Le US Congressional Budget Office (CBO) prévoit une forte contraction de l’économie au deuxième trimestre avec un taux de chômage qui dépasserait les 10%. Loretta Mester, la présidente de la Réserve fédérale de Cleveland, a déclaré que le chômage pourrait finir par se situer entre 15% et 30% aux Etats-Unis. Il s’agirait d’une augmentation spectaculaire par rapport aux 4.4% atteint en mars, mais certaines estimations sont beaucoup plus sombres : d’après une estimation de la Réserve fédérale de Saint-Louis[2], selon l’impact du confinement sur différents secteurs et catégories professionnelles, au deuxième trimestre 2020 47 millions de personnes pourraient perdre leur emploi, ce qui porterait le taux de chômage à 32 %.
Pour le prix Nobel Paul Krugman, « nous entrons dans l’équivalent économique d’un coma artificiel dans lequel certaines fonctions cérébrales sont délibérément arrêtées pour donner au patient le temps de guérir.[3] » En attendant le réveil, il faut toutefois continuer de payer les factures et les salaires. Larry Summers l’a très bien dit : « le temps économique s’est arrêté, mais pas le temps financier.[4]» Appliqué aux entreprises, cela signifie que leurs revenus diminuent ou disparaissent complètement du fait du confinement, et il en va de même des coûts variables. À un moment donné, elles pourraient être contraintes pour des raisons financières de réduire leurs coûts fixes, y compris des emplois. Le comportement des ménages en matière de dépenses pendant le confinement, mais aussi une fois que les choses seront revenues à la normale, dépendra beaucoup du fait qu’ils aient, ou non, un emploi et s’ils peuvent espérer le garder dans les mois à venir. Ainsi, en raison de la hausse du chômage et de la peur de perdre son poste, une crise sanitaire temporaire finirait par avoir un impact négatif durable sur l’économie.
Même lors d’une récession ordinaire, la dynamique du marché du travail peut expliquer pourquoi certaines reprises prennent du temps. Une façon d’y remédier est d’avoir recours au chômage partiel. Après la récession de 2008-2009, celui-ci a connu une hausse significative dans plusieurs pays européens, bien que le niveau absolu soit resté bas : environ 3% en Allemagne et en Italie, moins de 1% en France.
Aux États-Unis, où congédier des collaborateurs coûte moins cher aux entreprises, le pourcentage de salariés en chômage partiel était resté négligeable. Le chômage partiel permet de conserver son emploi, ce qui a l’avantage, au-delà de l’intérêt financier, de réduire l’incertitude. En outre, les entreprises peuvent reprendre progressivement leurs activités lorsque les choses s’améliorent sans avoir à consacrer du temps et de l’argent à de nouveaux recrutements.
Dans la crise actuelle, cette approche est encore une fois très largement adoptée en Allemagne. En mars, l’Office fédéral de l’emploi (OFE) a reçu environ 470 000 demandes d’entreprises. Cela signifie que 13,5 % des entreprises allemandes ont demandé à mettre en place du chômage partiel. En 2019, la moyenne mensuelle était de 1 300. En février 2020, le nombre de demandes d’entreprises atteignait 1 900. Confrontée à cette forte hausse, l’OFE a adapté ses procédures afin d’accélérer l’approbation des demandes.
Plusieurs autres pays européens ont pris des mesures pour faciliter le recours des entreprises au chômage temporaire ou partiel tout en aidant financièrement les ménages[5]. Aux États-Unis, dans le cadre du Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act (CARES), l’État fédéral transférera, sous forme de crédit d’impôt ou extensions de droits, quelque USD 630 mds aux ménages américains. Aussi chacun d’entre eux recevra-t-il, sous condition de revenu, un « chèque » d’un montant maximum de USD 3 000. Les indemnités chômage, variables selon les États mais qui, en moyenne, se montent à USD 300 par semaine, seront augmentées d’une part fédérale de USD 600 par semaine, pour une période de quatre mois devant s’achever le 31 juillet 2020.
Si le confinement dure plus longtemps que prévu, ou si la création d’emplois prend du temps après le déconfinement, un soutien plus important sera nécessaire : il est, en effet, difficile d’envisager une accélération durable de la croissance si un grand nombre de ménages subit une importante perte de revenus par rapport à la situation pré-pandémique.