Ralentissement de la croissance, mais les perspectives restent bien orientées
Au deuxième trimestre de l’exercice budgétaire 2018/19 (juillet-septembre 2018), la croissance du PIB indien a décéléré à 7,2% en glissement annuel (g.a.). Ce ralentissement reflète principalement la contribution négative des exportations nettes à la croissance induite par une forte hausse des importations (pétrole et biens d’équipement).
En effet, la demande intérieure est restée dynamique bien qu’en légère décélération par rapport au trimestre précédent. La consommation des ménages a été soutenue par la diminution des pressions inflationnistes (même si la baisse des prix agricoles a pesé sur les revenus des ménages ruraux). La croissance des investissements est restée soutenue pour le troisième trimestre consécutif (+12,5% en g.a.) en raison de la hausse des dépenses d’infrastructure du gouvernement, de l’accélération du crédit bancaire et de la hausse des taux d’utilisation des capacités de production dans le secteur manufacturier.
Contre toute attente, la forte hausse des prix du fioul a été plus que compensée par la baisse des prix alimentaires (-2,6% en g.a. en novembre), lesquels constituent toujours une partie très importante du panier de consommation des ménages indiens (39%). Ainsi, fin novembre la hausse de l’indice général des prix était contenue à 2,3% en g.a. soit un rythme bien inférieur à la cible fixée par les autorités monétaires (4% +/- 2 points de pourcentage).
Malgré l’accélération du crédit (+13% en g.a.) la banque centrale indienne a décidé de maintenir ses taux directeurs à 6,5% lors du dernier comité politique monétaire de décembre dans un contexte de moindre volatilité de la roupie (INR). Néanmoins, les taux d’intérêt sur les crédits nouvellement accordés ont enregistré une légère hausse au troisième trimestre (+20 pb), reflet notamment du durcissement de la politique monétaire en juin et en août.
Les perspectives de croissance restent bien orientées. La croissance sur l’ensemble de l’année 2018/19 devrait être proche de 7,4% pour accélérer progressivement au cours des deux prochaines années malgré le ralentissement de la demande extérieure. Elle sera soutenue par le dynamisme de la demande intérieure. L’assainissement du secteur bancaire sera favorable à la reprise des investissements privés dans l’industrie, même si le léger relèvement des taux devrait se poursuivre.
Dérapage budgétaire du gouvernement central sur les sept premiers mois de l’exercice en cours
Après cinq années de consolidation, le gouvernement central pourrait, pour la deuxième année consécutive, ne pas atteindre son objectif de réduction du déficit budgétaire (de 3,5% du PIB en 2017/2018 à 3,3% du PIB en 2018/2019). En effet, les recettes budgétaires, et notamment celles issues de la TVA, seraient bien inférieures aux objectifs du gouvernement.
Sur les sept premiers mois de l’exercice budgétaire 2018/2019, qui s’achèvera au 31 mars 2019, le déficit budgétaire a atteint 104% de sa cible annuelle. Or, le gouvernement avait comme objectif de ne pas dépasser 75% à cette période, afin de ne pas être contraint de revoir à la baisse ses dépenses prévues au second semestre de l’exercice budgétaire. L’année dernière, à la même époque, le déficit atteignait 96% de sa cible annuelle. Cette dégradation s’explique principalement par des recettes inférieures aux objectifs. En effet, bien qu’en hausse de 8,2% par rapport à l’année dernière, elles n’ont atteint que 45,7% de leur cible sur les sept premiers mois de l’exercice en cours contre 48,1% l’année dernière et 50% en moyenne au cours des trois derniers exercices. En effet, même si les revenus issus de la TVA ont enregistré une augmentation significative, ils restent encore très inférieurs aux prévisions du ministère des Finances (35% de l’objectif annuel atteint).
Sur les sept premiers mois de l’exercice budgétaire, les dépenses publiques ont été relativement conformes aux objectifs du budget car elles n’ont atteint que 59,6% des dépenses annuelles, soit légèrement moins que l’année dernière, en dépit de la hausse du coût des subventions sur les prix de l’essence (+7,2%). Point positif : les dépenses d’investissement, indispensables pour soutenir la croissance à moyen terme, ont augmenté de près de 9% par rapport à la même période l’année dernière et atteint 58,9% de l’objectif annuel.
Néanmoins, il sera difficile pour le gouvernement de respecter son objectif de baisse de 0,2 point de pourcentage du déficit budgétaire, à moins qu’il ne réduise significativement ses dépenses d’investissement sur la seconde partie de l’exercice. La baisse des prix du pétrole depuis la mi-octobre devrait néanmoins lui permettre de réduire ses subventions sur l’essence et le manque à gagner sur les taxes à l’importation[1].
Les Etats, à l’inverse du gouvernement central, sont parvenus à contenir leur déficit budgétaire au premier semestre de l’exercice budgétaire en cours, lequel a atteint moins de 35% de sa cible fixée à 2,6% du PIB pour l’ensemble de l’année (vs 3,1% du PIB en 2017/18)[2]. Ce bon résultat, à l’image de celui de l’année dernière, reflète essentiellement une hausse des recettes induites par les transferts de la part du gouvernement pour compenser les pertes de revenus induites par la mise en place de la TVA. Cependant, contrairement au gouvernement central, les Etats engageront la plus grande partie de leurs dépenses au deuxième semestre de l’exercice budgétaire. Trois Etats ont par ailleurs annoncé des dépenses supplémentaires suite au changement de gouvernement après les résultats des élections le 11 décembre dernier : le Madhya Pradesh, le Rajasthan et le Chhasttigarh. Les nouveaux gouverneurs (membres du parti du Congrès) ont décidé d’annuler certains prêts contractés par les agriculteurs (à l’instar de ce qui a déjà été fait précédemment dans sept autres Etats) et d’augmenter le prix de vente minimum de certaines cultures en plus de ce qui a été annoncé par le gouvernement Modi cet été. Le coût de l’annulation des prêts s’élève dans certains Etats, comme le Madhya Pradesh, à 20% de leur budget et devra donc être réparti sur plusieurs années. Même si le risque de dérapage budgétaire dans les Etats reste contenu, ces annulations de dettes, à l’instar de celles dont ont bénéficié les entreprises publiques d’électricité, ne sont pas favorables à la mise en place d’une bonne gouvernance et d’une bonne gestion des risques de crédit dans le pays.
En dépit des risques de dérapage budgétaire, le FMI prévoyait en octobre une diminution du ratio de dette publique rapportée au PIB. Au cours des cinq dernières années, ce ratio a augmenté de plus de deux points de pourcentage selon la banque centrale et il est resté bien supérieur à ce qui prévalait dans les autres pays d’Asie (68,9% du PIB en mars 2018 selon la banque centrale). Une simple stabilisation est le plus probable.
Stabilisation de la situation des banques publiques
La situation des banques a cessé de se dégrader mais elle reste fragile. Au T2 2018/2019, le taux de créances douteuses a décliné pour la première fois depuis mi-2014 pour atteindre 10,8% (14,8% dans les banques publiques). Le taux de provisionnement, bien que toujours très insuffisant, s’est élevé à 52,4% en septembre contre 48,1% en mars 2018. Dans le même temps, les ratios de solvabilité se sont légèrement dégradés. Afin que les banques les plus fragiles puissent respecter le ratio fixé à 9% au 31 mars 2019, le gouvernement a annoncé qu’il injecterait INR 410 mds supplémentaires d’ici là. En effet, en raison de leurs difficultés financières, les banques publiques ne sont parvenues à lever que INR 240 mds sur les 580 mds nécessaires. L’apport du gouvernement s’élèverait ainsi à INR 1060 mds sur l’année budgétaire 2018/19. Par ailleurs la banque centrale a annoncé le report d’un an du relèvement de 0,625% du ratio de fonds propres de précaution (« Capital Conservation Buffer ») à 2,5%.