- Il fut un temps, pas si lointain, où les taux d’intérêt du marché monétaire étaient négatifs en Europe, et où l’Etat français pouvait emprunter presque gratuitement, même sur des échéances longues…
- L’inflation semblait avoir disparu des radars, au point que les banques centrales se préoccupaient surtout de la langueur des prix, peinant à en prédire la fin.
- Il aura fallu que surviennent une catastrophe sanitaire mondiale ainsi qu’une guerre aux portes de l’Europe pour que les choses changent, peut-être de manière définitive.
- Pour contrer les effets dépressifs de la Covid-19, les banques centrales ont massivement racheté la dette des États, qui a elle-même beaucoup gonflé ; ce sont des conditions de liquidité très amples qui ont soutenu la demande en phase de pénurie d’offre et ravivé l’inflation, au-delà de toute attente.
- On connait la suite. D’expansives, les conditions monétaires sont devenues restrictives ; les déséquilibres sur le marché des biens se sont résorbés ; la hausse des prix s’est assagie.
- Beaucoup d’observateurs estiment néanmoins que nous sommes entrés dans un régime d’inflation durablement plus élevé qu’avant la pandémie. Les arguments ne manquent pas : coût de la transition verte (que l’on appelle aussi « greenflation »), vieillissement de la population créant une pénurie de main d’œuvre et une pression à la hausse sur les salaires, etc.
- Est-ce que, pour autant, la cible des 2% cesse d’être pertinente ? Nous ne le pensons pas, du moins en ce qui concerne la zone euro.
- Comme déjà indiqué, la hausse tendancielle des prix était faible avant la crise épidémique : à peine plus de 1% hors éléments volatils. Un passage à 2%, soit un doublement du rythme, constituerait bien un changement de régime, mais qui ne ferait somme toute que ramener l’inflation dans sa cible.
- Quant à l’éventualité d’une dérive plus forte, elle est peu probable, car l’inflation est aussi (voire exclusivement pour certains) un phénomène monétaire. Or sur ce terrain, on ne décèle pas de rupture. Après s’être envolé durant la période COVID, le ratio de la masse monétaire M3 rapportée au PIB est revenu sur une pente douce, très similaire à celle d’avant la pandémie.
- Les anticipations de marché, observables au travers des « points morts d’inflation », restent, quant à elle, ancrées dans la zone des 2%.
- En résumé, si la cible de 2% d’inflation n’est pas nouvelle et reste crédible, il y a des chances de la voir se matérialiser plus souvent, dans un environnement où l’instabilité géopolitique est devenue la norme.
- Cela devrait conduire la BCE à plus de vigilance. Sauf accident majeur, tout retour des taux monétaires au voisinage de zéro, a fortiori au-dessous, paraît exclu.
- Les rendements à long-terme, qui sont pour partie le reflet des taux courts anticipés, devraient donc s’en trouver durablement plus élevés ; quant à la prime de terme réclamée par les investisseurs, elle aurait elle aussi tendance à augmenter, avec des appels publics de plus en plus massifs au marché de la dette.
- A quel niveau pourraient finalement se stabiliser la moyenne des taux à long-terme en zone euro ? Souvent, c’est le taux de croissance potentiel de l‘économie qui sert de point de convergence vers l’équilibre. L’OCDE l’estime à 1,2% par an en termes réels, soit 3% par an environ en terme nominal, si l’on retient une cible d’inflation de 2%.
- Il se trouve que 3% est aujourd’hui le niveau de taux d’intérêt autour duquel les États empruntent (à dix ans) en zone euro, les meilleurs profils de risque payant un peu moins, les moins bons, un peu plus.
- Nous serions donc loin des niveaux très bas, mais en partie anormaux, qui prévalaient avant la pandémie, ce qui a de quoi satisfaire les épargnants, mais pas les États, qui voit leur équation budgétaire se compliquer singulièrement avec l’alourdissement de la charge d’intérêts sur la dette.