Les enquêtes auprès des entreprises de la zone euro (PMI, Commission européenne) ont continué de se détériorer cet été, même si un léger mieux a été observé en septembre pour les PMI. La hausse des taux directeurs de 25 points de base en septembre – la dernière selon nos prévisions – amplifiera ce phénomène. Nous ne prévoyons pas de récession dans la zone euro dans son ensemble en 2023, mais une croissance modérée à 0,5% qui reposera essentiellement sur un acquis de croissance favorable en 2022. Après un premier semestre légèrement positif, l’activité stagnerait au second semestre. Des écarts de croissance importants sont à prévoir entre les pays membres.
D'après nos prévisions, l’activité au niveau agrégé de la zone euro stagnerait au second semestre 2023, sous l’effet d’une contraction du PIB en Allemagne (T3 et T4) et en France (T3 seulement) qui serait compensée par une progression en Italie et, surtout, en Espagne. Par ailleurs, la productivité horaire du travail a reculé au deuxième trimestre (-1,0% a/a) dans la zone euro : compte tenu de la hausse importante des rémunérations horaires (+5,4% a/a), le coût unitaire du travail (CUT) a fortement augmenté au T2, de +6,5% a/a. Les hausses de CUT les plus importantes s’observent dans le secteur manufacturier et celui de l’énergie (+7,6% a/a), ainsi que dans la composante « commerce, transports, hébergement et restauration » (+8,2% a/a).
Face à une conjoncture qui se dégrade, et à une hausse des CUT supérieure à l’inflation, le marché du travail devrait perdre en dynamisme. L’ampleur de ce recul et de la hausse du taux de chômage devrait toutefois être relativement limitée compte tenu des difficultés de recrutement persistantes. Le taux de chômage est resté sur un niveau historiquement bas à 6,4% en septembre.
Dans la foulée de la pandémie, l'activité des entreprises au sein de l'union monétaire a été d'abord essentiellement limitée par des contraintes d’offre (équipement, main-d’œuvre). Ces freins, qui se réduisent quelque peu, demeurent néanmoins importants, et s’y ajoute désormais un affaiblissement de la demande. Les signes de ralentissement de l’activité sont multiples : l’indice du sentiment économique de la Commission européenne a atteint, en septembre, son plus bas niveau en trois ans ; la masse monétaire élargie (M3) est repassée dans le rouge, en glissement annuel en juillet, pour la première fois depuis le printemps 2011 et s’y est enfoncée en août (-1,1% a/a) ; les crédits immobiliers et aux entreprises ralentissent nettement à 0,5% a/a en août.
Le resserrement du crédit devrait limiter les marges de progression de l’investissement privé, malgré le soutien attendu de la montée en puissance des investissements liés au programme Next Generation EU, dont la majeure partie des versements reste à venir. La Commission européenne a publié, fin septembre, un état des lieux de l’avancement du programme[1]. Au 1er septembre 2023, EUR 153,4 mds, soit 20% des fonds seulement, avaient été versés aux États membres, pour deux tiers sous forme de subventions (EUR 106,3 mds) et un tiers sous forme de prêts (EUR 47,1 mds)[2].
L’inflation a nettement ralenti en septembre, passant de 5,2% a/a le mois précédent à 4,3% selon l’estimation préliminaire d’Eurostat. Si un nouveau reflux est attendu au cours de l’automne, son ampleur pourrait être plus limitée qu’espéré, du fait notamment du rebond du prix du pétrole depuis cet été, dont les effets sur la composante énergie sont déjà bien visibles (+4,7% en cumulé sur la période août-septembre[3]). L’inflation sous-jacente a également reculé depuis le pic enregistré en mars de cette année, passant de 5,7% à 4,5% en septembre. Le croisement des courbes de l’inflation et des salaires, espéré au second semestre, devrait limiter le reflux encore à venir de l’inflation. Il permettra néanmoins aux salaires réels de remonter légèrement la pente, après près de deux ans et demi de baisse ininterrompue. L’indice des salaires de base, calculé par la BCE, a progressé de 4,3% en g.a. au T2, un rythme stable par rapport au trimestre précédent.
Les autorités nationales ont pris acte du ralentissement économique et certaines ont dégradé leurs prévisions de croissance pour 2023 (notamment l’Italie et la France). Le soutien budgétaire restera néanmoins important, et la trajectoire de réduction des déficits publics a été abaissée en France et en Italie. Le retour sous la cible des 3% de PIB a été repoussé d’un an : il sera désormais atteint respectivement en 2026 pour l’Italie et 2027 pour la France. L’ensemble des États membres devront présenter leurs plans budgétaires à la Commission européenne d’ici au 15 octobre. L’année 2024 marquera également la fin de la suspension du Pacte de stabilité et de Croissance, et l’introduction de nouveaux critères de gestion des finances publiques. La Commission européenne a présenté en avril dernier les contours de ce nouveau dispositif, qui devra être débattu et entériné par l’ensemble des États membres d’ici à la fin de l’année.? Si nous ne prévoyons pas de nouvelles hausses des taux d’intérêt par la BCE, le retrait progressif du soutien budgétaire constituera un facteur supplémentaire limitant la croissance en zone euro en 2024.
Achevé de rédiger le 2 octobre 2023