Pour tenir ses engagements climatiques, l’Union européenne (UE) doit viser une baisse de 90% de ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2040 (par rapport à 1990) selon une recommandation récente de la Commission[1]. Cela signifie multiplier en peu de temps les investissements dans les énergies renouvelables, les réseaux électriques, les infrastructures de transports, la rénovation thermique des bâtiments. Il en résulte une surcharge financière importante (évaluée entre 58 et 66 milliards d’euros par an en France[2]) mais aussi une quête exacerbée de moyens technologiques et humains. Pour sa transition écologique, le Vieux Continent est à la recherche d’informaticiens, d’ingénieurs du génie civil, d’électromécaniciens, de conducteurs de travaux, de plaquistes, d’électriciens, de couvreurs, etc.
De la même manière, parce qu’il réclame une limitation des intrants, une extension des surfaces cultivées en bio, ou encore un rétablissement des haies, le verdissement des pratiques agricoles tel qu’inscrit dans la stratégie « De la ferme à la fourchette » implique plus de travail mécanique et manuel, donc plus de bras.
Ce qui finalement ramène à une question débattue depuis l’origine de la pensée économique, qui est celle de l’offre de travail disponible et de son adéquation aux besoins. Or sur ce terrain, les projections démographiques de l’institut Eurostat, récemment mises à jour[3], annoncent de la rareté. Effet combiné de l’allongement de l’espérance de vie et du déclin de la natalité, la population européenne en âge de travailler (les 15 - 64 ans) connaîtrait une baisse marquée d’ici à 2040 (de près de 7% ou 19 millions d’individus dans le scénario central d’Eurostat, cf. graphique) alors que celle des séniors (les 65 ans et plus) serait appelée à croître (de 26 millions d’individus).
Pour compenser ce phénomène, la plupart des pays de l’UE mènent, depuis longtemps déjà, des politiques visant à maximiser les taux d’emploi (recul de l’âge légal de la retraite, durcissement des règles d’indemnisation du chômage, incitations à l’embauche des jeunes, renforcement de la formation professionnelle, etc.). Ils ont aussi recours à l’immigration, sans laquelle la chute de la population européenne d’âge actif serait deux fois plus rapide, et l’immense chantier consistant à verdir l’économie plus long à aboutir.