L’Union européenne est le débouché d’environ deux tiers des exportations serbes.
Une politique monétaire prudente
Malgré le dynamisme de la croissance, la hausse des prix reste contenue et s’inscrit en baisse par rapport à 2017. L’inflation des prix à la consommation a atteint 2% en moyenne en 2018 contre 3,2% en 2017. Ce sont principalement l’alimentation et l’énergie qui l’alimentent. Hors énergie et biens alimentaires, la hausse des prix à la consommation a atteint 1,3% en moyenne annuelle en 2018. Par ailleurs, la stabilisation du dinar par rapport à l’euro au cours de l’année 2018 (+0,2%) a pu contribuer à la modération de l’inflation.
Depuis 2009, la banque centrale poursuit officiellement une politique monétaire de ciblage d’inflation. Actuellement, la bande de fluctuation cible pour la variation annuelle moyenne des prix à la consommation est 3,0% +/-1,5%. Les anticipations d’inflation à court terme s’établissent à environ 3%. Dans ce contexte, et pour tenir compte des incertitudes concernant, d’une part, le rythme du durcissement monétaire en zone euro, et, d’autre part, l’incertitude quant à l’évolution des prix mondiaux de l’énergie, la banque centrale a maintenu le statu quo monétaire en gardant son taux directeur à 3% (inchangé depuis avril 2018) lors de sa réunion du 10 janvier dernier. Par ailleurs, la banque centrale intervient sur le marché des changes afin de réduire la volatilité du taux de change (mais sans objectif de cours). L’euroisation des bilans bancaires est élevée (environ 70% des crédits et dépôts) et la part de la dette publique libellée en devises est très significative.
Assainissement des finances publiques
Grâce à l’effort de consolidation budgétaire mené sous l’égide du FMI (Stand-By Arrangement terminé en février 2018) et la forte progression des recettes, les comptes publics ont enregistré un surplus pour la deuxième année consécutive. Après 1,2% du PIB en 2017, le surplus budgétaire devrait s’être réduit à 0,5% du PIB en 2018 en raison d’une forte hausse à la fois des dépenses courantes et de l’investissement. Pour sa part, le solde budgétaire primaire (i.e hors intérêts) devrait être supérieur à 3% du PIB. En 2019, étant donné le léger fléchissement attendu de la croissance économique et le maintien d’une politique de soutien à l’activité, le solde budgétaire devrait être légèrement en déficit (0,3% du PIB).
Ce contexte budgétaire favorable a permis une baisse du ratio de dette publique. Celui-ci devrait atteindre 56% du PIB en 2018 (contre 69% du PIB en 2016), et se réduire à 54% en 2019. La prime de risque de moyen terme appliquée à la dette souveraine externe en devises est en baisse régulière. Elle est actuellement inférieure à 110 points de base (pb) contre plus de 200 pb à fin 2016. Cependant, la composition de la dette du gouvernement reste une source de vulnérabilité. A fin 2017, environ 42% de la dette totale du gouvernement était libellée en euro et 19% en dollar US. Au total, plus de 77% de cette dette est en devises (dont 36% de celle émise sur le marché domestique) bien que le gouvernement ait introduit une stratégie de dinarisation de la dette depuis 2012. La dépendance aux investisseurs étrangers est significative puisqu’ils détiennent plus de 70% de la dette.
Un certain nombre d’éléments limitent le risque de refinancement. Grâce à l’émission de titres longs sur le marché domestique, la maturité résiduelle de près de la moitié des titres émis localement (en devises et en dinars) est supérieure à trois ans. Le risque de change est limité par certains éléments : la politique de change prudente de la banque centrale, l’utilisation de produits de couverture et l’amélioration des comptes externes permettent une appréciation du dinar. En 2018, les réserves de change de la banque centrale ont augmenté de 14% pour atteindre EUR 11,3 mds, soit plus de cinq mois d’importations de biens et services.
Des faiblesses structurelles persistantes
Malgré cette situation conjoncturelle favorable et des perspectives plutôt bien orientées, un certain nombre de faiblesses structurelles demeurent et affectent négativement le potentiel de l’économie serbe.
La population (environ 7 millions de personnes en 2018) se réduit depuis de nombreuses années. Le taux de décroissance annuel s’élève à 0,5% et le pays a perdu environ 480 000 habitants depuis 2002. Par ailleurs, la productivité du travail est faible par rapport à la moyenne des pays de la région et la valeur ajoutée par employé est même inférieure à celle des pays des Balkans de l’Ouest.
La restructuration des entreprises publiques reste l’élément central de la transition économique. Si les progrès dans ce domaine sont réels, ils restent insuffisants. Selon la BERD, les entreprises publiques (hors secteur financier) représentent environ les deux tiers du PIB et sont actives dans l’ensemble des secteurs économiques. Sur la période 2012-2015, la rentabilité moyenne de ces entreprises était à peine positive, ce qui représente un risque potentiel pour la consolidation des comptes publics. Cependant, étant donné la poursuite des privatisations (plus de 45 opérations effectuées depuis 2015), le poids sur les finances publiques se réduit. Ainsi, les garanties du gouvernement s’élevaient à 3,7% du PIB en octobre dernier contre 7,8% du PIB en 2013.
Enfin, l’environnement politique et institutionnel est un autre facteur contraignant le potentiel économique. Les indicateurs de gouvernance ne sont pas favorables (application de la loi, corruption) et la situation politique régionale est une source de tension potentiellement importante. Ce sont autant de contraintes à l’accélération du processus d’accession à l’Union européenne.