L’économie britannique montre des signes de plus en plus nets de dégradation. La remontée du chômage se précise, et les données PMI sur l’emploi ont décroché en septembre. Les conséquences du resserrement monétaire s’amplifient et n’épargnent aucun secteur, en premier lieu l’immobilier et y compris la sphère publique récemment secouée par la faillite de plusieurs collectivités locales, dont Birmingham, la seconde agglomération du pays. Si l’inflation britannique reflue, elle reste élevée comparativement à ses voisins européens, en raison notamment d’une hausse plus marquée des salaires. Toutefois, la Banque d’Angleterre ne devrait pas procéder à une nouvelle remontée des taux directeurs, même si leur maintien en septembre (contre un relèvement attendu) s’est joué à une voix seulement. Le scénario d’une récession au premier semestre 2024 reste notre prévision centrale, suivie d’un léger redressement de l’activité, lui-même favorisé par l’enclenchement du cycle de baisses des taux d’intérêt. Nous l’anticipons à partir du T2 2024.
La révision à la hausse, par l’ONS, du PIB pour 2020-2022 aura redonné un peu de baume au cœur aux Britanniques. La contraction de l’activité en 2020 a été réduite, passant de -11,0% à -10,4% tandis que le rebond de 2021 a été réhaussé de +7,6% à +8,7%.
Le rattrapage complet de l’activité perdue durant la pandémie, et qui n’était pas encore intervenu à l’été 2023 d’après les données disponibles antérieurement, s’est finalement opéré dès le dernier trimestre 2021. La conjoncture économique britannique n’en demeure pas moins compliquée. Le pays fait face à un arbitrage entre croissance et inflation parmi les plus difficiles des pays développés.
Le retournement du marché du travail semble enclenché. Après avoir atteint un point bas à 3,5% au mois d’août 2022, le taux de chômage (3m/3m) est remonté à 4,3% en juillet 2023. La hausse a toutes les chances de se poursuivre au second semestre. Par ailleurs, les données PMI sur l’emploi se sont nettement dégradées en septembre : l’indice composite emploi a plongé de 4 points, à 46,4, la plus forte baisse mensuelle depuis le début des statistiques en 2007. Cet indicateur pour le secteur manufacturier affichait déjà depuis plusieurs mois un très net repli sous le seuil d’expansion (46,3 en septembre). L’indice des services décroche désormais (-4,8 points, à 46,4 en septembre), ce qui est cohérent avec la forte progression des salaires dans le secteur, qui contraint les entreprises à procéder à des ajustements salariaux via le volume d’emplois.
À 6,3% en août, la hausse sur un an de l’indice des prix à la consommation (IPC) est désormais inférieure à l’augmentation des salaires de base dans le pays (7,9% a/a). Néanmoins, la hausse des taux d’intérêt continue de mettre le pouvoir d’achat des ménages sous pression. Selon l’indice des prix au détail (RPI), qui inclut les paiements d’intérêts sur les crédits immobiliers, ceux-ci ont augmenté de plus de moitié en l’espace d’un an (+60,3% a/a en août), expliquant 1,8 point de pourcentage de la hausse du RPI, soit près de la moitié de l’écart entre l’IPC et le RPI, qui affichait une hausse supérieure à 9% a/a en août[1]. L’IPC, qui intègre uniquement l‘évolution des loyers, sous-estime assez significativement la baisse du pouvoir d’achat des ménages britanniques ayant souscrit un emprunt immobilier et dont le coût de remboursement s’est envolé.
Ces difficultés ne se limitent pas à la sphère privée. Certaines collectivités locales, et pas des moindres, ont dû activer ces dernières semaines l’article 114 destiné aux localités dans l’incapacité d’honorer leurs échéances financières. C’est le cas de Birmingham, la deuxième ville du pays, mais ce n’est pas la seule concernée puisque des localités londoniennes (Croydon, Thurrock et Woking) ont dû recourir à ce mécanisme d’aide, qui pourrait déboucher sur une intervention du gouvernement central.
Le ralentissement de l’inflation et de l’activité a joué en faveur d’un maintien du taux directeur à 5,25% en septembre. Le vote a été, néanmoins, très serré, quatre membres du comité sur les dix plébiscitant une hausse de 25 pb à 5,5%. Si nous ne prévoyons pas de nouvelle hausse de taux à venir, la phase de redescente de ce dernier au cours du premier semestre 2024 serait plus lente que ce que nous anticipions auparavant. Nous conservons toutefois une prévision de taux inchangée à 4% à l’horizon de la fin d’année 2024. Le remplacement, début novembre, de John Cunliffe, qui était en faveur d’une hausse de 25 pb en septembre, par Sarah Breeden, pourrait redonner un peu plus de poids aux « colombes » du MPC, confortant ainsi notre scénario d’un taux terminal atteint en septembre.
Achevé de rédiger le 29 septembre 2023