Après huit ans de gouvernement socialiste, la coalition de centre droit Alliance démocratique a remporté les élections législatives anticipées du 10 mars dernier. Ce revirement politique, dans un contexte d’absence de majorité absolue au Parlement, pourrait être source d’instabilité dans le pays. Néanmoins, l’assainissement profond des finances publiques réalisé durant le mandat d’António Costa, ainsi que la solidité des fondamentaux macroéconomiques, permettent au futur gouvernement de disposer d’une importante marge de manœuvre économique et budgétaire. La croissance portugaise devrait rester largement supérieure à celle de la zone euro en 2024 (1,2% selon la Commission européenne, contre 0,7% pour la zone euro).
Un revirement politique source d’instabilité
La démission surprise en novembre dernier du Premier ministre portugais, António Costa, en raison d’un scandale de corruption et de trafic d’influence dans son cercle restreint, a contraint le président de la République à dissoudre le Parlement et à appeler à des élections générales anticipées, qui ont eu lieu le 10 mars 2024. Après huit ans de gouvernement socialiste, le parti de centre droit Alliance démocratique (AD) a obtenu le plus grand nombre de sièges au Parlement (80 sur un total de 230), et son chef de file, Luís Montenegro, a été nommé Premier ministre. Le Parti Socialiste (PS) est, quant à lui, arrivé en deuxième position, remportant 78 sièges. Enfin, le parti d’extrême droite Chega est devenu la troisième force politique du pays. Ayant réalisé une percée fulgurante avec une augmentation de 12 à 50 sièges au Parlement en deux ans, il est considéré comme le grand gagnant de ces élections.
Ces résultats ne permettront toutefois pas à Luís Montenegro de former un gouvernement disposant d’une majorité absolue au Parlement. Aucune alliance entre l’AD et Chega, ou le PS, n’étant pour le moment envisagée, le gouvernement se retrouvera très probablement minoritaire, avec des partis de l’opposition rejetant ses futurs projets de lois, ainsi que les votes de budget, comme c’est actuellement le cas en Espagne. Néanmoins, ce n’est pas la première fois dans l’histoire de la démocratie portugaise qu’un gouvernement est en position minoritaire au Parlement[1] ; le PS et l’AD ont ainsi eu l’habitude de coopérer en cas d’absence de majorité absolue. Malgré le fait que le leader du PS ait insisté sur le fait que son parti s’opposera au vote du budget à l’automne, il apparaît dans le cadre actuel, que les deux partis aient un intérêt supplémentaire à coopérer : celui d’éviter des élections générales anticipées, qui pourraient donner à Chega une chance de plus d’augmenter son nombre de sièges.
Des bases macroéconomiques solides
Ce revirement politique se produit néanmoins à un moment où les bases macroéconomiques du Portugal sont solides, ce qui devrait diminuer les potentiels risques impliqués par un changement de gouvernement et une minorité au Parlement.
La croissance a atteint 2,3% en 2023 en moyenne annuelle, un rythme comparable à celui de l’Espagne (2,5%) et largement supérieur à celui de la zone euro (0,5%). Elle resterait élevée en 2024 (1,2% selon la Commission européenne), principalement portée par la bonne performance de la consommation des ménages et des exportations.
Sur l’ensemble de l’année 2023, l’inflation (mesure harmonisée) a ralenti de 2,8 points de pourcentage (passant de 8,1% en moyenne annuelle en 2022 à 5,3% en 2023) et elle se situerait à 2,6% a/a en mars, selon l’estimation préliminaire de l’INE. Cette baisse de l’inflation, qui se poursuivra en 2024, associée à la forte croissance des salaires (+5,5% a/a au T4 2023 selon Eurostat), devrait continuer de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. La bonne performance du marché du travail est un autre facteur favorable à la consommation des ménages.
Bien que le taux de chômage ait été relativement stable au cours des cinq dernières années (6,5% en janvier 2024), le taux d’emploi (15-74 ans) a atteint un niveau historique au T3 2023, à 63,9%, quasiment trois points au-dessus de la moyenne de la zone euro.
Le tourisme devrait aussi continuer de soutenir les exportations. Après le record touristique enregistré en 2023, avec plus de 18 millions de touristes étrangers (+19% par rapport à 2022 et +11% par rapport à 2019), l’activité ne faiblit pas en ce début d’année, le nombre de voyageurs étrangers ayant atteint 964 700 en février (+10,4% a/a).
Le plus large déploiement du plan de relance et de résilience de l’UE – duquel le Portugal doit recevoir EUR 16,3 mds de subventions et EUR 5,9 mds de prêts entre 2021 et 2026 – soutiendra l’investissement en 2024 et au-delà. Néanmoins, une situation politique instable pourrait impacter les futurs déboursements par Bruxelles, et ainsi ralentir les délais des investissements et des réformes liés au plan de relance portugais.
Des finances publiques largement assainies en 2023
Tout au long de son mandat, le gouvernement d’António Costa a mis un point d’honneur à restaurer la discipline budgétaire. Récemment, la forte croissance nominale de l’activité et la hausse des recettes fiscales (+9% a/a en 2023) ont permis aux finances publiques de s’améliorer. Avec un excédent budgétaire de 1,2% du PIB cette année, le Portugal enregistre son solde positif le plus élevé en cinquante ans de démocratie. Mieux encore, le solde primaire (hors intérêts de la dette) a évolué d’un déficit de 8,5% du PIB en 2010 à un excédent de plus de 3% en 2023, et le ratio de dette sur PIB est repassé en dessous des 100% au T4 2023 (98,7%).
Ainsi, bien que le changement de gouvernement puisse entraîner une incertitude quant à la poursuite de la discipline budgétaire initiée par le PS, le pays dispose d’une certaine marge de manœuvre, le budget pour 2024 projetant encore un excédent de 0,2% du PIB pour 2024.
Achevé de rédiger le 2 avril 2024