En 2023, le rebond post-Covid de l’activité économique chinoise a été moins vigoureux qu’espéré. La crise du secteur immobilier semble même s’être aggravée en fin d’année, la demande de logements ne redémarre pas en dépit des mesures de soutien des autorités, et le moral dégradé des ménages pèse sur leur consommation. En revanche, le secteur manufacturier exportateur a affiché une performance meilleure que prévu au cours des derniers mois, contrastant avec celle des secteurs tournés vers le marché intérieur.
La croissance économique chinoise a atteint 5,2% en 2023, contre 3% en 2022. Ce redressement s’explique largement par la normalisation post-Covid de la demande intérieure et de larges effets de base. Il a également été aidé par un assouplissement monétaire et budgétaire prudent depuis l’été. Cependant, l’économie chinoise continue en réalité de faire face à un grand nombre de fragilités, qui devraient persister à court terme.
Ces fragilités se concentrent dans les secteurs tournés vers le marché intérieur et pèsent lourdement sur l’investissement et la consommation privée. En particulier, le secteur immobilier reste enlisé dans une crise profonde qui s’est encore aggravée en fin d’année 2023. L’investissement immobilier s’est contracté de 8% environ l’an dernier, comme en 2022. Les volumes de transactions immobilières ont chuté de -23% en g.a. en décembre, et de -18% sur l’ensemble de 2023, et la reprise apparente des mises en chantier observée en novembre (après 31 mois consécutifs de baisse) ne s’est pas confirmée. Seul le nombre de chantiers terminés continue de s’améliorer (+16% en 2023, après une baisse de -15% en 2022), grâce aux mesures mises en œuvre par les autorités visant à financer la finalisation des projets en cours. En revanche, les mesures introduites pour ranimer la demande de logements n’ont pas eu d’effets. Pour la première fois, l’encours total des crédits bancaires hypothécaires s’est contracté en 2023 (-1,5% en g.a. à fin septembre). Les stocks de logements invendus sont toujours excessivement élevés. Et les promoteurs immobiliers restent confrontés à d’énormes difficultés financières. L’accès aux crédits pour les promoteurs les plus sains s’est toutefois légèrement amélioré au cours des dix-huit derniers mois (le total des prêts bancaires aux promoteurs était en hausse de +4% en g.a. en septembre 2023, contre +1,5% à la mi-2022).
Le recul des prix immobiliers s’est poursuivi. En décembre, la baisse moyenne des prix des logements dans les 70 principales villes chinoises a atteint -4,1% sur un an et -0,8% sur un mois, soit les baisses les plus marquées depuis le début de la correction du secteur immobilier en 2021. La baisse globale des prix depuis le début de la crise est toutefois relativement modérée : à la fin de 2023, les prix des logements étaient en moyenne estimés 9% environ en dessous de leur niveau de mi-2021.
La perte de confiance des ménages, des investisseurs privés et des créanciers contribue largement à la persistance de la crise immobilière. Le moral dégradé des ménages explique aussi le rebond moins vigoureux que prévu de la consommation privée en 2023, en dépit des effets liés à la fin des restrictions à la mobilité. Les volumes de ventes au détail ont augmenté de 7%, après une contraction de 2% environ en 2022.
En parallèle, des pressions déflationnistes ont émergé au cours de l’année, en raison même de la faiblesse de la demande intérieure, mais aussi de la baisse des prix alimentaires (-3% en g.a. en moyenne au S2 2023, après une hausse de +2,5% au S1), de la correction des prix immobiliers et du recul des cours de l’énergie (les prix de l’essence ont ainsi chuté de -5,1% en 2023). Au final, l’inflation des prix à la consommation a ralenti de +1,3% en g.a. au T1 2023 à -0,3% au T4. L’inflation sous-jacente s’est stabilisée à +0,6% en g.a. en octobre-décembre, contre +0,7% sur les six mois précédents, un niveau faible par rapport aux années pré-Covid (l’inflation sous-jacente était de 1,6% en moyenne en 2019).
La progression du pouvoir d’achat des ménages est pourtant restée modérée en 2023 (le revenu disponible par tête s’est redressé de +6,1% en termes réels). Le chômage reste élevé chez les jeunes, et les perspectives d’évolution de l’emploi sont incertaines, en particulier dans les secteurs de services dont le cadre réglementaire est devenu plus contraignant. Tous ces facteurs ont de quoi peser sur la confiance et les dépenses des consommateurs. A cela s’ajoutent des effets de richesse négatifs liés à la baisse des prix immobiliers et des cours boursiers (l’indice composite de la bourse de Shanghai a perdu 12% entre la mi-2021 et fin 2023).
Le redressement de l’activité dans les secteurs de services a fléchi en fin d’année, conséquence du manque de vigueur de la demande des ménages et de moindres effets de base. La croissance dans les services s’est établie à +8,5% en g.a. en décembre, interrompant quatre mois d’accélération graduelle. Elle est estimée à 8% sur l’ensemble de 2023 (après -0,1% en 2022).
Au contraire, la performance des secteurs manufacturiers et exportateurs s’est récemment renforcée. La croissance de la production industrielle a encore accéléré légèrement en décembre (+6,8% en g.a.) et a atteint +4,6% en 2023 (contre +3,6% en 2022). L’investissement manufacturier s’est aussi légèrement redressé au T4 2023. L’activité est largement tirée par les exportations, dont la performance s’est avérée meilleure que prévu en 2023 en dépit d’un environnement international peu porteur. Les exportations de marchandises se sont stabilisées en novembre et ont augmenté en décembre (+2,3% en g.a. en dollars courants), après six mois de baisse. Surtout, les volumes d’exportations ont rebondi ces derniers mois, aidés par les baisses de prix proposées par les entreprises chinoises pour renforcer leurs parts de marché. La Chine est, de fait, parvenue à développer sa gamme de produits (allant des biens de consommation à faible valeur ajoutée aux produits de technologie verte), à s’imposer sur le marché des véhicules électriques, et à diversifier ses marchés pour tenter de compenser la baisse des ventes aux États-Unis et à l’Union européenne.
Achevé de rédiger le 24 janvier 2024