Notre estimation « nowcast » de la croissance belge au premier trimestre 2024 confirme les perspectives relativement positives de l’économie : elle continue de croître à un rythme proche de la tendance (0,3 % par trimestre), en dépit d’un environnement extérieur difficile. Des facteurs ponctuels ont amplifié le recul de l’investissement des entreprises et des échanges en fin d’année dernière, mais la consommation des ménages est redevenue le principal moteur de la croissance économique. Les modes de consommation évoluent toutefois, avec une augmentation du commerce électronique et de la part des dépenses consacrées aux services. Les entreprises belges continuent cependant d’afficher une certaine résilience, tandis que le marché du travail ralentit.
La croissance du PIB belge au quatrième trimestre 2023 a été de 0,3 % t/t, portant la croissance pour l’ensemble de l’année à 1,5 %. La consommation privée et l’investissement des entreprises en ont été les principaux contributeurs. Plus précisément, au cours des trois premiers trimestres, les dépenses d’investissement des entreprises ont contribué à la quasi-totalité de la croissance économique, tandis que le commerce extérieur y a contribué très négativement. La situation a changé au quatrième trimestre, des facteurs ponctuels (vente de navires à des homologues étrangers) ayant tiré vers le bas l’investissement des entreprises et vers le haut les exportations. Mais même en tenant compte de ces évolutions spécifiques, un ralentissement de la croissance des investissements se profile. En revanche, la tendance à la baisse des échanges extérieurs semble avoir atteint son point bas au cours des derniers mois.
Changement des modes de consommation
Après un bref épisode de déflation à la fin de l’année 2023, liée au traitement technique des mesures d’aide à la facture énergétique au moment où les prix de l’énergie avaient largement dépassé leur pic, l’inflation harmonisée est remontée à 3,6 % a/a en février.
Ce faisant, l’indice IPCH a dépassé son pic d’octobre 2022 pour la première fois en 16 mois. Toutefois, grâce à une forte indexation des salaires au début de l’année 2023, les pertes de salaires réels pour les ménages belges sont restées limitées, ce qui contraste fortement avec les pays voisins et la zone euro dans son ensemble. La consommation des ménages s’est bien maintenue, contribuant pour moitié environ à la croissance de 1,5 % du PIB en 2023.
Nous nous attendons à ce qu’elle poursuive sur cette voie et représente plus de la moitié de la croissance du PIB en 2024, car la confiance des consommateurs semble s’être stabilisée sur sa moyenne à long terme.
Derrière ce retour apparent à une consommation habituelle se cachent d’importants changements de comportement. Le premier est l’augmentation de la part du commerce en ligne. D’après des données internes, la part des achats en ligne dans les dépenses totales de nos clients de la banque de détail est passée de 10 % avant le début de la pandémie à 22 % et plus au début de cette année.
Par ailleurs, les dépenses dans le commerce de détail ont augmenté de 17 % depuis le début de la pandémie, du moins en termes nominaux. Corrigés de l’inflation, les volumes sont, en revanche, en baisse de 4 %, atteignant leur plus bas niveau depuis 10 ans. Cela pourrait être dû à un report des dépenses de consommation des biens vers les services. Les données d’Eurostat semblent indiquer que sa part actuelle et son augmentation sur les des deux dernières années sont bien supérieures à celles des pays voisins et du reste de la zone euro.
Le sort des entreprises
L’aide gouvernementale importante accordée aux entreprises belges au cours des deux dernières années a fait couler beaucoup d’encre. Les taux de faillite ne font que remonter, progressivement, vers leurs niveaux d’avant la crise. En dépit d’une faillite imminente très médiatisée dans le secteur des transports, la crainte de longue date d’une vague de faillites diminue. Une question se pose : des entreprises en mauvaise santé auraient-elles été maintenues artificiellement en vie grâce au soutien des pouvoirs publics ?
Dans sa dernière publication, la Banque nationale répond à cette question par un « non » catégorique. La part des entreprises qualifiées de « zombies » – celles dont les charges financières dépassent leurs bénéfices pendant au moins trois années consécutives et qui sont actives depuis au moins dix ans – a poursuivi sa baisse pendant la crise Covid et énergétique qui a suivi. Cette part est passée d’environ 15 % en 2010 à 11 % en 2021. Par ailleurs, les prêts non-performants sur les expositions nationales sont inférieurs à leur niveau d’avant-crise.
Des éléments anecdotiques suggèrent également que les entreprises belges retrouvent une certaine dynamique. Récemment, et pour la première fois, le pays s’est classé dans le top 10 du classement FT1 000 des entreprises européennes à la croissance la plus rapide. Les données d’Eurostat suggèrent que des améliorations sont encore possibles, la part des entreprises à croissance rapide en Belgique (7 %) étant inférieure à la moyenne de l’UE (9 %).
Plus généralement, la confiance se rétablit dans l’ensemble de l’économie, même si les évolutions divergent. Les entreprises de la construction et surtout de l’industrie affichent un regain d’optimisme. Celles du secteur du commerce sont plus pessimistes, d’autant plus que le commerce de véhicules a été touché par la baisse de la demande en mars. Le marché du travail ralentit lentement. La part des entreprises du secteur industriel déclarant qu’il s’agit d’un facteur limitant a encore diminué.
L’indice Federgon du travail temporaire, un indicateur avancé, est orienté à la baisse depuis deux trimestres et les créations d’emplois décélèrent également. Le commerce international semble avoir atteint son point bas au début de l’année. Après un regain d’activité (porté par la chimie et la pharmacie), il était en recul depuis fin 2022. Mais, en glissement annuel, cette dynamique s’est inversée début 2024. Nous prévoyons une amélioration progressive, entourée d’une grande incertitude liée à l’environnement extérieur.
Achevé de rédiger le 2 avril 2024