En 2023, le PIB réel espagnol (en hausse de 2,5% en moyenne annuelle) a beaucoup plus progressé que celui de la zone euro (0,5% a/a). La consommation des ménages, principal moteur de la croissance, a été soutenue par la robustesse du marché du travail et la modération de l’inflation. Nous prévoyons une croissance de 0,4% t/t au T1 2024, avant une accélération au cours des trimestres suivants. Pour la quatrième année, la croissance espagnole serait ainsi l’un des principaux moteurs de la zone euro (2% a/a contre 0,7% a/a).
La consommation des ménages résiste malgré l'inflation
En ce début d’année 2024, l’évolution de l’inflation espagnole connaît quelques à-coups. Après avoir baissé en février en raison d’une plus faible progression des prix alimentaires (5,3% a/a en février ; -2,1 points de pourcentage sur un mois) et d’une nouvelle baisse des prix de l’énergie (-4,6% a/a ; -2,2 pp), l’inflation harmonisée aurait de nouveau augmenté en mars, selon l’estimation préliminaire de l’INE (3,2% a/a, +0,3 pp). Cette progression serait alimentée par le retour de la TVA sur les prix de l’énergie à 21% (contre 10% durant les trois précédents mois) ainsi que par la hausse des prix des carburants[1]. Le paquet de mesures fiscales visant à lutter contre la hausse des prix devant expirer d’ici le milieu de l’année, l’inflation pourrait à nouveau s’accroître au deuxième trimestre.
À l’instar d’autres pays de la zone euro, les prix des services continuent d’exercer une pression à la hausse sur l’inflation sous-jacente espagnole, qui se serait toutefois légèrement résorbée en mars selon l’INE (3,2%, -0,3 pp). La croissance des salaires étant plus élevée en Espagne que dans les autres pays de la zone euro (4,2% a/a pour l’Espagne T4 2023 contre 3,1% a/a pour la zone euro), la crainte de l’enclenchement d’une boucle prix-salaire reste importante.
La tendance globale au ralentissement de l’inflation, associée à cette forte croissance des salaires, a néanmoins pour effet d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages, et soutient ainsi leur consommation. Les premières données d’enquête (soft data) signalent d’ailleurs que la consommation des ménages espagnols devrait rester importante en ce début d’année. Les résultats de l’enquête PMI indiquent une amélioration de l’activité du secteur privé (PMI composite à 53,9 en février ; + 2,4 points sur un mois) principalement imputable à une plus forte demande. L’indice de confiance des consommateurs de la Commission européenne marque lui aussi un net progrès en mars (+1,3 point sur un mois, à -16).
Celui-ci est principalement porté par une amélioration des anticipations concernant la situation économique globale (-18,6 ; + 2,9 points) et la situation financière pour l’année à venir (-3,3 ; + 2,2 points), qui stimulent à leur tour les intentions d’effectuer des achats importants dans les prochains mois (-23,3 soit le meilleur niveau observé depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine ; + 0,3 point sur un mois). Cette croissance de la consommation se retrouve déjà également dans les données « dures » (hard data) de février, avec une progression significative des ventes au détail (+0,5% m/m en février) et des immatriculations de nouveaux véhicules (+3,1% t/t au T1). Par ailleurs, le tourisme, qui avait enregistré un niveau record en 2023, ne faiblit pas en ce début d’année : le nombre d’arrivées continue de progresser en février (+10,2% a/a), portant ainsi le nombre de voyageurs à 5 millions.
Le marché du marché du travail ne faiblit pas
Deux ans après la réforme du marché du travail, les vulnérabilités structurelles relatives au taux de chômage des actifs, des jeunes et de long terme persistent toujours. Néanmoins, les évolutions récentes du marché du travail continuent de surprendre favorablement. Le taux d’emploi (15-64 ans) affichait, au T4 2023, un niveau bien supérieur (65,8%) à la moyenne enregistrée sur la période 2010-2019 (58,8%), et les résultats publiés en ce début d’année restent encourageants : les entreprises[2] continuent de signaler des difficultés de recrutement dans les secteurs de la construction (12,3 ; +1,9 point sur un mois et 7 points au-dessus de la moyenne sur 30 ans) mais également des services (16,8 ; - 6,2 points sur un mois mais toujours 11,7 points au-dessus de la moyenne sur 30 ans), et le nombre d’affiliés à la sécurité sociale continue de grimper en janvier (+103 000 [3]), le portant à 21 millions.
La minorité au parlement reste source d’instabilité
Le Premier Ministre Pedro Sánchez et son gouvernement souffrent actuellement de leur minorité parlementaire. Après s’être battus durant des mois avec les partis de l’opposition dans l’espoir de faire accepter le budget pour 2024, le gouvernement s’est finalement avoué vaincu et a pris la décision d’étendre le cadre budgétaire de 2023 pour une année supplémentaire, puis de se concentrer sur le projet de budget pour 2025. Cette décision ne devrait toutefois pas affecter significativement les finances publiques espagnoles : la situation budgétaire en ce début d’année étant plus solide que prévue – avec un déficit public de 3,7% du PIB en 2023 (contre 3,9% initialement anticipés) – et la prévision de croissance pour l’année 2024 étant très élevée (2% a/a).
Néanmoins, des hostilités dans le camp séparatiste du parlement de Catalogne ont rendu impossible le vote du budget régional, ce qui a conduit le Président de la généralité de Catalogne à appeler à des élections législatives anticipées régionales pour le 12 mai. Or, les résultats de ces élections sont source d’inquiétude pour le gouvernement Sánchez. Non seulement la Catalogne est un point d’ancrage pour le Parti Socialiste, mais le gouvernement, déjà fragile, dépend également très grandement du soutien des deux rivaux séparatistes (ERC et Junts). Ainsi, si ERC perd la présidence de la Catalogne, cela pourra signifier que son soutien au gouvernement socialiste à Madrid aura été massivement sanctionné par les votants, et le parti n’aurait plus d’intérêt de soutenir Pedro Sánchez, qui se retrouverait alors dans une situation délicate.
Achevé de rédiger le 2 avril 2024