Au troisième trimestre 2023, la croissance espagnole s’est légèrement modérée à 0,3% t/t. Elle a été principalement portée par la consommation des ménages, elle-même soutenue par la résilience du marché du travail et la progression des salaires réels. Après une remontée au cours du second semestre (de 1,6% a/a en juin à 3,3% en décembre selon la mesure harmonisée), l’inflation devrait de nouveau baisser en 2024 et s’inscrire en dessous de la cible de 2% dès le T3. Nous prévoyons que la croissance reste modérée en fin d’année 2023 et début 2024 (0,2% t/t), avant de redevenir plus franchement positive. L’Espagne restera l’un des moteurs de la zone euro pour une année supplémentaire – avec une croissance attendue de 1,5% en moyenne annuelle contre 0,6% pour la zone euro.
La fin de l’année 2023 en Espagne fut rythmée par des actualités d’ordre politique. Quatre mois après les élections générales anticipées et l’échec d’Alberto Núñez Feijóo à obtenir l’investiture du Congrès des députés, Pedro Sánchez a finalement été reconduit à la tête du gouvernement. Cette réélection a été rendue possible par le soutien des partis régionaux – dont les indépendantistes catalans –, ainsi que par l’accord de coalition négocié entre le parti socialiste (PSOE) et l’alliance de partis de gauche, Sumar. Des risques d’instabilité politique demeurent néanmoins présents, la position minoritaire du gouvernement au parlement étant à même de le rendre vulnérable aux demandes des petits partis de l’opposition.
L’approbation par le Parlement de la prolongation des mesures fiscales anti-crise en place depuis novembre 2022, sur la première partie de l’année 2024, apporte également son lot de surprises. Ces mesures comprennent notamment la hausse progressive des impôts sur l’énergie mais le maintien de la réduction de la TVA sur les aliments de base, la prolongation pendant un an de plus du rabais sur la tarification des transports urbains, et la prolongation du mécanisme permettant aux ménages endettés à taux variables de restructurer leurs prêts en taux fixes sans payer de commission supplémentaire. Bien qu’elles soient amenées à disparaître au cours du premier semestre, ces dispositions permettront de maintenir une inflation modérée et d’apporter un soutien aux ménages.
Le taux de croissance annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) a nettement ralenti en comparaison à 2022 (-4,9 pp sur un an ; à 3,4% en moyenne annuelle). La déflation des prix de l’énergie, principal facteur de la décélération des prix cette année, s’étant atténuée au second semestre, l’inflation a connu une nouvelle hausse au T4 : en décembre, elle se situe à 3,3% a/a, un niveau supérieur à celui de l’ensemble de la zone euro (2,9%).
Le marché du travail s’est montré résilient sur l’ensemble de l’année
La réforme du marché du travail de 2021 continue de porter ses fruits. La hausse de l’emploi se poursuit (+700 000 sur un an au T3 2023) et entraîne à la baisse le nombre de chômeurs (2,7 millions en décembre, -130 000 sur un an). Bien qu’il reste toujours le plus élevé de la zone euro, le taux de chômage espagnol a atteint son niveau le plus bas en quinze ans (11,9% en décembre). Le taux de croissance des rémunérations moyennes négociées dans les accords de branches (+3,5% en g.a en novembre) est repassé au-dessus de l’inflation. Ce retour à une progression des salaires en termes réels permet de soutenir l’activité, principalement dans le secteur des services. L’indice PMI d’activité associé a enregistré une nouvelle amélioration en décembre et retrouvé son niveau d’il y a cinq mois (51,5). Les perspectives d’emploi dans le secteur sont également positives : selon l’enquête de la Commission européenne, les entreprises anticipent des hausses d’emploi au cours des trois prochains mois. Le secteur de la construction indique lui aussi voir sa production contrainte en raison d’un manque de main d’œuvre (niveau le plus élevé depuis 2015). De ce fait, bien que les dynamiques de recrutement des entreprises puissent être affectées par les hausses des coûts du travail (+5,7% a/a au T3 2023), nous anticipons de bonnes perspectives d’emploi pour l’année 2024.
La consommation, principal moteur de la croissance
Le moteur de la croissance espagnole a été, en 2023, la consommation finale des ménages. Elle devrait conserver ce rôle en 2024, au regard de la reprise des ventes au détail enregistrée en novembre (+0,9% m/m, 5,3% a/a) et de l’amélioration de la confiance des consommateurs observée depuis septembre 2023 (+4,4 points sur trois mois selon l’enquête de la Commission européenne). La consommation étrangère devrait également contribuer positivement à la croissance de l’activité cet hiver. Depuis juin 2023, le nombre de touristes est de nouveau supérieur à son niveau pré-Covid de 2019. Les exportations de biens et de services s’en trouveront soutenues, de même que le PIB. Selon nos prévisions, la croissance espagnole s’élèvera à +0,2% t/t au T4 2023 et au T1 2024. Pour l’ensemble de l’année 2024, elle resterait supérieure (+1,5%) à celle de la zone euro (+0,6%).
Le secteur de l’immobilier commence à ressentir les effets retardés du resserrement monétaire
L’immobilier redevient un point de fragilité de l’économie espagnole. Les effets retardés du resserrement monétaire commencent en effet à se matérialiser. La hausse des taux d’intérêt et le durcissement des conditions d’accès au crédit ont engendré en novembre une baisse de 3,7% sur un an des crédits émis aux résidents. Cette baisse, associée à la hausse qui se poursuit des prix de l’immobilier (+4,2% sur un an en novembre selon Tinsa), a provoqué la chute du nombre de transactions (-28 550 au T3 par rapport au T2, soit un retour au niveau du T1 2021). La baisse des taux d’intérêt attendue en cours d’année 2024 devrait cependant, à terme, permettre de calmer progressivement les tensions observées sur ce marché.
Achevé de rédiger le 15/01/2024