Les actions visant à limiter le réchauffement climatique et, de manière plus générale, à permettre une production et des dépenses plus durables requerront des investissements considérables.
Pour que l’Union européenne atteigne ses objectifs énergétiques et climatiques à l’horizon 2030, il faudra, selon les estimations de la Commission européenne, EUR 260 mds d’investissements supplémentaires par an[1] sur les dix prochaines années, soit 1,5% du PIB. Cet effort devra être consenti par le secteur privé (EUR 160 mds, voir graphique) — les entreprises et les ménages — comme par le secteur public. Concernant ce dernier, cela implique un accroissement des pressions sur les finances publiques, et pose la question d’un éventuel effet d’éviction dû à un programme public massif d’investissement vert.
L’augmentation du besoin de financement du secteur public pourrait, en effet, se traduire par des tensions sur les taux d’intérêt[2] qui freineraient les investissements du secteur privé. Cependant, un tel risque semble peu probable à court terme. La croissance du PIB devrait accélérer au second semestre de cette année et stimuler la propension des entreprises à investir. Cela permettrait de compenser l’effet défavorable d’une légère hausse des taux d’intérêt. De plus, les achats d’actifs en cours, par la BCE, limiteraient aussi la probabilité d’une hausse significative des rendements obligataires.
Il existe d’ailleurs un contre-argument très valable selon lequel l’accroissement de l’investissement public dans la lutte contre le changement climatique et dans la transition énergétique pourrait avoir un effet d’entraînement en stimulant l’investissement privé[3]. Cet effet pourrait résulter de la réduction du risque climatique — les entreprises étant dès lors plus confiantes dans la réalisation de leurs objectifs à long terme — ou, et il est important de le souligner, d’effets positifs indirects des investissements publics verts. Les sociétés pourraient ainsi augmenter leurs dépenses de R&D, une condition essentielle pour être plus innovantes et compétitives, ce qui, à son tour, stimulerait l’emploi, l’investissement des entreprises et, par conséquent, la croissance du PIB. Telle est la philosophie qui sous-tend le plan Next Generation EU.
La question d’un éventuel choc en retour à moyen terme reste néanmoins posée. Dans de nombreux pays, les finances publiques se sont considérablement dégradées sous l’effet de la pandémie de Covid-19. La réduction structurelle des déficits publics devra être progressive pour ne pas anéantir la reprise. Si l’on ajoute à cela la nécessité d’effectuer d’importants investissements verts, l’endettement public risque même de continuer à augmenter. En fin de compte, cela pourrait conduire à une réévaluation du risque souverain et, par conséquent, à une hausse des rendements obligataires. Pour autant, cela ne devrait pas empêcher les États de procéder aux investissements nécessaires. Si les efforts collectifs s’avéraient insuffisants, cela aurait inévitablement des conséquences économiques négatives par la suite. Pour reprendre la terminologie relative à la soutenabilité de la dette[4], la croissance attendue du PIB nominal à long terme (g) baisserait, ce qui pourrait entraîner une augmentation du taux d’intérêt nominal moyen (r) via l’effet lié à la prime de risque souverain. À l’inverse, la réalisation des investissements nécessaires permettrait de préserver g. Il reste à établir dans quelle mesure les coûts d’emprunt augmenteraient en conséquence. L’émission d’obligations vertes – dont le rendement est, en général, plus faible que celui des obligations conventionnelles – serait un bon moyen de réduire une telle probabilité. Une communication claire en direction du marché, sur la manière dont le produit de l’émission obligataire sera affecté, pourrait y contribuer aussi. Les investissements publics verts devraient avoir un rendement correspondant à un multiple du coût d’emprunt, surtout si on tient compte des effets indirects, de sorte que, pour la société dans son ensemble, ils soient créateurs de valeur, ce à quoi les investisseurs obligataires devraient être sensibles.