Après quelques hésitations, les autorités chinoises ont finalement multiplié les mesures de relance pendant l’été. Le léger redressement de la croissance économique récemment observé devrait se poursuivre au T4 2023. Cependant, l’action de la banque centrale et du gouvernement reste contrainte, prudente et mesurée, alors que les freins internes et externes pesant sur l’activité sont toujours puissants. Dans le secteur immobilier, même si de l’activité parvient à se stabiliser grâce aux mesures de soutien, elle devrait rester entravée par la fragilité financière des promoteurs et la faiblesse du sentiment des acheteurs.
Le ralentissement tendanciel de la croissance chinoise, en cours depuis une quinzaine d’années, s’est accentué en 2022 et 2023. La croissance du PIB réel s’est établie à 3% en 2022 et devrait à peine dépasser 5% en 2023, malgré des effets de base favorables liés à la fin des restrictions sanitaires.
L’activité économique est affaiblie depuis deux ans par une accumulation de puissants freins internes et externes : crise sans précédent du secteur immobilier, vague de resserrement réglementaire dans les services, politique zéro Covid stricte appliquée jusqu’en décembre 2022, important recul de la confiance des ménages et des investisseurs, manque de marge de manœuvre des autorités monétaires et budgétaires, affaiblissement de la demande mondiale et tensions avec les États-Unis. Ces freins se sont ajoutés aux facteurs structurels de long terme du ralentissement chinois : déclin de la population en âge de travailler, modération des gains de productivité, épuisement du modèle de croissance tiré par l’investissement et la dette.
Ainsi, le rebond post-Covid de la croissance chinoise, observé au T1 2023, s’est essoufflé dès le printemps, et les autorités n’y ont apporté qu’une réponse très prudente et progressive. Elles ont toutefois multiplié les mesures de relance depuis le mois de juillet, et quelques signes d’amélioration sont apparus.
En août déjà, l’activité dans les services s’est renforcée légèrement (+6,8% en glissement annuel contre +5,7% en juillet), soutenue par les ventes au détail (+4,5% en g.a. en volume contre +2,8% en juillet). La croissance dans l’industrie s’est, elle aussi, un peu redressée (+4,5% en août contre +3,7% en juillet).
Les tout derniers indicateurs d’activité avancés et les PMI signalent la poursuite d’une légère amélioration au mois de septembre.
La banque centrale a légèrement abaissé les taux d’intérêt directeurs (entre fin mai et fin septembre, le taux MLF à 1an a été réduit de 2,75% à 2,5%) ainsi que les coefficients de réserves obligatoires (le ratio moyen est passé de 7,6% à 7,4% en septembre). Cet assouplissement monétaire accompagne, d’une part, les mesures visant à limiter la crise immobilière et, d’autre part, l’accélération des émissions obligataires par les collectivités locales au S2 2023 afin de financer de nouvelles dépenses publiques. Le gouvernement central a également prorogé quelques aides fiscales bénéficiant aux PME et aux ménages.
Dans le secteur immobilier, la contraction continue de l’activité (et ses effets de contagion sur le reste de l’économie et la confiance), la multiplication des défauts de paiement des promoteurs et la diffusion des risques dans le secteur financier ont conduit les autorités à ajuster leur politique ces derniers mois, tout en conservant leurs objectifs d’assainissement du marché (désendettement des promoteurs, modération du coût du logement). Les mesures prises ont, dans un premier temps, principalement visé à financer l’achèvement des chantiers démarrés. Depuis août, les autorités renforcent leur action pour restaurer la demande de logements. Elles ont annoncé un assouplissement des règles prudentielles relatives à l’achat de logements et à l’octroi de prêts hypothécaires (avec notamment une baisse des montants minima d’apports personnels), ainsi qu’une réduction des taux d’intérêt sur les crédits hypothécaires (nouveaux prêts et prêts existants). Ces changements sont mis en œuvre de façon différenciée par le gouvernement de chaque province en fonction de la situation du marché immobilier local. Grâce à ces mesures, l’activité du secteur immobilier pourrait atteindre un point bas pour se stabiliser, voire se redresser légèrement, d’ici la fin de l’année. Cela devrait aider la poursuite au T4 2023 de l’amélioration conjoncturelle observée depuis le milieu de l’été.
Le redressement de l’activité reste cependant fragile, les ménages sont encore méfiants, les promoteurs immobiliers demeurent confrontés à de sévères difficultés financières, et la marge de manœuvre des autorités pour accroître le soutien à la croissance est étroite. Alors que l’inflation des prix à la consommation reste très faible (+0,3% en g.a. en août), la marge de manœuvre de la banque centrale est limitée par les pressions à la baisse sur le yuan. Celui-ci s’est déprécié de 13% contre le dollar US depuis avril 2022 (dont 5% entre fin mars et fin septembre) en raison du différentiel croissant entre les taux d’intérêt américains et chinois et des larges sorties d’investissements de portefeuille.
Par ailleurs, la politique économique reste fortement contrainte par la dette excessive du secteur privé et des collectivités locales. La dette intérieure totale a atteint 284% du PIB mi-2023 contre 247% à fin 2019. Cette dette limite la possibilité pour la banque centrale d’encourager de nouveaux crédits et décourage à la fois l’offre de prêts des banques et la demande des ménages et des entreprises. L’érosion de la confiance pèse également sur l’activité de crédit. La politique budgétaire est, de son côté, contrainte par la fragilité des collectivités locales liée à leur dette propre (30% du PIB mi-2023) et à celle de leurs véhicules de financement (estimée à environ 50% du PIB).
Enfin, l’action des autorités est dictée par des objectifs de plus long terme. Pékin cherche à construire un modèle de croissance plus équilibré, à renforcer la discipline financière, à promouvoir la « prospérité commune » et à stimuler l’innovation et les secteurs de haute technologie. La priorité n’est pas de soutenir la croissance à court terme, mais de réduire les risques : internes (d’instabilité financière, notamment) et externes (les tensions avec les États-Unis expliquent ainsi les efforts visant à atteindre l’auto-suffisance en technologies avancées).
Achevé de rédiger le 2 octobre 2023