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EcoEmerging// 1 trimestre 2019
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Même s’il est trop tôt pour évaluer l’efficacité de cette politique
monétaire et de change, le rythme d’inflation a nettement ralenti
depuis le pic atteint en septembre, de 6,5% (par mois) à 3,2% en
novembre pour l’indice d’ensemble, et de 7,6% à 3,3% pour
l’inflation sous-jacente. Ceci a permis à la BCRA d’abaisser le
plancher de 60% qu’elle s’était fixée pour son taux d’intervention
tant que le taux d’inflation anticipé sur 12 mois n’enregistrait pas,
dans les enquêtes, deux mois de baisse consécutive (ce qui fut le
cas en novembre). La stabilité du peso et la tendance baissière des
cours des métaux puis de ceux du pétrole ont même conduit à un
repli des prix à la production de 0,6% sur un mois en novembre
contre +16,2% en septembre. Les anticipations d’inflation montrent
plus de rigidité mais elles s’infléchissent également.
Le seul point positif est que la contribution des échanges extérieurs
est devenue positive au T3 sous l’effet de la contraction des
importations mais également grâce au rebond des exportations.
Toutefois, les chiffres de la production industrielle et les enquêtes
laissent anticiper une nouvelle baisse du PIB au T4. La
consommation des ménages n’est pas prête de se redresser
compte tenu de la contraction des salaires réels (-11,3% sur un an
au T3 2018 contre +4% au T4 2017) et la baisse de l’emploi (-1,5%
en g.a. sur la période sept-nov 2018 contre 2% fin 2017). De plus, le
rebond des exportations n’empêchera pas une baisse de
l’investissement. Enfin, la politique budgétaire va rester très
restrictive avec un objectif de solde primaire (solde total hors charge
nette d’intérêts) à l’équilibre dès 2019.
La stratégie monétaire et de change n’est toutefois pas sans risque
pour la croissance. Premièrement, l’impossibilité de stériliser les
entrées et sorties de capitaux en dehors du corridor peut engendrer
une forte volatilité des taux d’intérêt. Même si la politique monétaire
est jugée crédible et permet une détente des taux réels, la volatilité
potentielle des taux monétaires aux bornes du corridor peut gêner la
décision d’investissement, laquelle nécessite une prédictibilité des
taux d’intérêts. Deuxièmement, l’existence d’une bande de
fluctuation (même large) introduit une contrainte à l’ajustement du
taux de change réel qui peut nuire à la compétitivité. Dans les deux
cas, le potentiel de croissance peut être bridé.
Pour l’heure, les effets de la récession sur les performances
budgétaires ne sont pas perceptibles. Au contraire, la maîtrise des
dépenses a permis au solde primaire de se réduire de 3,8% du PIB
en 2017 à 2,4% en 2018 selon les premières estimations du
ministère des Finances. Les dépenses primaires ont été ramenées
de 23,2% à 21,2% du PIB. La charge nette d’intérêts a en revanche
progressé de 2,2% à 2,4% du PIB. L’alourdissement de cette
dernière est encore très ténu mais son poids relatif va s’alourdir non
seulement à cause de la revalorisation des intérêts sur la dette en
devises mais aussi des taux d’intérêts réels domestiques plus
élevés qu’avant le choc financier de 2018.
Ces risques sur la croissance semblent relativement secondaires.
Les entreprises sont habituées à la volatilité financière et, au-delà
du cycle de la demande, les contraintes à l’investissement sont plus
à rechercher dans l’instabilité des politiques macroéconomiques et
de l’environnement des affaires que celui des taux d’intérêt. En
revanche, la solvabilité des agents économiques fortement endettés
en devises (l’Etat au premier chef) nécessite une stabilité du taux de
change réel. L’effet de revalorisation des dettes libellées en devises
sur la dynamique des ratios d’endettement est mécanique et massif
alors que celui du taux de change réel sur le compte courant est
L’équilibre de la balance des paiements reste fragile également. Le
déficit courant pourrait être divisé par deux, passant de
USD 31,3 mds en 2017 à 15 mds en 2019. Mais l’attentisme des
investisseurs à l’approche des élections d’octobre devrait réduire
l’excédent du compte financier. Les investissements directs et les
investissements de portefeuille des non-résidents (respectivement
USD 8,8 mds et 13,3 mds sur T1-T3 2018) vont se tarir. L’équilibre
de la balance des paiements dépendra des sorties de capitaux des
résidents qui ont été massives au cours des deux dernières années
(USD 20 mds en 2017 et 26 mds sur jan.-nov. 2018). Ces sorties
pourraient ralentir si le taux de change se stabilise. Rien n’est moins
sûr dans le contexte électoral à venir. Pour l’instant, grâce à
l’allongement des maturités obtenu lors de l’apurement des arriérés
en 2016, le service de la dette obligataire internationale de l’Etat
argentin (USD 190 mds) est largement supportable (8,1 mds en
3
faible . Plus généralement, la priorité pour soutenir la croissance est
d’infléchir durablement l’inflation afin de redonner des marges de
manœuvre à la banque centrale.
■
… mais au prix d’une récession sévère
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019). En revanche, celui de l’ensemble de la dette extérieure et de
la dette domestique libellée en dollars de l’Etat est massif
USD 37,5 mds), ce qui explique la taille de l’enveloppe accordée
L’économie a plongé en récession au T2 2018 et tout porte à croire
qu’elle n’en était pas sortie au T4 et que cette phase récessive se
prolongera au moins sur la première partie de 2019.
(
par le FMI.
La baisse cumulée du PIB réel sur les T2 et T3 2018 est estimée à
près de 5% (-3,9% comparée à la même période de 2017). Le
secteur agricole (8% du PIB en volume en 2017) a contribué très
largement à la baisse d’ensemble (-2,8% sur un an) en raison d’un
chiffre exécrable au T2, l’activité s’étant à peu près stabilisée au T3.
En revanche, l’activité des autres secteurs de l’économie
(
construction, industrie, services) a continué de se contracter bien
qu’à un rythme moindre qu’au T2.
3
D’après le FMI, l’élasticité du solde courant au taux de change réel est de
seulement -0,06 à comparer, par exemple, avec -0,23 pour la Chine qui est déjà
considérée comme faible. Cette très faible élasticité s’explique largement par la
structure des exportations dominées par les produits primaires.