L’économie britannique flirte avec la récession. Le coup d’arrêt enregistré par l’activité au second semestre 2023 se prolongerait jusqu’au printemps 2024 avant une reprise attendue peu vigoureuse mais soutenue par le début du cycle d'assouplissement monétaire de la banque d’Angleterre (BoE). Malgré une légère remontée en décembre 2023, l’inflation reste sur une trajectoire baissière, que reflètent bien les prix à la production ou les enquêtes du CBI. Le retournement du marché du travail, encore contenu, contribue à réduire les pressions haussières sur les salaires : c’est une bonne nouvelle pour la dynamique inflationniste mais cela affaiblit la consommation privée. La BoE dispose de peu de marges de manœuvre. Une première baisse des taux directeurs devrait intervenir en juin 2024. Cependant, le rythme et l'ampleur de l'assouplissement monétaire serait lent puisqu’une baisse de 1 point de pourcentage (5,25% à 4,25%) est attendue en 2024.
Après une contraction du PIB réel de 0,1% t/t au T3 2023, les chiffres mensuels de l’ONS font état d’une stagnation de l’activité en octobre-novembre qui ne devrait guère avoir laissé place à une embellie en décembre. La consommation des ménages britanniques, affaiblie par la crise inflationniste et la détérioration (modérée) du marché du travail, a décroché en décembre. Les ventes au détail en volume (hors carburants) ont chuté de 3,1% m/m en décembre, la plus forte baisse en trois ans. Les distorsions de consommation de fin d’année, liée au « Vendredi Noir », n’expliquent pas à elles seules cette baisse puisque sur l’ensemble du dernier trimestre, les ventes ont reculé de 0,8% t/t.
L’inflation est légèrement remontée en décembre, à 4,0% en g.a., mais la trajectoire reste baissière. La mesure 3m/3m annualisée de l’indice IPC a baissé sous les 1% en décembre, ce qui souligne bien l’affaiblissement de la dynamique des prix au cours des derniers mois qui se matérialisera progressivement dans le glissement annuel. Par ailleurs, les prix de production des entreprises ne signalent pas une résurgence inflationniste puisque leur repli, hors énergie, s’est accentué à -2,8% en g.a. en décembre. La désinflation des prix à la consommation devrait se poursuivre au cours du premier semestre 2024, portée essentiellement par le ralentissement sur les biens hors énergie (alimentaires, équipements ménagers) tandis que la décélération dans les services, bien qu’elle se poursuive, serait plus limitée, toujours en raison d’une croissance soutenue des salaires. Cette dernière est tout juste retombée, en glissement annuel, sous les 6% en décembre. Néanmoins, le 3m/3m annualisé a baissé plus fortement, à 2,8%.
Si la baisse de l’inflation devrait soutenir la consommation, un affaiblissement plus significatif attendu du marché du travail limitera ces effets. Le retournement semble jusqu’à présent contenu avec un taux de chômage qui, après une remontée au T2, s’est stabilisé à 4,2% cet automne. Néanmoins, les dynamiques de recrutement actuelles restent difficiles à analyser puisque l’enquête auprès des ménages (LFS), traditionnellement utilisée par l’ONS, est suspendue depuis le mois d’octobre 2023 en raison de problèmes statistiques causés par la baisse du taux de réponse. Les chiffres actuellement communiqués se fondent sur des remontées administratives et celles-ci sont sujettes à d’importantes révisions. L’ONS commencera à publier la nouvelle enquête LFS à partir du printemps 2024. Les évolutions sur les salaires et les nouvelles ouvertures de postes provenant de sources différentes, elles continuent d’être actualisées. Un reflux de ce deuxième indicateur s’observe, de manière parfois significative puisque, dans un quart des secteurs, principalement dans les services (ventes au détail, transport et entreposage, information et communication), le nombre de nouveaux postes disponibles est repassé sous les niveaux de 2019. La hausse des salaires de base ralentit quant à elle sous l’effet conjoint de la baisse de l’inflation et de la remontée du chômage : si elle restait importante en glissement annuel en décembre, à 6,0%, le 3m/3m annualisé a chuté à 2,8%.
Certains développements positifs sont toutefois à signaler. Le marché immobilier affiche notamment des signes de plus en plus probants de stabilisation. L’enquête RICS indique, depuis l‘été dernier, une nette amélioration des perspectives de transactions et d’évolution des prix immobiliers. Depuis le début du resserrement monétaire en décembre 2021, la baisse des prix immobiliers s’est établie entre 4% et 5% en g.a. selon les indicateurs (Halifax, Nationwide) mais une phase de rebond semble en cours depuis cet automne.
Néanmoins, même s’ils devraient s’atténuer progressivement, les effets négatifs du resserrement monétaire se prolongeront en 2024. Dans son dernier rapport de stabilité financière, paru en décembre 2023, la BoE estime qu'un peu plus de la moitié seulement (5,5 millions) des ménages britanniques ayant contracté un emprunt immobilier l’ont déjà refinancé depuis que la hausse des taux a débuté fin 2021. Encore près de 5 millions de ménages seraient amenés à le faire d’ici à 2026. Le durcissement des conditions de crédit a déjà laissé des traces en 2023. Les arriérés de paiements sur les emprunts immobiliers ont progressé assez significativement et leur part dans les encours de crédits à l’habitat a atteint 1,1% au T3 2023, le niveau le plus élevé depuis le T2 2017.[1] Ces chiffres sont encore loin de ceux observés lors de la crise de 2008, où un pic à 3,6% avait été atteint au T1 2009. Néanmoins, la solvabilité des ménages reste sous pression, avec une charge d’intérêt sur les emprunts immobiliers toujours en très nette progression (+44,1% en glissement annuel en décembre selon l’indice des prix au détail).
Achevé de rédiger le 19 janvier 2024