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Royaume-Uni : « God save the Gilt »

07/10/2022

Les rendements des obligations souveraines britanniques (gilts) ont explosé tout le long de la courbe des taux, accentuant la tendance baissière de la livre sterling. 

Transcription

La livre sterling britannique connaît une chute récente dans un contexte de dépréciation marquée ces dernières semaines. Cette dynamique de la livre s’inscrit dans une tendance déjà baissière depuis le début de l’année et plus encore depuis le Brexit.

Dans le contexte actuel, le Royaume-Uni se caractérise par une inflation plus forte et des perspectives macroéconomiques plus dégradées que ses partenaires européens et nord-américains. En outre, la remontée plus agressive des taux directeurs de la Réserve fédérale (Fed) américaine a entraîné des arbitrages de portefeuille au détriment de la livre. Si la dépréciation de la livre est particulièrement marquée vis-à-vis du dollar, elle est également significative vis-à-vis de l’euro.

Depuis l’arrivée de Liz Truss au poste de Premier ministre début septembre, les pressions à la baisse sur la livre se sont accrues. La présentation du « minibudget » a été le catalyseur d’une tempête sur le marché des gilts, les obligations souveraines britanniques, qui a elle-même causé une chute de la livre.

Le fait est que le chancelier de l’Echiquier Kwasi Karteng a annoncé simultanément un plan de soutien massif ainsi que des baisses drastiques d’impôts, pour un montant total d’environ £ 250 mds de livres sur cinq ans (soit 11% du PIB). Outre ce montant colossal, ce qui a suscité l’inquiétude des marchés c’est que l’absence de mesures compensatoires nécessite un recours à l’endettement.

À la suite de ces annonces, les rendements des gilts ont explosé tout le long de la courbe des taux alors que la livre a perdu 3% en un jour face au dollar, atteignant son niveau le plus bas depuis 37 ans. Face à ces mouvements brusques de marché, la Banque d’Angleterre a mis en place un programme d’achat d’urgence de titres souverains, d’un montant de £ 65 mds de livres. Cela a permis de ramener les rendements des gilts à leur niveau précédant l’annonce du mini budget.

De son côté, Liz Truss a dû faire marche arrière sur une mesure symbolique, à savoir la baisse d’impôt pour les plus hauts revenus. Ce retrait pourrait également conduire à d’autres modifications du plan annoncé.

En définitive, les fortes turbulences sur la livre et les gilts sont pour partie la conséquence d’une mauvaise coordination des politiques monétaires et budgétaires dans un contexte macroéconomique dégradé. Si l’intervention de la Banque d’Angleterre a permis d’enrayer le choc, le risque de récession et la question de la soutenabilité des finances publiques britanniques n’en restent pas moins préoccupants.

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE