Les perspectives économiques au Royaume-Uni restent dégradées. Après une année 2023 marquée par une détérioration progressive de l’activité – un ralentissement au premier semestre suivi d’une contraction au second – la croissance devrait tout juste se maintenir en territoire positif en 2024. À l’approche des élections législatives, prévues en fin d’année, le premier ministre Rishi Sunak, en difficulté au sein du parti Conservateur, peine à rassurer les ménages qui subissent de plein fouet l’augmentation du coût de la vie et des taux d’intérêt. Malgré le regain de pouvoir d’achat et la bonne tenue du marché du travail, la consommation privée reste déprimée. Le recul de l’inflation devrait néanmoins donner lieu à un début de détente monétaire en juin, qui serait toutefois modéré, avec une baisse d’un point de pourcentage (5,25% à 4,25%) prévue en 2024.
Entre recul de l’inflation et baisse de l’activité, la position des faucons du Comité de politique monétaire s’est assouplie : Catherine Mann et Jonathan Haskel, jusqu’alors en faveur d’une nouvelle hausse des taux directeurs, sont retournés, en mars, dans le giron du statu quo. L’inflation au Royaume-Uni est retombée sous la barre des 4% en g.a. en février et nous nous attendons à un repli sous la cible des 2% au deuxième trimestre, alimenté notamment par la baisse du plafond sur les prix de l’électricité et du gaz, qui est entrée en vigueur en avril.
Néanmoins, l’inflation dans les services – qui est davantage tirée par l’évolution des salaires – ralentit plus faiblement, se maintenant au-dessus de 6% en g.a. en février. Cette progression est d’ailleurs identique à celle des salaires de base dans le secteur (+6,0% en g.a. en janvier).
L'amélioration du pouvoir d'achat des ménages, soutenue par la baisse de l’inflation et la progression importante des salaires, a permis de soutenir la confiance des consommateurs britanniques[1] et devrait se traduire par un léger renforcement de l’activité au cours de l’année 2024.
Cependant, cette embellie ne se traduit pas par un réel regain de consommation, l’arbitrage se faisant, à ce stade, en faveur d’un surplus d'épargne. Le taux d’épargne est ainsi remonté au-dessus de 10% du revenu disponible brut au dernier trimestre 2023, un niveau deux fois supérieur à celui observé avant la crise sanitaire.
Cette évolution peut paraître contre-intuitive dans un contexte d’inflation élevée, mais elle s’observe souvent durant les cycles de ralentissement ou les récessions. C’était le cas lors de la crise de 2008 ou lors de la récession du début des années 1990[2]. Cette dynamique, qui reflète un accroissement de l’épargne pour motif de précaution, constitue, si elle perdure, un frein à la reprise économique. Elle pourrait limiter les effets des mesures gouvernementales introduites ces derniers mois, et qui ont un coût important pour les finances publiques du pays. En mars, Jeremy Hunt, le Chancelier de l’Échiquier, a notamment annoncé une nouvelle baisse du taux de cotisation sociale pour les employés (et autoentrepreneurs) de 2 points de pourcentage, qui fait suite à une première baisse d’une ampleur similaire à l’automne.[3]
Les finances des ménages restent mises à rude épreuve par l’augmentation du coût de la vie et des taux d’intérêt. La part des arriérés de paiements dans l'encours des prêts à l’habitat a atteint 1,2% au T4 2023, le niveau le plus élevé depuis six ans[4]. Certes, ces chiffres restent bien en dessous de ceux observés lors de la crise financière de 2008, où un pic à 3,6 % avait été atteint au T1 2009.
Néanmoins, une hausse est engagée et une nouvelle dégradation est à craindre en 2024, du fait qu’une partie des ménages britanniques devront refinancer leurs crédits à des taux plus élevés. Leurs charges d’intérêt progressaient encore très nettement cet hiver (+36% en g.a. en février, selon l’indice des prix au détail [RPI]) et la Banque d’Angleterre estime que le service de la dette des ménages britanniques continuera d’augmenter jusqu’en 2026, à mesure que la phase de refinancement se déroule.
La flambée des coûts du crédit se propage aussi au marché locatif (buy-to-let), où les loyers ont décollé depuis la sortie du confinement. La hausse ne faiblit pas, bien au contraire. Selon l’IPC[5], l’inflation des loyers a atteint 6,9% en g.a. en février 2024, son rythme le plus élevé depuis exactement 30 ans. Malgré cela, l’activité immobilière a retrouvé des couleurs avec la stabilisation des taux d’intérêt. Le volume des prêts à l’habitat est en redressement depuis plus d’un an et les prix immobiliers sont à nouveau en hausse, de plus de 1,5% sur un an selon l’indice Nationwide.
Achevé de rédiger le 2 avril 2024