Comme en 2022 et 2023, l’économie française a entamé l’année sur une note faible et devrait voir sa croissance s’accélérer au 2e trimestre. Même s’ils sont différents des précédentes années, des vents contraires ont pesé sur l’économie française au 1er trimestre 2024. Au-delà de ce phénomène purement conjoncturel, pour renouer avec une croissance plus durable il faudra attendre le retour du consommateur français, que nous anticipons également pour le 2e trimestre. Enfin, l’investissement des entreprises devrait redevenir un support à la croissance française, avec notamment la mise en œuvre du plan France industrie verte.
L’économie française vient de connaître, au cours de la seconde moitié de 2023, un 2e semestre de stagnation après celui déjà observé au tournant de 2022-2023. Ce dernier avait été suivi d’un rebond important (croissance de 0,6% t/t au 2e trimestre 2023) mais sans lendemain. En ira-t-il autrement cette fois-ci ? La réponse n’est pas évidente car, pour la première fois, tous les postes de la demande intérieure ont manqué à l’appel au T4 2023 : la consommation des ménages a stagné et l’investissement des entreprises et des ménages se sont repliés. Notre scénario pour 2024 envisage une amélioration graduelle, au 2e trimestre plutôt qu’au 1er. Devra-t-on s’habituer à voir l’économie française commencer au ralenti au T1, puis redémarrer à partir du T2 ?
1er trimestre : un nouveau retard à l’allumage
L’année 2024 pourrait bien avoir débuté à son tour sur une note modérée. Le 1er trimestre 2022 avait souffert de la soudaine accélération de la crise inflationniste et des restrictions sanitaires liées au variant Omicron, tandis que le tournant de l’année 2023 avait été affecté par le risque de pénuries d’énergie. Qu’en sera-t-il en 2024 ?
Plusieurs facteurs négatifs sont à l’œuvre : les attaques de navires en mer Rouge qui ont perturbé les approvisionnements, de nouvelles fermetures d’usines automobiles et une baisse de la production. En parallèle, le nouveau recul des importations de biens intermédiaires au mois de janvier (chiffres des douanes françaises) n’augure pas d’un retour immédiat de la croissance du PIB. Les finances publiques ont également probablement pesé. En parallèle, la consommation des ménages aurait de nouveau manqué à l’appel au 1er trimestre. En effet, même si l’inflation a fortement reculé (2,4% a/a en mars selon l’indice harmonisé contre 5,7% a/a en septembre 2023), la hausse des prix des services (assurances, transports), ainsi que le retrait partiel du bouclier énergétique ont pesé sur le moral des ménages au 1er trimestre, dont la consommation en biens s’est érodée sur janvier-février.
En parallèle du bouclier énergétique, d’autres mesures de soutien été retirées (i.e. bonus écologique pour les flottes automobiles d’entreprises) ou sont entrées en vigueur tardivement (refonte du bonus écologique automobile pour les particuliers). À tout cela s’ajoute la maintenance des raffineries de pétrole qui a nécessité des fermetures plus importantes qu’à l’accoutumée au 1er trimestre 2024. Enfin, l’activité du secteur du bâtiment a été affectée par le froid au mois de janvier. Le solde d’opinion sur l’activité passée dans le logement neuf a atteint -37 en janvier, -39 en février, avant un rebond à -31 en mars (enquête de conjoncture de l’Insee dans le bâtiment).
2e trimestre 2024 : le retour de la croissance ?
Il est plausible que les entreprises françaises n’aient pas produit à la hauteur de leurs souhaits au T1, et qu’elles puissent le faire au T2 2024. Par ailleurs, le retour de la demande est attendu, avec la dissipation des dernières poches inflationnistes résiduelles encore perceptibles au 1er trimestre. En parallèle, malgré une inflation cumulée importante (12% depuis l’automne 2021, dont 21% sur l’alimentation ou 6,5 % sur les biens manufacturés), les prix d’une partie non négligeable de la consommation des ménages se sont stabilisés. Les prix des biens manufacturés n’augmentaient plus que de 0,1% a/a en mars et pourraient passer rapidement en territoire négatif (les prix à la production ont diminué de 5,5% a/a en février 2024).
Un rebond de la propension à dépenser des ménages pourrait ainsi venir de baisses de prix notamment sur des produits emblématiques du quotidien (l’alimentation) ou des achats plus exceptionnels comme celui d’une voiture. Qu’est-ce qui pourrait amorcer de telles baisses de prix ? Dans le cas de l’automobile, leur hausse passée (11% depuis l’automne 2021) a fini par peser sur la demande, ce qui devrait inciter les constructeurs à baisser leurs prix sur fond de nouveaux modèles moins chers (e-C3, R5 électrique) et/ou d’abondement du bonus écologique (en sus de ce que le gouvernement propose). En complément, l’adoption de critères plus contraignants en matière d’électrification des flottes d’entreprises (des pénalités financières, en discussion à l’Assemblée nationale, seraient applicables dès 2024) pourrait également soutenir la demande.
Et ensuite : la mise en œuvre des plans
La France développe depuis plusieurs années une politique industrielle : l’investissement des entreprises a bénéficié d’incitations fiscales (mesure de suramortissement en 2016), puis d’aides à partir de la période du Covid-19 (plan France relance). En parallèle de France 2030, le nouveau plan France industrie verte devrait donner une nouvelle impulsion, avec notamment l’entrée en vigueur, en mars 2024, du crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV). De plus, l’impact du resserrement monétaire mis en œuvre en 2022-23 par la BCE devrait s’atténuer. Par conséquent, après une période plus négative pour l’investissement des entreprises (entamée au 4e trimestre 2023, -0,9% t/t), ce dernier devrait rebondir courant 2024.
Au global, l’année 2024 devrait donc voir deux piliers importants de la croissance française (consommation des ménages, investissements des entreprises) faire leur retour et préfigurer une année 2025 encore meilleure (avec une prévision de croissance à 1,4%).
Achevé de rédiger le 4 avril 2024