Une évaluation du coût de la transition écologique en France, la plus complète et documentée à ce jour, vient d’être faite par l’institut France Stratégie, à l’occasion d’un rapport abondamment commenté[1]. À horizon 2030, le respect de nos engagements climatiques - qui passe par une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990 - nécessitera près de EUR 70 milliards[2] ou 2,5 points de PIB de dépenses annuelles supplémentaires. À peu de chose près, cela équivaut à doubler le rythme auquel les investissements « climat » ont progressé jusqu’ici, en euros constants ; ou encore, pour reprendre l’expression des auteurs, « à faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans ».
Comment y parvenir ? Le rapport tient compte de l’effet de remplacement du capital « brun » par le capital « vert ». Les économies à venir sur le fossile faciliteront le passage des véhicules thermiques aux véhicules électriques, des chaudières (au fuel ou à gaz) aux pompes à chaleur, etc. Mais elles ne suffiront pas, notamment parce que le multiplicateur d’investissement associé à la transition écologique (le surcroît de PIB que l’on peut en attendre) est jugé faible. En cause, un fort contenu en importations des technologies « vertes » (panneaux solaires, batteries, éoliennes) dominées par l’Asie (Chine, Japon, Corée) ainsi que des modes de consommation plus sobres, tels que le rapport anticipe, par exemple, une limitation de l’usage individuel de l’automobile.
Une transition autofinancée s’avérant peu réaliste, la question de son accompagnement par la fiscalité ou l’emprunt se pose inévitablement. Si les auteurs du rapport n’ignorent aucune des deux pistes, ils rappellent à toutes fins utiles que les conditions d’un endettement supplémentaire (chiffré à 9 points de PIB pour l’État à horizon 2030) dépendront crucialement du niveau des taux d’intérêt, qui devront de préférence se maintenir au-dessous du taux de croissance nominal de l’économie.
Jean-Luc Proutat