La croissance en Grèce devrait être à nouveau au rendez-vous en 2024, mais l’activité a montré des signes d’essoufflement au second semestre 2023. Le PIB réel a stagné au T3 2023 et l’emploi s’est replié de 0,5% t/t. Si la forte activité touristique, dans un contexte d’inflation élevée, génère des recettes fiscales pour l’État, ses effets sur le PIB réel sont plus limités. La baisse rapide du taux de chômage (désormais sous les 10%), l’amélioration drastique des comptes publics et le recul de l’endettement public et privé témoignent de l’important redressement de la Grèce, salué d’ailleurs par la hausse des marchés actions et obligataires, et par le net resserrement des spreads entre la dette souveraine grecque et le Bund allemand. Néanmoins, des obstacles de long terme demeurent et d’autres se renforcent : les dynamiques démographiques et d’investissement freinent la croissance potentielle, tandis que la hausse très soutenue des prix immobiliers alimente de nouveaux risques sur le plan social.
Le rebond de l’activité post-Covid a permis à l’État grec de conjuguer croissance économique et consolidation budgétaire. Le pays a en effet très bien résisté aux chocs successifs subis par l’Europe au cours des dernières années. Au troisième trimestre 2023, le PIB réel se situait plus de 6% au-dessus du niveau enregistré au dernier trimestre 2019, soit le double de la zone euro (3,0%). Le PIB réel a toutefois marqué le pas cet été (0% t/t au T3), pénalisé par un recul de la consommation des ménages (-0,4% t/t) et de l’investissement (-1,8% t/t). L’activité devrait toutefois bénéficier en 2024 du redressement récent du marché du travail et du recul de l’inflation, qui, après avoir atteint un pic à plus de 12% a/a à l’été 2022, est retombée à 3,5% en décembre. Le taux de chômage est également repassé cet automne sous la barre des 10%, atteignant 9,4% en novembre 2023, le plus bas niveau depuis juin 2009. Les dynamiques de court et moyen terme demeurent donc encourageantes et la croissance se maintiendrait au-dessus de 2% en 2024, selon les prévisions de novembre 2023 de la Commission européenne.
Toutefois, cette phase de redressement n’est pas sans générer de nouveaux risques : après une longue phase de correction, qui s’est étendue sur près de huit ans (2009-2017), les prix immobiliers dans le pays sont repartis très fortement à la hausse, et la remontée des taux d’intérêt n’a pas enrayé cette dynamique en 2023, bien au contraire : la croissance des prix est même désormais la plus soutenue de la zone euro, à hauteur de 12% en glissement annuel au troisième trimestre 2023[1]. Athènes est devenue la capitale européenne avec l’inflation immobilière la plus importante[2], et le niveau moyen des prix n’est plus que de 3% en dessous du pic de 2008. En réponse à l’inflation des prix, le gouvernement a décidé cette année de durcir les conditions d’accès aux programmes de résidences par investissement (« visas dorés »). Depuis le mois d’août 2023, le seuil d’investissement immobilier nécessaire pour être éligible à ce programme a été doublé, pour s’établir désormais à 500 000 euros.
Les perspectives à plus long terme restent par ailleurs obscurcies par des dynamiques démographiques défavorables, une population active qui stagne, et un taux d’investissement relativement faible comparé aux autres pays de la zone euro. Le PIB par tête oscille à un niveau très inférieur à celui d’il y quinze ans (près de 17% en deçà par rapport à 2007 selon Eurostat) et l’écart avec la moyenne de la zone euro, qui s’était agrandi durant la crise des dettes souveraines européennes, ne s’est que faiblement réduit en 2021 et 2022.
La consolidation budgétaire reste une priorité
Le redressement des comptes publics constitue indéniablement l’une des dynamiques de fond les plus remarquables en Grèce. Le solde primaire, qui enregistrait au plus fort de la crise de la zone euro un déficit à hauteur de 10% du PIB, affichait un excédent de 0,1% en 2022. Cet excédent devrait s’accroitre en 2023 : sur les onze premiers mois de l’année 2023, l’excédent primaire du gouvernement général s’élevait à EUR 6,3 mds, contre EUR 3,7 mds au cours de la même période en 2022. L’amélioration des comptes de l’État permettra, malgré la hausse des taux d’intérêt, à l’endettement public de reculer significativement en 2023. Le ratio d’endettement s’établissait à 167% du PIB au T2 2023 et devrait poursuivre son recul en 2024, grâce aux bons chiffres attendus de la croissance. Le gouvernement grec compte aussi utiliser une partie de ses réserves de trésorerie pour rembourser de manière anticipée près de EUR 16 mds de dette contractée auprès du mécanisme de stabilité européen (ESM), ce qui contribuera à accélérer le désendettement du pays.
En conservant une majorité absolue au parlement, M. Mitsotákis et son parti Nouvelle Démocratie, sont sortis renforcés des élections législatives du 25 juin dernier, et entendent poursuivre le programme de privatisation destiné à réduire la dette de l’État. Celle-ci, bien qu’en forte diminution au cours des deux dernières années, reste à ce jour la plus élevée d’Europe. Pour cela, le Fonds hellénique de stabilité financière (HFSF) se désengage progressivement du capital des banques nationales qu’il avait intégré durant la crise des dettes souveraines afin de maintenir le secteur à flot. Toutes ces mesures, destinées à rééquilibrer les comptes publics et à libéraliser l’économie, ont permis de rassurer les marchés et de réduire la prime de risque sur les titres souverains grecs. Signe de ce regain de confiance, les taux à 10 ans sont repassés, depuis le printemps dernier, sous les taux italiens, tandis que le spread entre les taux grec et allemand s’est réduit à 100 points de base seulement en janvier.
Guillaume Derrien
Achevé de rédiger le 19 janvier 2024