L’économie belge devrait continuer à croître à son rythme actuel pendant quelques trimestres. Malgré un environnement international difficile, combinant resserrement monétaire et ralentissement économique de ses principaux partenaires commerciaux, l’économie belge a remarquablement bien résisté. La consommation des ménages, soutenue par l’indexation des salaires sur l’inflation, et le dynamisme de l’investissement sont les moteurs de cette croissance. En raison de la hausse des coûts salariaux et de l’énergie, les dépenses en capital se concentrent en premier lieu sur l’automatisation et la transition énergétique.
Jusqu’à présent, l’économie belge réussit un atterrissage en douceur. Après les craintes d’une récession ou du moins d’un ralentissement de la croissance pendant une grande partie de 2023, l’économie belge est parvenue à croître à son rythme tendanciel ou à un rythme proche. C’est l’un des rares pays de l’UE à avoir évité le moindre trimestre de croissance négative du PIB depuis le début 2022 Les moteurs derrière cette performance ? : la consommation des ménages et les investissements des entreprises.
Une consommation des ménages soutenue
L’inflation belge, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), a atteint son pic à 13,1 % en g.a. en octobre 2022. L’économie belge dispose d’un système unique de protection du pouvoir d’achat, avec l’indexation automatique des salaires sur l’indice de santé, une mesure des prix alternative, qui a culminé à un niveau similaire à l’IPCH au cours de la même période. À court terme, la hausse des coûts salariaux pèse certes sur la compétitivité des entreprises (voir ci-dessous), mais elle soutient en même temps fortement le revenu disponible des ménages. La Banque nationale belge (BNB) signale que les réductions d’impôts ont également eu un impact positif sur le pouvoir d’achat l’année dernière grâce à l’évolution des tranches d’imposition qui progressent moins vite que les revenus eux-mêmes soutenus par l’inflation. En 2022, une part plus importante de revenus (déjà indexés) s’est retrouvée dans des tranches d’imposition plus élevées (pas encore indexées). En 2023, le phénomène inverse a joué : les tranches d’imposition ont été indexées sur les chiffres de l’inflation de 2022 et ont progressé plus que les revenus, de telle sorte qu’une moindre part de ceux-ci a été taxée aux taux les plus élevés. L’ensemble de ces développements a contribué à la bonne tenue et à l’accélération de la consommation privée en 2023, avec une progression trimestrielle moyenne de 0,3 %. La seule composante du PIB à l’avoir devancée ces derniers trimestres est l’investissement des entreprises.
Des investissements d’entreprises encore plus robustes
Lorsque la BCE a entamé son cycle de hausse des taux à la mi-2022, les obstacles s’accumulaient pour les entreprises belges entre la hausse des coûts de financement, de l’énergie et ceux de la main-d’œuvre (en raison de l’indexation sur l’inflation susmentionnée). Il semblait que les taux de faillite, qui restaient à l’époque inférieurs de 20 % aux niveaux d’avant la pandémie, pourraient augmenter rapidement. Ces craintes se sont révélées exagérées. Une étude interne récente, basée sur les flux entrants et sortants agrégés des comptes bancaires des clients professionnels, a mis en évidence la résilience remarquable de ces entreprises face à ces chocs, avec des niveaux d’activité qui ont à peine varié dans de nombreux secteurs.
En effet, l’augmentation des coûts de l’énergie n’a pas eu d’impact important sur les entreprises, car elles ont su s’adapter rapidement. Ce fut la même chose pour la hausse du coût du travail. Bien entendu, la compétitivité de la Belgique à l’international a diminué. L’écart salarial avec ses pays voisins cumulé depuis 2019 s’élevait à 4 points de pourcentage en 2023. Cependant, selon la BNB, les salaires en France, en Allemagne et aux Pays-Bas devraient avoir rattrapé le niveau belge d’ici 2026. De plus, une analyse historique de l’impact des chocs sur le coût du travail en Belgique tend à montrer que l’ajustement des entreprises passe plus par une baisse de leurs bénéfices que de leurs activités ou des embauches. Fin 2023, les taux de faillite étaient ainsi toujours de 5 % inférieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie. Certains secteurs, comme la construction et les transports, ont toutefois dépassé ce niveau. Cependant, dans leur ensemble, les entreprises ont mieux résisté que prévu au choc des coûts salariaux et de l’énergie. Reste le choc de taux.
Une étude récente de la BNB a examiné dans quelle mesure les entreprises belges ont profité des trois décennies de baisse des taux d’intérêt. Outre la baisse des coûts de financement, les capitaux propres et les réserves de trésorerie ont augmenté. De façon assez surprenante, leur taux d’investissement n’a pas augmenté de manière significative, tout en restant plus élevé que celui de la zone euro depuis environ 2010. Et cet écart favorable apparaît de nouveau clairement depuis l’été 2022. Depuis cette date, l’investissement des entreprises belges a connu une croissance étonnante de 2,5 % par trimestre, soit presque le double de sa tendance, une dynamique manifestement non entravée par la hausse des taux. En revanche, sur la même période, les investissements des ménages (logements) ont reculé de plus de 1 % par trimestre. Les taux d’intérêt plus élevés semblent moins contraignants pour les entreprises, qui utilisent des financements interentreprises ou leurs réserves de trésorerie. Quelle est donc le moteur de ce fort investissement ? Il semble prendre ses racines dans le choc sur les coûts salariaux et de l’énergie. Les entreprises investissent, en effet, principalement dans la numérisation et l’automatisation pour répondre à l’augmentation des coûts du travail et à la pénurie de main-d’œuvre. Elles investissent aussi dans le verdissement des processus de production afin de réduire leur exposition à la volatilité du cours de l’énergie et se conformer à la réglementation environnementale. Et les taux d’intérêt devant diminuer en 2024, ce boom des investissements devrait donc se poursuivre encore un certain temps.
Achevé de rédiger le 15 janvier 2024