Bonjour à tous, et bienvenue dans ce nouveau podcast consacré au « Pacte vert : où en est l’Europe de ses engagements climatiques ». Je suis Claire d’Izarny, membre de l’équipe Information et Communication des Études Économiques de BNP Paribas et nous recevons aujourd’hui Jean-Luc Proutat, responsable des projections économiques de BNP Paribas.
Bonjour Jean-Luc,
Jean-Luc Proutat:
Bonjour, Claire, bonjour à tous
Claire d'Izarny :
Nous avons assisté ces dernières semaines à une bataille politique au parlement européen sur le projet de loi sur la restauration de la nature, qui a finalement été rejeté par la commission environnement, fragilisant ainsi l’ambitieux pacte vert.
Jean-Luc, vous qui suivez les questions relatives à l’énergie et au climat, nous aimerions que vous nous parliez plus en détail de ce fameux pacte vert. On sait que pour limiter le réchauffement climatique, la décarbonation des économies est un impératif, auquel l’Union européenne répond avec ce « pacte vert ».
Alors, première question, assez évidente, pouvez-vous nous dire ce que cela recouvre ?
Jean-Luc Proutat :
- Le pacte vert constitue, au niveau européen, la traduction politique et juridique de l’accord de Paris sur le climat signé en 2015, dont on rappelle qu’il vise à limiter à 1,5°C la hausse globale des températures par rapport à l’ère préindustrielle, par convention la période 1850-1900.
- Afin de se conformer à cet objectif, l’Union Européenne ambitionne de réduire d’au moins 55% ses émissions nettes de gaz à effet de serre en 2030, par rapport à 1990. La neutralité climatique, qui consiste à ne pas émettre davantage que ce que les puits naturels de carbone, comme les forêts et les océans, sont capables d’absorber, est quant à elle visée pour 2050. Notons que ces objectifs sont juridiquement contraignants, puisque le pacte vert a désormais force de loi.
Claire d'Izarny :
Ceci me fait revenir sur l’extrait du discours que vous avez entendue en introduction. Il a été prononcé par Charles Michel, président du conseil de l’Europe, lors du sommet des dirigeants sur le climat organisé par le président Joe Biden en avril 2021. Il y met en avant le rôle moteur de l’UE dans la lutte contre le changement climatique. D’ailleurs la loi européenne sur le climat, qui est au cœur du pacte vert, a été adoptée au mois de juin de la même année.
Jean-Luc Proutat:
- Exactement, et à laquelle les Etats doivent donc se conformer. Celle-ci recouvre de nombreuses dispositions, qu’il serait trop long de détailler ici, mais qui ont toutes pour objectif d’accélérer la sortie des énergies fossiles, au profit des énergies renouvelables telles que le solaire, l’éolien, la géothermie ou la biomasse.
-Celles-ci devront représenter 40% à 45% du mix énergétique européen en 2030, contre un peu plus de 20% aujourd’hui. Pour avancer dans ce sens, l’Union européenne use de la technique bien éprouvée de la « carotte » et du « bâton ».
- La « carotte » ce sont les quelque 800 milliards d’euros du plan « Next Generation EU » (NGEU), auxquels il convient encore d’ajouter 1.200 milliards d’euros en provenance du budget à long-terme de l’Europe. Ces sommes, pour un bon tiers d’entre-elles, vont accompagner la transition écologique, y compris dans ce qu’elle peut avoir d’inégalitaire puisqu’elles doivent abonder un fonds social pour le climat.
-A titre d’exemple, la France a perçu une quarantaine de milliards d’euros de subventions de la part de l’UE au titre du plan NGEU. Or cet argent lui sert notamment à financer le dispositif MaPrimeRenov’ qui vise à améliorer la performance énergétique des logements.
Claire d'Izarny : Ça, c’est pour la carotte. Et concernant le bâton ?
Jean-Luc Proutat :
- Le bâton, c’est une tarification plus dissuasive mais aussi plus exhaustive du carbone, à travers le système communautaire d’échanges de quotas d’émission, le SCEQE.
-Ce système a déjà été renforcé, ce qui permet à l’Union européenne de mieux contrôler le prix du CO2 émis sur son territoire. Au niveau actuel de 90 euros la tonne, on est proche de l’objectif visé par les Vingt-Sept ; on rompt aussi clairement avec le faible coût des émissions (environ 25 euros la tonne) qui a prévalu jusqu’en 2020.
-Dans le cadre du pacte vert, les quotas d’émission vont être réduits encore plus rapidement, tandis que ceux distribués gratuitement seront supprimés par étape. Enfin et surtout, le SCQE va englober dans sa deuxième version les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment et des transports routiers, normalement à compter de 2027.
Claire d'Izarny :
Ce renchérissement du coût du carbone en Europe ne comporte-t-il pas un risque de fuite, autrement dit de délocalisations dans des endroit où il est peu ou pas taxé ?
Jean-Luc Proutat :
- C’est précisément pour décourager ce type d’arbitrage que l’UE a voté (et est en train de mettre en place) un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui vise un rééquilibrage des prix entre émissions domestiques et importées de CO2.
- Ce que l’on peut dire c’est que, depuis sa création en 2005, le marché européen du carbone n’a jamais été remis en question et qu’il a même fini par faire école, en Chine par exemple ; il a indubitablement contribué à faire baisser les émissions communautaires de gaz à effet de serre, sans que l’on puisse mettre en évidence de fuite significative de carbone.
Claire d'Izarny :
Jean-Luc, dernière question, vous dites que l’UE est parvenue à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, où en est-elle précisément par rapport aux objectifs du pacte vert ?
Jean-Luc Proutat :
-L’Union européenne contribue pour à peu près 10% au total des rejets de gaz à effet de serre dans le monde, si l’on tient compte du CO2 quelle importe. A titre de comparaison, la Chine compte pour 27%, soit près du triple.
-Depuis 1990, elle a réussi à réduire de 27% ses émissions, ce qui est une moyenne puisque les activités couvertes par le SCEQE, autrement dit les industries les plus polluantes, sont allées plus vite.
-L’UE est l’endroit du monde où la part du fossile dans le mix énergétique a le plus reculé (bien davantage qu’aux Etats-Unis par exemple) et où, corrélativement, celle des énergies renouvelables a le plus progressé.
-Nul doute aussi que, dans cette dynamique, les transformations qui ont eu lieu au sein de l’industrie allemande, qui a progressivement délaissé le charbon au profit de gaz, ont aidé.
-On voit toutefois que, depuis la guerre en Ukraine, cette stratégie atteint ses limites. A l’avenir, il faudra compter davantage encore sur le renouvelable, notamment le solaire et l’éolien, pour atteindre l’objectif intermédiaire de 55% évoqué plus haut.
-Cela signifie que, même si le rythme de baisse des émissions a été relativement rapide comparé à ce qui peut se faire ailleurs, il faudra le tripler, pour l’amener à 5% par an.
Le défi reste donc considérable.
Claire d'Izarny :
En effet le défi est de taille.
Merci Jean-Luc pour ces explications sur le pacte vert européen et l’état des lieux de l’Union Européenne par rapport à ses objectifs pour 2030.
Pour une présentation exhaustive du pacte vert pour l’Europe vous pouvez consulter la page qui lui est consacré sur le site internet du conseil de l’Europe dont le lien est dans le déscriptif.
Et pour aller plus loin sur les engagements climatiques de la France vous pouvez consulter le rapport de France Stratégie de mai 2023 « Les incidences économiques de l’action pour le climat », et à propos duquel vous avez publié un graphique commenté au mois de juin Jean-Luc.
Jean-Luc Proutat : Tout à fait.
Merci à nos auditeurs, rendez-vous sur notre site internet, vous y retrouverez tout au long de l’année les analyses de notre équipe de recherche économique.
À très bientôt.
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